La faute à la manette !

La falm !

Dernière mise à jour : 18/07/23 - dernier article : Perry en la demeure

サイレントブログ

Choses lues, ruminations et pensées qui volent bas (par A 🥜)

Fumio Sasaki est l’auteur de L’Essentiel et rien d’autre, manuel de désencombrement dont vous avez entendu parler si la vague du minimalisme a baigné vos pieds. En lisant il y a quelque temps son deuxième livre traduit (Ces habitudes qui font grandir votre talent, 2020), j’avais été étonné de trouver quatre mentions à Daigo Umehara, que voici :

La plupart de mes souvenirs d’enfance sont en lien avec les jeux vidéo, mais une fois le cap des 30 ans passé, j’ai arrêté d’y jouer, et je pense même que j’en étais arrivé à mépriser ceux qui passaient du temps dessus. Alors que, petit garçon, je m’amusais avec comme un fou. Or, depuis que j’ai découvert le joueur professionnel Daigo Umehara et son engagement vis-à-vis des jeux vidéo, j’ai changé d’avis sur la question.
Umehara a déclaré être déjà las des jeux vidéo. Gagner un tournoi est pour lui un moyen, son seul but étant sa propre « évolution ». Pour rester au top niveau mondial, il joue pendant des heures avec le plus grand sérieux et prend des notes dès qu’il rencontre un problème. Il apporte constamment des modifications à ses méthodes de jeu. Le processus (essais et erreurs) n’est pas si différent de celui d’un sportif de haut niveau.
Le fait est que, si on s’engage sérieusement, peu importe l’action, elle en vaut la peine

Daigo Umehara, joueur professionnel de jeu vidéo, a déclaré que son but était non pas de gagner des tournois, mais de continuer à progresser. Car faire de la victoire un objectif risquerait de le vider entièrement de ses forces et l’empêcherait de continuer

Daigo Umehara, affirme que l’on ne peut faire de progrès sans réfléchir, et ce, même si on s’entraîne longtemps

Selon Daigo Umehara, l’astuce, quand on veut changer, est de ne pas se demander si le changement sera bénéfique ou non. Si cela tourne mal, il suffit de changer à nouveau

Cela témoigne-t-il davantage de leur amitié ou d’une vision de la vie particulièrement profonde dans les livres de Daigo Umehara ? Dommage qu’aucun des livres de Daigo n’ait été traduit, même en anglais, pour se faire une idée ; reste que c’était chaque fois étonnant de le voir mentionné. 

Puisque j’y suis, digressons : tout cela me renvoie au problème du désencombrement et du minimalisme, en tout cas tels que mis en scène par les auteurs et influenceurs du domaine ; soit ils critiquent la possession de trop grandes quantités d’objets sans questionner l’acte d’achat lui-même (Marie Kondō style, on ne garde que ce qui produit une « étincelle de bonheur » mais on conserve ses habitudes consuméristes), soit ils cultivent un fétichisme paradoxal de la marchandise : les listes d’objets « essentiels » ressemblent à des passages de Bret Easton Ellis, où les marques sont omniprésentes — peu d’influenceurs minimalistes sans iMac pro ou gadgets Sea to summit, comme l’illustrent les photographies qui ouvraient le premier essai de Sasaki.

Plein de bonne volonté trois semaines durant pour naviguer entre ces récifs, j’ai appliqué plus ou moins cette préconisation de Samurai Matcha, un vidéaste minimaliste japonais passionné (en partie reprise de Make Time de Jake Knapp and John Zeratsky) : établir chaque matin son objectif du jour, ce pour quoi on peut être redevable et ce dont on veut se libérer.

Évidemment mon entrain s’est évaporé rapidement mais je me suis rendu compte que se dissuader d’un achat (« L ») occupait beaucoup mon esprit et ces listes.

En conclusion, je suis davantage Kondō que Fumio, et l’acte d’achat reste un lien à la société de consommation qui peut libérer : depuis que j’ai enfin les OST vinyles d’Art of Fighting 3 et de Galaxy Force 2, je n’y pense plus (d’autant moins que je n’ai pas de platine pour les écouter).

« H » : revendre des vinyles sur vinted

« G » : ma tranquillité d’esprit regagnée

« L » : arrêter de croire que je peux raisonner mes compulsions

 

PS : un passage concernant feu-Twitter du 2e livre de Sasaki :

Si je ne prends aucune mesure, je me retrouve souvent à errer sur Twitter. J’ai l’impression que l’envie de voir les réactions à mes tweets est plus forte que moi. Au moment où je rédige ce livre également, les idées fusent dans ma tête et j’ai envie de les poster sur Twitter. Mais si je venais à le faire, je passerais tout mon temps à guetter et à lire les réactions, et ne pourrais avancer sur ce projet.
J’ai créé une note dans mon smartphone intitulée « Twitter ». Quand j’ai une idée précise de tweet, je la « poste » dedans. L’effet est immédiat. Je pensais que la récompense que j’obtenais en utilisant ce réseau social était les like et les retweets de mes abonnés, mais en réalité, il s’agissait de « conserver mes idées ». En les notant, et même si personne d’autre que moi ne peut les lire, j’éprouve un grand sentiment de satisfaction.

 

 

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Voilà « l’incident de Sakai » tel que décrit par Hiroshi Hirata dans le recueil du même nom (L’Incident de Sakai et autres récits guerriers, Delcourt, 2009). La description qu’en fait Emmanuel Faubry (L’Engagement des officiers français dans la fin du shogunat et la restauration de Meiji (1867-1869), 2020) est bien différente : 

Le matin [du 8 mars 1868 à Sakai, près d’Ōsaka], le capitaine Bergasse du Petit-Thouars (qui a relaté l’incident en détails à partir de témoignages des survivants) envoie une chaloupe à vapeur, commandée par l’aspirant Guillon, et une baleinière, commandée par l’enseigne de vaisseau Pâris, dans le port de Sakai afin d’y effectuer des relevés hydrographiques et chercher le capitaine Roy et le consul de France qui doivent y arriver en milieu de journée. Sur la chaloupe à vapeur du Duplex, Bergasse a envoyé seize hommes dont l’aspirant Guillon, premier maître Le Meur et le deuxième maître mécanicien Durel. Certains des hommes ont des révolvers, mais à bord de la baleinière de la Vénus personne n’est armé. Une fois à quai, Paris laisse les hommes sous la surveillance de Guillon tandis qu’il part faire des sondages avec la baleinière. Guillon a ordre de rejoindre le milieu de la rade si les Japonais deviennent trop curieux ou agités. Mais la population est très bienveillante: les Japonais viennent offrir des fruits et des gâteaux aux marins. Pâris revient deux heures plus tard et part sonder un autre point de la rade. C’est alors que Le Meur et Durel demandent l’autorisation à Guillon de se promener le long du quai. Comme d’autres marins avaient mis pied à terre sans souci et que la population était toujours amicale, la permission leur est accordée.

Quinze minutes plus tard, alors qu’ils atteignent le bout du quai, deux cents mètres plus loin, ils sont interpellés par un homme en armes qui pousse un cri. Tout à coup, ils sont encerclés par une soixantaine d’hommes de Tosa armés de fusils, de sabres et de bâtons. On leur lie les mains. Le Meur résiste mais Durel lui dit de se laisser faire et tente de s’expliquer aux Japonais. Un peu plus tard, voyant qu’on les emmène vers l’intérieur de la ville et qu’on ne les écoute pas, Le Meur préconise la fuite. A peine se sont ils dégagés de leurs agresseurs que les coups de feu commencent. Le Meur fuit vers la chaloupe poursuivi pas les Japonais. Durel se jette à l’eau. Le Meur arrive en courant à la chaloupe à vapeur et s’écrie « Pousse au large, nous sommes perdus, voici la garde! » et Guillon répond « Coupe les bosses, machine en avant ! ». Mais il est trop tard: les Japonais ouvrent le feu sur eux et les autres matelots à bout portant. Les balles coupent les tuyaux à vapeur, les marins se jettent à l’eau et se cachent derrière la chaloupe. Les Japonais continuent à faire feu jusqu’à que les Français cessent de donner signe de vie, puis, ils prennent la fuite. Depuis la baleinière, Paris et ses hommes regardent la scène, impuissants. Ils essuient des tirs de fusil mais essaient tout de même de s’approcher pour sauver des marins qui se seraient jetés à l’eau. Ne voyant plus personne donner signe de vie non plus, ils rejoignent la flotte. Parmi les seize marins de la chaloupe, sept sont pourtant encore vivants, quoique tous soient blessés à l’exception de Durel qui, lui, ne sachant pas nager, a failli se noyer! En effet, ils se sont pour la plupart cachés dans l’eau derrière la chaloupe. Un des sept avait été assommé et laissé pour mort mais la population japonaise l’a ramené à bord de la chaloupe une fois les hommes armés partis. Durel, remonté dans la chaloupe, aide les blessés à se hisser dedans. Puis, ils rament jusqu’à la sortie du port et font voile pour regagner la flotte. Deux des blessés meurent peu après. Au total, onze marins ont été assassinés dont l’aspirant Guillon, âgé de vingt-deux ans.

Pas de mention de violences des Français, encore moins de tentatives de viols comme sur les images. Pas de drapeau que les soldats volent au passage mais, côté français, le pavillon de la baleinière a été perdu au cours des événements. Faut-il croire pour autant, comme nous l’assure Mitsuhiro Asakawa, « éditeur de la version japonaise chez Seirinkögeisha », que « la vérité reste largement inconnue » (tout en précisant deux lignes après que la version de M. Hirata repos[e] sur la vérité historique ») ? En tout cas, le 10, quand Léon Roches demande aux « envoyés du gouvernement impérial […] si quelque acte des marins ou quelque parole avait pu déclencher les hostilités, [ils] répondent qu’« au contraire, la conduite et l’attitude de ces marins étaient parfaitement exempte de tout reproche et que l’agression avait eu lieu sans l’ombre d’un prétexte.» Les officiers de Tōsa interrogés par les autorités japonaises ont prétendu n’avoir pas eu connaissance des traités stipulant le libre accès à Sakai. Enfin quand Roches leur a demandé si le fait que ces hommes soient français soit en cause, ils ont répondu que non, que les agresseurs étaient animés d’une haine contre tous les étrangers.  » 

Autre moment : 

Celui-là est plus facile à mettre en doute : Léon Roches, ambassadeur, n’est pas présent durant l’éxécution. De plus il est bien peu probable que les exécutions se fassent au milieu d’un bain de sang (les samurai refuseraient une telle impureté, et d’après Bergasse (qui n’est encore que capitaine de frégate), après chaque mort, « huit hommes arrivent, enlèvent le corps et ce qui a servi au supplice, enveloppent le tout dans les nattes et dans le grand linceul qui recouvre la surface de l’exécution, et aussitôt le lieu est préparé de nouveau » (p.101) :

Ce mode d’exécution laisse une profonde impression à Bergasse mais ce qui le gêne le plus est qu’il n’y a pas d’ignominie dans cette mort. Le condamné qui ne reste pas infâme jusqu’au dernier moment devient un martyr selon lui. Ce qui s’est avéré exact car le tombeau des condamnés est devenu objet de vénération de la population japonaise peu après. L’objectif n’est donc pas atteint. Bergasse décide d’arrêter le cours de cette réparation après la onzième exécution. En plus de l’inefficacité de la punition, il souhaite donner une preuve de modération après que la France a montré toute sa force. Et puis la nuit vient, le vent se lève et il est plus prudent de regagner les embarcations avant l’obscurité. Il fait part de son intention à Godai. Le douzième condamné marchait d’un pas ferme vers le lieu de supplice quand on lui fait signe de revenir sur ses pas, il s’incline lentement et revient tranquillement « sans que rien dans sa physionomie trahit la moindre émotion » remarque Bergasse. Il fait nuit noire lorsque Bergasse arrive sur la Vénus et le vent souffle fort. Roches qui arpentait le pont avec Roy interroge Bergasse et se montre fort mécontent de sa décision. Puis, il se calme et tombe d’accord sur le fait que cette preuve de modération pourrait leur être favorable.

Peut-on dire également que Roches rentre « tout penaud » en France ? Cet attentat entraîne « le début des relations officielles entre le gouvernement impérial naissant et les nations occidentales. Et c’est à cause du massacre de Sakai que la France est la première à être mise en relation avec l’Empereur » (audience à Kyoto le 23 mars). Cela n’enlève rien au fait que Roches et les représentants français ont pris le parti du shogun — Roches a été peu sensible au charisme du jeune empereur (« sa figure n’offrait aucune trace d’intelligence »). C’est pour ce choix qu’il « fut appelé en France et mis en disponibilité avec, à titre de consolation, le grade de ministre plénipotentiaire », pas à la suite de « l’incident » de Sakai (quel drôle d’euphémisme). 

J’ai du mal à suivre Mitsuhiro Asakawa pour qui « ce que M. Hirata décrit ici, c’est une tragédie causée par une différence culturelle, et absolument pas par un nationalisme étroit. » Il y a effectivement un malentendu culturel, la « modération » française étant perçue comme une marque de faiblesse, mais l’oeuvre d’Hirata prend tellement parti qu’elle ne permet pas de la saisir. Par contre, ce nationalisme, je le décèle autant dans l’événement historique que dans les intentions du mangaka. C’est peu dire que cela tempère mon plaisir de lecture.

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C’est que j’y déposerai des choses probablement moins intéressantes et abouties, en tout cas moins centrées sur le jeu et davantage sur mes lectures ou mes pensées du moment. Vous voilà prévenus.

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