Fumio Sasaki est l’auteur de L’Essentiel et rien d’autre, manuel de désencombrement dont vous avez entendu parler si la vague du minimalisme a baigné vos pieds. En lisant il y a quelque temps son deuxième livre traduit (Ces habitudes qui font grandir votre talent, 2020), j’avais été étonné de trouver quatre mentions à Daigo Umehara, que voici :

La plupart de mes souvenirs d’enfance sont en lien avec les jeux vidéo, mais une fois le cap des 30 ans passé, j’ai arrêté d’y jouer, et je pense même que j’en étais arrivé à mépriser ceux qui passaient du temps dessus. Alors que, petit garçon, je m’amusais avec comme un fou. Or, depuis que j’ai découvert le joueur professionnel Daigo Umehara et son engagement vis-à-vis des jeux vidéo, j’ai changé d’avis sur la question.
Umehara a déclaré être déjà las des jeux vidéo. Gagner un tournoi est pour lui un moyen, son seul but étant sa propre « évolution ». Pour rester au top niveau mondial, il joue pendant des heures avec le plus grand sérieux et prend des notes dès qu’il rencontre un problème. Il apporte constamment des modifications à ses méthodes de jeu. Le processus (essais et erreurs) n’est pas si différent de celui d’un sportif de haut niveau.
Le fait est que, si on s’engage sérieusement, peu importe l’action, elle en vaut la peine

Daigo Umehara, joueur professionnel de jeu vidéo, a déclaré que son but était non pas de gagner des tournois, mais de continuer à progresser. Car faire de la victoire un objectif risquerait de le vider entièrement de ses forces et l’empêcherait de continuer

Daigo Umehara, affirme que l’on ne peut faire de progrès sans réfléchir, et ce, même si on s’entraîne longtemps

Selon Daigo Umehara, l’astuce, quand on veut changer, est de ne pas se demander si le changement sera bénéfique ou non. Si cela tourne mal, il suffit de changer à nouveau

Cela témoigne-t-il davantage de leur amitié ou d’une vision de la vie particulièrement profonde dans les livres de Daigo Umehara ? Dommage qu’aucun des livres de Daigo n’ait été traduit, même en anglais, pour se faire une idée ; reste que c’était chaque fois étonnant de le voir mentionné. 

Puisque j’y suis, digressons : tout cela me renvoie au problème du désencombrement et du minimalisme, en tout cas tels que mis en scène par les auteurs et influenceurs du domaine ; soit ils critiquent la possession de trop grandes quantités d’objets sans questionner l’acte d’achat lui-même (Marie Kondō style, on ne garde que ce qui produit une « étincelle de bonheur » mais on conserve ses habitudes consuméristes), soit ils cultivent un fétichisme paradoxal de la marchandise : les listes d’objets « essentiels » ressemblent à des passages de Bret Easton Ellis, où les marques sont omniprésentes — peu d’influenceurs minimalistes sans iMac pro ou gadgets Sea to summit, comme l’illustrent les photographies qui ouvraient le premier essai de Sasaki.

Plein de bonne volonté trois semaines durant pour naviguer entre ces récifs, j’ai appliqué plus ou moins cette préconisation de Samurai Matcha, un vidéaste minimaliste japonais passionné (en partie reprise de Make Time de Jake Knapp and John Zeratsky) : établir chaque matin son objectif du jour, ce pour quoi on peut être redevable et ce dont on veut se libérer.

Évidemment mon entrain s’est évaporé rapidement mais je me suis rendu compte que se dissuader d’un achat (« L ») occupait beaucoup mon esprit et ces listes.

En conclusion, je suis davantage Kondō que Fumio, et l’acte d’achat reste un lien à la société de consommation qui peut libérer : depuis que j’ai enfin les OST vinyles d’Art of Fighting 3 et de Galaxy Force 2, je n’y pense plus (d’autant moins que je n’ai pas de platine pour les écouter).

« H » : revendre des vinyles sur vinted

« G » : ma tranquillité d’esprit regagnée

« L » : arrêter de croire que je peux raisonner mes compulsions

 

PS : un passage concernant feu-Twitter du 2e livre de Sasaki :

Si je ne prends aucune mesure, je me retrouve souvent à errer sur Twitter. J’ai l’impression que l’envie de voir les réactions à mes tweets est plus forte que moi. Au moment où je rédige ce livre également, les idées fusent dans ma tête et j’ai envie de les poster sur Twitter. Mais si je venais à le faire, je passerais tout mon temps à guetter et à lire les réactions, et ne pourrais avancer sur ce projet.
J’ai créé une note dans mon smartphone intitulée « Twitter ». Quand j’ai une idée précise de tweet, je la « poste » dedans. L’effet est immédiat. Je pensais que la récompense que j’obtenais en utilisant ce réseau social était les like et les retweets de mes abonnés, mais en réalité, il s’agissait de « conserver mes idées ». En les notant, et même si personne d’autre que moi ne peut les lire, j’éprouve un grand sentiment de satisfaction.