Il y a des mots gonflés à craquer du passé. On les entend, et le voilà qui sourd. « Gazette », « blague à tabac »… J’ai comme tout le monde les miens, même si je suis bien incapable de savoir pourquoi ces mots-ci détiennent un tel pouvoir. Deux ont ressurgi récemment : rami card et carddass, qui raniment tout un pan de fin d’enfance. Mais j’imagine que prendre de l’âge c’est regretter jusqu’aux périodes regrettables. 

Dans l’élan, j’ai remis la main sur quelques carddass [KO] Super Street Fighter 2, ces cartes distribuées à l’origine dans des distributeurs automatiques par Bandai.

La plupart sont étonnamment laides mais j’aime toujours autant celles acquises à l’époque — dans les boutiques françaises, on pouvait peut-être les choisir et pas les acheter à l’aveugle, je ne me souviens plus.

J’adore aussi la trogne pas possible de Guile, où je veux voir la trace du succès du nouveau style « plus anguleux »¹ d’Akira Toriyama — même si on la trouvait déjà chez Hirohiko Araki qui a fourni le prototype du personnage.

En 1994 encore, Bandai commercialisait aussi une vingtaine de cartes Virtua Fighter, et si le style n’a rien à voir, je me demande si le nouveau style moins arrondi, plus géométrique de Toriyama depuis le début des années 90 n’avait pas esthétiquement préparé le public aux personnages polygonaux des premiers jeux en 3D, le « public » des joueurs recoupant largement celui des lecteurs de Jump, au doigt mouillé. Dragon Ball n’a pas seulement inspiré des personnages², il aurait aussi permis un effet d’aubaine pour des jeux aussi en avance pour l’époque que graphiquement balbutiants.

 

 

Sur ce, je pars entamer une collection de shitajiki et de télécartes.

 

¹ L’expression se retrouve dans une interview de Toriyama et de Yū Kondō, son éditeur de l’époque Saiyan.

² à propos de Jacky Bryant, Seiichi Ishii balance son ancien chef dans une interview « je me souviens que M. Suzuki [Yu, producteur star du jeu] m’a dit de m’inspirer d’un super saiyan de Dragon Ball. ». Entre autres choses très connues, il y a aussi, outre son apparence, le nom durant le développement de Lau, « Tao », à mettre en lien avec celui de sa fille, Pai.