Arkanoid a dû être un des premiers jeux auxquels j’ai joué (Arkanoid et un autre aussi, une espèce de course folle de camions, scrolling vertical, armes et univers à la Mad Max, sur un CPC ou un Atari quelconques). C’était vers 89, quelques années avant la hausse du pouvoir d’achat parental, sur l’ordinateur d’un voisin qui devait se douter que mon amitié n’était pas gratuite, et la récompensait d’autant moins : les parties d’Arkanoid étaient rares. Elles n’en étaient que plus intenses et désirées.

Aujourd’hui, le souvenir d’Arkanoid n’est pas dissipé. J’utilise encore Sonique pour écouter mes mp3 (le skin ressemble au Vaus, le vaisseau du jeu) et j’ai acheté de suite la version DS sortie début décembre, paddle compris. 40€.


Mais hé, c’était retrouver mon enfance, tendre la main à ce petit garnement et lui dire tiens, ne pleure plus, un cadeau pour toi. Comme un oncle d’Amérique qui apparaîtrait brièvement pour Noël, puis repartirait dans son pays plein de mystères et de jouets merveilleux.
Sauf que là, une fois ouvert, le cadeau puduc.

Non, allez, le gamin est un peu ingrat, c’est pas si nul ; pas complètement.

Premièrement, l’essentiel est là : toujours le même jingle avant le début de chaque stage (composé par Ogr, mentor de l’autre génie de Zuntata), des options qui tombent des briques fracassées, l’existence d’une histoire (que j’ai pas comprise, mais tant qu’elle assume un vaisseau spatial qui renvoie une balle contre des briques… Brick’em All, concurrent DS dont il faudrait que je parle, n’en a pas, et ça manque).
Au chapitre des différences, les ennemis qui déviaient vos trajectoires ont disparu, et la relative sobriété des premiers épisodes laisse place à des machins psychédéliques franchement laids (pires que dans Arkanoid Returns - 1997).


Arkanoid Returns et DS. Même le Vaus est moins joli sur DS.

Le silence sidéral ponctué de vos pocs contre les briques laisse place à une musique envahissante et pas toujours agréable de Zuntata. Comme quoi. (L’autre génie est parti, Ogr n’y a pas participé).
Malgré tout, ce n’est pas le pire. Et le pire, c’est la faute à Mario, en grande partie.

Nintendo et l’innovation trop nulle : les deux écrans

Ça m’avait causé déjà bien du souci quand je jouais à Balloon Fight DS, et pendant les cinématiques de Metroid Prime Hunters, mais là ces deux écrans flinguent tout simplement une bonne part du plaisir de jeu.
D’abord, contrairement à Nervous Brick’down, les deux écrans de jeu ne sont pas dans le prolongement l’un de l’autre. Hum. Je ne suis pas clair là.
Dans Arkanoid, le jeu prend en compte l’écartement des deux écrans par la charnière de la console : derrière ce gros centimètre de plastique, le jeu continue, les boules suivent leur trajectoire, invisibles. D’un côté, il faut bien avouer, c’est plus naturel, et ça évite que le jeu aille trop vite, un des problèmes de Nervous Brick’down : Arkanoid prend en compte le temps de baisser ou de remonter les yeux sur l’autre écran.
Malheureusement il gâche ce bon point par l’excès inverse : lorsque la boule est lente et la trajectoire presque à l’horizontal, la disparition de la bille est si longue qu’on s’ennuie. (Le site japonais permet de tester les premiers niveaux, musique et charnière comprises.)


Boule hors de vue : situation banale pour un jeu ennuyeux.

Pour essayer de réduire le temps que prend la balle à descendre les deux écrans, la largeur du terrain varie selon les niveaux. C’était plutôt une bonne idée, le jeu s’en trouve accéléré. Cependant, outre que mutiler en largeur ce qu’on gagne en longueur annule le concept même de double écran, les espaces de jeu sont parfois tellement étroits qu’ils suppriment tout intérêt au jeu : une option “Expand”, et votre Vaus en bouche près de 80%. Et comme la bille a un rebond que je continue de trouver bizarre (toucher le dessous du vaisseau la renvoie comme si elle avait frappé le dessus), placez le vaisseau au milieu et allez boire un café : à moins des (rares) trajectoires rectilignes, aucun risque de perdre.


Niveau étroit, et longueur normale du Vaus (source : gamespot.com). À droite, comportement de la boule, d’après le manuel. On voit que la trajectoire de la boule avant l’impact n’est pas pris en compte : la zone sur laquelle elle rebondit prime.

Plus dommage encore, le design des niveaux multiplie les problèmes causés par ces écrans écartés : les développeurs ont en effet choisi de réserver l’écran du bas au Vaus, et celui du haut aux briques.
Le Vaus, tout en bas de l’écran, ne se déplaçant que de gauche à droite, il ne se passe jamais grand chose dans 90% de cet écran, quasiment vide.

Dans celui du haut, au contraire, c’est l’abondance. Il est souvent rempli à ras-bord de briques, parfois seulement espacées d’un seul demi centimètre de cette foutue charnière. Résultat, la bille pouvant se déplacer très vite à la longue (elle prend de la vitesse à la faveur des rebonds, et comme elle se coince souvent…), quand elle frappe les blocs très proches de la charnière, il est difficile de juger leur trajectoire. Amusez-vous à calculer mentalement un angle de rebond quand une boule cachée un instant avant le redevient en une fraction de seconde. Je vous assure, ce n’est pas amusant longtemps.

Mario Paint

Dernière chose, le design tordu des niveaux. Arriver à faire se faufiler une bille dans un espace aussi restreint est aussi peu passionnant que ça en a l’air (les reproduire sur Paint était plus amusant, c’est dire). Cet Arkanoid devrait changer de nom : le vrai Nervous Brick’down, c’est lui.


Deux niveaux particulièrement gratinés vers la fin du jeu. Les blocs marrons sont indestructibles.

Le design des niveaux exacerbe enfin un gros défaut du jeu, jamais amélioré depuis le premier épisode : impossible de choisir la trajectoire de la bille au début ; elle part toujours sur la droite, toujours avec le même angle.
Pourtant, la plupart de ses concurrents le permettent. Gigas (Sega) par exemple, dès 1986 ; ou Brick’ em All DS encore, qui permet de lancer la bille à gauche ou à droite grâce à la croix multidirectionnelle .


Dans Gigas, avant de lancer la balle, une flèche de visée se déplace rapidement pour en choisir la direction.

C’est peu dire que ce défaut est pénible dans Arkanoid DS, lorsque tant de niveaux demandent une précision, une chance et une patience diaboliques pour les terminer.

Une note positive, tout de même. Le paddle.

Un vrai plaisir.
Le thermostat est précis, libre et lesté (on peut le faire tourner à volonté dans le même sens, et un système d’inertie genre roulement à billes, le fait continuer à tourner, quand on l’entraîne fort). C’est un soulagement : la plupart des autres paddles de ce genre étaient souvent bloqués à 180°, et d’autant plus fragiles.

Et maintenant je rêve d’un nouveau Mawasunda qui l’exploite.
À chaque âge de la vie ses propres rêves.