Au sabordage !
Par Game A le 29 juillet 2011 - La Vie vs les jeux vidéo(s).6 minutes
L’annonce d’une baisse de prix de la 3DS a rendu tout le monde euphorique : les journalistes se sont empressés de focaliser leur papier sur les pertes de l’exercice en cours (338 millions d’euros), les boursicoteurs de faire dévisser l’action aussi sec (-14% aux États-Unis) et les joueurs de flairer la bonne affaire.
La baisse de prix, qui a été confirmée dans la foulée en Europe par Nintendo, est inédite : comme il le souligne dans un communiqué, Mario n’a jamais « réduit de manière aussi significative le prix tarif d’une de ses consoles moins de 6 mois après son lancement ». On se rappelle que Satoru Iwata se méfiait de ces baisses de prix, notamment parce que « lorsque l’étiquette de prix d’un modèle baisse au fil du temps, les fabricants incitent les consommateurs à attendre » (novembre 2008) et que « l’effet ne peut pas durer très longtemps » (mai 2009).
Une telle baisse risquait également « d’affecter la confiance [des] clients les plus importants aux yeux de Nintendo », les braves qui avaient « soutenu » la console dès son lancement : Nintendo les récompensera d’une vingtaine de jeux à télécharger dans son catalogue Virtual Console. Pour tous les autres, qui rechignaient devant une tentative de « montée en gamme » (belle escroquerie, puisque 6 mois après la console perd 70€), c’est donc une excellente nouvelle. C’est bien la seule.
La baisse de prix de la console ne témoigne en effet ni d’une prise de conscience de Nintendo (« désolé on a été trop gourmands »), ni d’un échec de la console : 4 millions de consoles vendues dans le monde en juillet, ce n’est pas une déroute, c’est un résultat objectivement considérable. Il n’est décevant que relativement, parce que Nintendo espérait les atteindre dès fin mars. Les joueurs qui relaient l’idée d’un échec adoptent en fait le point de vue des actionnaires ou des analystes financiers. (Il est vrai que les médias qui égrènent systématiquement les variations du CAC 40 et que la publication hebdomadaire des chiffres de vente des consoles et des jeux nous y habituent insensiblement.)
Annoncée conjointement avec des résultats d’exploitation négatifs sur le premier trimestre, cette baisse de prix signale donc essentiellement la dépendance de Nintendo face aux attentes du marché. Or la plupart des investisseurs ne partagent ni la culture, ni les attentes des joueurs, du moins en premier lieu : ils attendaient un résultat positif de 1,3 milliard d’euros en fin d’année fiscale, Nintendo n’en espère plus que cinq fois moins. Iwata doit donc les ménager et limiter l’effondrement de l’action en promettant des années fiscales qui chantent. Le geste ne trompe personne cependant, et demeure quelque peu désespéré (Mario ne prévoit pas que l’augmentation des ventes compense la baisse de prix cette année).
C’est dans ce contexte que la baisse de prix de la 3DS doit inquiéter les joueurs, parce que son caractère exceptionnel est une conséquence de l’importante fébrilité du marché : non seulement les investisseurs « ne croient pas que la Wii U soit un produit innovant » (Iwata, début juillet), mais ils reprochent également à Nintendo de ne pas investir dans les secteurs qui leur semblent porteurs, social games et smartphones. Au secours.
Si la 3DS n’est donc pas l’échec qu’on veut nous faire croire, il y a par contre un vrai ratage, celui du planning des consoles depuis deux ans : l’annonce de la 3DS en mars 2010 comme sa présentation lors de l’E3 en juin 2010 étaient une erreur, la 3DS est sortie trop tôt (février 2011 au Japon, mars en Amérique du Nord, Europe et Australie). Elle a précipité la retraite de la DS qui avait encore de beaux restes (début juillet, Pokémon Blanc et Noir sont encore dans le top 5 des ventes en France) et assassiné la DSi XL.
Mario aurait mieux fait de présenter la console lors de l’E3 du mois dernier en vue d’une commercialisation cet automne. Ce délai lui aurait permis d’aligner des franchises plus solides et un eShop fonctionnel dès le lancement, au lieu de quoi elle a vampirisé la DS et la DSi pour pas grand-chose.
Sorti quelques mois après la 3DS, Steel Diver était au départ un DSiWare.
Le report de la 3DS aurait également permis de reculer d’une année l’annonce de la Wii U qui a été elle aussi absurdement hâtive : présenter une console sans rien d’autre que des cinématiques ou des idées de gameplay (comme Battle Mii ci-dessous), sans savoir combien de tablettes elle pourra gérer simultanément ou à quoi elle ressemblera, c’est assez incroyable. Dans un tel flou, le désert qui s’annonce la première année sur Wii U permet d’ores-et-déjà de relativiser la légèreté actuelle des plannings 3DS.
3DS pour l’E3 2011, Wii U pour juin 2012… Qu’aurait dû proposer Nintendo pour l’E3 2010 ? Mario aurait mieux fait d’annoncer la commercialisation de la Wii HD dont Gameblog jurait de l’existence sur tous les toits : les utilisateurs de Wii attendaient-ils autre chose de toute façon qu’une résolution qui rende justice à la quinzaine de très bons jeux de la console ? A l’évidence, le renouvellement du parc de Wii ne promettait pas à l’époque les mêmes perspectives de gains que celui de la DS. On voit où ça a mené Nintendo.
Quoi qu’il en soit, Nintendo a préféré griller toutes les étapes, aboutissant à la situation actuelle de la 3DS (et à un pronostic réservé pour la Wii U). Ce n’est sans doute pas sans rapport, en 2009, 60% du chiffre d’affaires de l’entreprise provenait du matériel (essentiellement des consoles donc), or Nintendo doit rendre compte de ses résultats aux investisseurs et gommer autant que possible l’effet du cycle des consoles sur eux (le concept du cycle est difficilement compatible avec une croissance annuelle à 15%). On trouve peut-être là une des raisons qui ont mené Mario à précipiter la fin de la DS et de la Wii au profit de la 3DS et de la Wii U : annoncer puis sortir une nouvelle console était à court terme le levier le plus simple pour améliorer les résultats et limiter la grogne des actionnaires.
Cette fois-ci, les joueurs ne sont pas les perdants de l’opération, ils auront une console à bon prix (ce qui ne règle pas la question des jeux même s’il reste Mii en péril ou les 3D Classics pour patienter). Il n’est pas évident que ce soit toujours le cas à l’avenir.
La photographie d’origine est de Raymond Wong. Plusieurs liens proviennent des twitters de Gueseuch ou de Gyotoa.
Commentaires
(belle escroquerie, puisque 6 mois après la console perd 70€) > Sur steam des jeux vendu 70 euros en magasin à leur sortie peuvent être acheté 5-10 euros 6 mois après, pourtant ca n’a rien d’une escroquerie. Soyez content que la console baisse de prix, parce que aujourd’hui dans notre société plus rien ne baisse de prix, tout augmente … a croire que les gens sont des plus en plus bêtes..
Très bon article !
Pour la sortie de la 3DS trop tôt, c’est pas faux mais en même temps Nintendo a sans doute voulu éviter un affrontement frontal avec la PS Vita.
Ça a donné une sortie bâclée mais stratégiquement ça se défend (sauf le prix qui était indéfendable depuis le début).
Avec un an d’avance, un prix (dorénavant) nettement plus bas et une meilleure ludothèque (au moins en terme de potentiel de vente) que la PS Vita lorsqu’elle va sortir, je trouve que Sony se retrouve un peu dans la même situation avec sa future portable que lors de la sortie de la PS3 face à la 360 (même si les marchés consoles portables et de salon sont différents)…
Ce n’est pas que la console était trop cher à sa sortie, c’est qu’elle était bien trop cher pour ce qu’elle était (et demeure), à savoir une DS 1.5. En dehors de son navrant catalogue de jeux (qu’on ne me sorte pas OOT 3D, ce n’est qu’un énième vulgaire portage aux graphismes légèrement rehaussés), son principal argument de vente est depuis toujours totalement sous-considéré, aucun jeu n’exploitant intelligemment la 3D. Ajoutons à cela que l’effet 3D en général n’apporte strictement rien.
Je pense que cela a aussi joué en défaveur de Mario : pour le public inexpérimenté (auquel s’adresse manifestement la DS), la 3DS, de par son nom et son apparence, semble n’être qu’une énième version de ladite DS, à l’image des DSi et consorts.
Ils n’ont rien fait pour leur assurer des ventes colossales : l’argument de vente est caduc depuis l’annonce de la console, les jeux sont navrants, et j’en passe.
Je ne parle même pas de la Wii U, aussi une Wii 1.5.
Nintendo France a décidément la mémoire courte (ou bien ils ont décidé de faire semblant de l’oublier), mais le Gamecube est passé de 249€ à 199€ AVANT MÊME SA SORTIE pour concurrencer la première Xbox.
J’espère me tromper mais ce genre d’erreurs peut très vite engranger la chute de la société comme Sega en son temps. Cependant, ce qui joue en faveur de l’entreprise du plombier, c’est qu’ils ont pour le moment des reins assez solides pour réagir à temps. Quoi qu’il en soit, le règne de Nintendo sur le marché des consoles (à la fois de salon et portables) est certainement terminé, marquant la fin d’un cycle pour eux. BigN va donc certainement retrouver la place qu’ils occupaient lors de l’ère 128bits.
De l’autre côté, Apple continue leur croissance mais jusqu’à quand.
@Deside : Pour Sega il as tout de même fallut 3 ou 4 bécanes avant “la chute” (32x, MegaCD, Saturn, Dreamcast), Nintendo a de la marge tout de même, et garde sa particularité par rapport à l’ensemble des autres acteurs du marché.
Chacun à toujours prédit la fin du moustachu et de sa clique, notamment les très jeunes adultes qui passe alors exclusivement au jeux “matures” (comprenez avec gun et nichons), sauf qu’en pratique …
je vous renvoie vers l’ultra domination du moustachu dans la liste des jeux les plus vendu en ce bas monde, 25 ans bordel, y’en a sérieusement qui pense encore que la marque va couler ?!
Sinon oui pour Apple, attendons juste qu’ils nous pondent une console de salon (j’ai pas dit pipin, hein) et la ça va chier du guano.
Un point de vue très intéressant.
Je ne partage par contre pas totalement ton analyse sur la santé de la 3DS. Les chiffres globaux ne sont pas nécessairement catastrophiques, mais la console a complètement perdu le momentum (mes excuses pour l’anglo-latinisme) qu’elle avait généré à son lancement.
Un chiffre pour illustrer mon propos : sur le premier trimestre de son année fiscale (avril - juin 2011), Nintendo a vendu seulement 710.000 3DS dans le monde alors que la DS s’écoulait à 1,44 million d’exemplaires (plus du double !).
Ce qui appuie ton argument selon lequel la DS est encore viable, les deux consoles se parasitant l’une l’autre pendant ces longs mois de cohabitation. Sans oublier que Nintendo n’a pas pour l’habitude d’ouvrir la route et de se lancer en premier dans une nouvelle génération de consoles. Stratégiquement, ils ont quasiment roulé à l’aveugle/vers l’inconnu pendant les premiers mois de commercialisation de la 3DS et ils en paient le prix aujourd’hui avec ce réajustement un tantinet brutal.
Quant à la Wii U, c’est plus nuancé : la console n’est pas prête mais la Wii est en bout de course ; a désespérément besoin d’un successeur ou d’une mise à niveau.
Mais l’information qui révèle vraiment le degré de panique au sein de la direction de Nintendo, c’est la décision de vendre une console à perte. Classique dans le reste de l’industrie, mais tabou dans la doctrine Nintendo. De là à parler de manœuvre désespérée…
@Ignis : sur la question de la vente à perte, c’est pas évident : on parlait un moment de 101$ de matériel, ça leur laisse de quoi payer l’emballage, la distribution etc. (mais pas forcément les frais de R&D ok - qui se rembourseront sur toute la carrière de la console, ce n’est pas si grave).
Pour le côté “désespéré”, je reprenais les mots du gestionnaire de portefeuille (« “Nintendo is getting desperate,” said Koichi Ogawa, chief portfolio manager at Daiwa SB Investments Ltd. in Tokyo ») que je liais avant (mais j’ai oublié les guillemets).
Et voilà que je découvre que le Nouvel Obs donne la parole au Joueur du Grenier, qui pond un papier rempli de banalités au titre sidérant par sa bêtise: http://leplus.nouvelobs.com/contrib…
Comme quoi ce type n’est pas seulement un plagiaire de l’AVGN : c’est aussi un bien piètre connaisseur.
@Gueseuch : Il était de toute façon sûr que Nintendo allait baisser le prix de la 3DS à l’approche de la sortie de la Vita, c’était déjà planifié (et comme le dit Game A, Nintendo va juste étaler dans la durée l’amortissement du R&D). Ce qui est étonnant, c’est de l’avancer et de le faire avec cette urgence uniquement pour rassurer les actionnaires comme les états européens essaient de rassurer les banques. Aucun “relancement” par la sortie massive de jeux ne va l’accompagner ou même de plan média à court terme (ça ne se décide pas en dix jours) : les éditeurs ont déjà tous reculés leur titre à “quand ça ira mieux”. A 179€, la 3DS ne devient pas “intéressante”, elle rend au mieux curieux et attentif à ce qui va se passer, mais le moindre intérêt supplémentaire. Tout rentrera dans l’ordre avec les sorties en novembre de Mario Land 3D et de Mario Kart 3D auxquels tout le monde va céder.
Notons que dans le meeting actionnaires d’aujourd’hui, Nintendo a annoncé vouloir considérer avec plus de sérieux le secteur online comme une vraie piste de développement et non pas comme un simple complément comme aujourd’hui. Il serait temps de mettre les bouchées doubles car tout laisse à penser que la Vita sera très au taquet à ce niveau là (Sony ayant déjà démarché des studios et financé des projets)
Rien à voir, mais, je ne sais plus si vous avez parlé de retro game center, l’émission où un employé de magasin japonais (soit disant) essaie de finir des jeux et aussi du jeu vidéo sur DS qui en découlait.
les épisodes»
http://www.gaki-no-tsukai.com/viewt…
et un test du jeu»
http://www.gamespot.com/ds/action/g…
étant donné qu’il s’agit d’une mise en abyme du jeu vidéal, je serais curieux de voir ce que vos cerveaux féconds peuvent en conclure !
Je saurais pas trop quoi te dire, sinon que Game Center est dans mon top 3 des meilleurs jeux de la DS. Il est vraiment brillant, dommage que le deux n’ait pas été commercialisé aux US. :/
Super lien pour les épisodes sinon, j’ai hâte de voir celui sur Densha de Go et Shiren !^^
Ce qui est d’autant plus dommage c’est que le 2 possède d’énormes qualités !
(j’y joue en ce moment-même: la partie détective est complètement incompréhensible sans FAQ)
Mais il est même intéressant de se demander POURQUOI le jeu a été localisé en premier lieu bien avant que la série ne soit popularisée par kotaku !
@ganesh2 : Simple, à l’époque, XSEED Games avait des couilles, a sorti le jeu, qui s’est écoulé à moins de 100 000 exemplaires et n’a sans doute même pas épuisé son tirage initial. Le piratage des jeux gamers sur DS n’était pas qu’une légende, même si certains titres à otaques ont réussi à être rentables (999 apparemment). Bien dommage en effet :3
Même avec 50€ de moisn, elle en m’itnéresse toujours pas, étant rebuté par sa faible autonomie et son catalogue de jeux rikiki. J’attends la 3DS lite, comme j’ai attendu la DS Lite à l’époque.
Quant à la Wii U, qui vivra verra.
Game A> dans certains épisodes, ils te montrent même le making of du jeu ;)
la 3ds a franchi les 15 millions d’exemplaire .QUELLE carton ! vivement la sorti de la wii u je l’attend de pied ferme.