Fiasco 400
Par Game A le 13 septembre 2024 - サイレントブログ3 minutes

Deux extraits de la biographie épuisée de Tomohiro Nishikado (Florent Gorges, Space Invaders Comment Tomohiro Nishikado a donné naissance au jeu vidéo japonais !, 2017, p.117) concernaient Kogan et me semblent intéressants à relever.
Nishikado à propos du développement de Space Invaders d’abord :
« Plus tard, j’ai testé avec des soldats. L’animation de ces personnages était convaincante et crédible. je pensais opter définitivement sur cette solution quand des gens m’ont fait remarquer : “Tu crois vraiment que c’est bien de tirer sur des gens ?” D’ailleurs, cette remarque m’a rappelé que le président Kogan nous répétait souvent qu’il n’aimait pas les jeux dans lesquels on tuait des humains. J’ai donc abandonné l’idée d’utiliser des soldats. »
Et l’hypothèse de Florent Gorges :
Il est probable que la réaction de Kogan ait été le résultat de premiers scandales liés aux jeux vidéo. En effet, quelques mois plus tôt, les médias américains et japonais ont fait leurs choux gras d’une borne jugée immorale et profondément choquante : Death Race. Dans ce jeu de voiture, la société Exidy a cru bon de demander aux joueurs d’écraser des humanoïdes courant dans toutes les directions. Bien que la représentation graphique soit [éloignée] du réalisme d’aujourd’hui, il n’en fallait pas davantage pour provoquer d’immenses scandales.
En outre, les archives de Taito indiquent que la société avait elle aussi dû essuyer de vives critiques en 1973 à cause de ses bornes utilisant des fusils et la technologie de cellules voltaïques. Dans ces jeux électromécaniques, on devait en effet tirer sur des singes, des lapins, etc. Et cette cruauté gratuite avait choqué de nombreuses personnes.
J’oserais une autre explication : quand il prêchait pour des loisirs sains et qu’il répétait à ses équipes qu’il n’aimait pas qu’on tire sur des humains dans ses jeux (ce qui poussera Nishikado à préférer imaginer une attaque extraterrestre dans Space Invaders), c’était davantage le souvenir des épreuves que sa famille et sa communauté ont traversé qui s’exprimait, et moins la mauvaise presse que les jeux avaient déjà à l’époque.
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Son fils, Abraham « Abe/Abba » Kogan, est par ailleurs connu dans le milieu du monde automobile pour sa collection de voitures de course (maintenant il fait aussi de la photographie). Voilà une autre anecdote de Nishikado, dont le travail a peut-être contribué à alimenter sa flamme (p.102) :
Fisco 400 fait immédiatement fureur auprès des employés de Pacific et de Taito. Ces derniers passent des heures à faire la course les uns contre les autres. Nishikado nous révèle même que le fils du président Kogan est lui aussi tombé sous le charme de Fisco 400 et qu’il venait régulièrement y jouer pendant la période de développement. Parfois, le jeune homme ira jusqu’à proposer à Nishikado des améliorations ou de nouvelles idées.
Juste un poil de contexte, que l’expression « jeune homme » ne permet pas totalement de saisir : Fisco 400 étant développé de l’été 1976 au début d’année 77, Abe Kogan venait d’avoir 27 ans et dirigeait depuis sa création en 1972 la filiale brésilienne de Taito (on peut lire ici les événements incroyables qui ont accompagné la fermeture en 1985) - Taito a longtemps été une entreprise familiale, la femme de Kogan en était directrice au début.