Le F-Zéro absolu
Par Game A le 2 juillet 2012 - Ça dénonce grave.6 minutes
Shigeru nous a bien eus en avril, lors de l’interview donnée à Edge (numéro de juin, n°241). Tellement habitués à ses « je ne peux pas en dire plus » ou à ses portes ouvertes (exemple lors du même entretien : il y aura des mii sur Wii U), on en a laissé passer une vraie information : F-Zero allait revenir sous la forme d’un mini-jeu.
Repérer le body language de Miyamoto devrait être une condition impérative pour l’interviewer : écoutez-le, quelques semaines avant l’E3 et la présentation de Nintendoland, dire que « peut-être, avec une prochaine console, avec la Wii U qui va sortir, peut-être [qu’ils] pourront créer quelque chose qui a du sens, soit sous forme de mini-jeu [« smaller game »], soit comme un jeu à part entière »*. Est-ce son sourcil gauche qui a frémi ? ou bien une fossette qui s’est creusée davantage durant une fraction de seconde ? Le game designer a forcément laissé échapper un petit rictus que le journaliste n’a pas repéré. Voilà comment on rate un scoop.
Si on peut toujours rêvasser sur ce que le behaviorisme apporterait aux journalistes, par contre, nul besoin d’être très psychologue pour repérer les biais de raisonnement :
je crois qu’à l’époque F-Zero a été une vraie grande surprise, quelque chose de neuf, qui avait du sens. Je ne vois pas comment on pourrait créer une surprise similaire avec les générations actuelles. Je ne vois pas ce qu’il me faudrait pour faire un nouveau F-Zero.
D’un type dont presque toutes les grosses dernières productions sont des copier-coller (Super Mario Galaxy 2, Wii Fit Plus, Nintendogs + Cats, les prochains Super Mario sur 3DS et Wii U…), ça ne manque pas de sel, mais admettons : s’il ne veut pas d’un nouveau F-Zero, c’est seulement parce qu’il a peur de ne pouvoir créer la surprise comme en 1991. (Voilà sans doute ce qui fait de Miyamoto ce génie planétaire : fournir une copie presque conforme d’un jeu quand on attend du neuf, refuser la copie quand les fans la réclament.)
Tout le monde repensera évidemment à Pilotwings 3DS, Punch-Out!! Wii ou Excitebike : World Rally, à tous les incroyables concepts qui ont justifié leur ressortie ces dernières années - dire qu’on a pu leur reprocher de trop s’éloigner des premiers épisodes, on n’avait vraiment rien saisi de la démarche de Shigeru.
F-Zero revient donc dans Nintendoland. Lors d’une présentation en petit comité, Jason Schreier de Kotaku croit d’abord être face à un jeu qui « ressemble à Mario Kart ». Voilà donc le « smaller game » dont parlait Miyamoto : quelque chose qui ressemble de prime abord davantage à un Mario Kart avec des Miis. Bonjour tristesse.
Beaucoup d’entre nous auraient reconnu l’univers de F-Zero plus vite que Schreier : le véhicule est une copie violette à remontoir du Blue Falcon et les édifices se rapprochent des structures à l’arrière-plan du circuit Mute City.
Le « Blue » Falcon arbore aussi le même 07 que depuis la version N64 (sur SNES, c’était un 111 - voir le commentaire de Zanrek pour une explication).
L’erreur de jugement du journaliste n’en demeure pas moins parlante : si « l’essence » de Zelda ou de Mario a été un thème récurrent des entretiens entre Satoru Iwata et les développeurs depuis des années, F-Zero n’a manifestement pas profité du même soin qui aurait rendu l’univers du mini-jeu immédiatement identifiable, même pour Jason Schreier.
Il faut dire aussi que cette incompréhension n’est pas nouvelle : Nintendo n’a jamais réussi à reproduire l’équilibre instable qui caractérisait l’inoubliable premier F-Zero de la Super Famicom. Comme le disait justement Michael de Grospixels dans son dossier sur la série,
F-Zero est un des rares jeux, et à plus forte raison, un des rares “jeux futuristes”, qui apaise le joueur sans doute plus qu’il ne l’excite. Oui, il y a de l’électricité dans l’air, oui, le tournoi est une véritable tuerie, mais, et c’est difficilement explicable : malgré la violence de la situation, le soft est calme !
Paix et excitation, violence et calme, impossible de faire l’économie des antithèses pour décrire le jeu : F-Zero forçait miraculeusement les contraires à cohabiter. Or, dès BS F-Zero Grand Prix (une sorte de Lost Levels qui change véhicules, musiques et circuits en 1996 et 97 sur Satella View, très onéreux service de téléchargement pour Super Famicom), les courbes des véhicules sont moins harmonieuses, les tracés des circuits plus heurtés. Avec F-Zero X, c’est au tour des musiques, de l’univers et de la conduite même de devenir plus agressifs (il devient possible d’expulser ses concurrents de la route).
Bizarrement, le grand retour de la franchise dans Nintendoland abandonne à la fois conduite nerveuse et impression de vitesse en ne montrant qu’un ralentissement routier à travers lequel il faut se frayer un chemin et quelques tornades à éviter. Bref, rattacher ce mini-jeu à la série F-Zero n’aurait pas plus de sens que recycler l’épreuve de biplane de Wii Sports Resort pour l’appeler Pilotwings. Euh, attendez…
Revenons à Miyamoto. Alors comme ça le génie ne sait pas quoi faire pour relancer F-Zero ? Je me permettrai très humblement une idée (n’hésitez pas à lui envoyer les vôtres) qui n’exige pas une nouvelle console :
F-Zero ce n’était pas seulement des courses très rapides, c’était aussi un jeu dans lequel on enchaînait les plongeons de plusieurs centaines de mètres vers le Game Over. Le hasard voulant que Nintendo commercialise une console gérant l’effet relief, c’est sur 3DS qu’il faut un nouveau F-Zero qui exploite l’impression de vertige et assurément pas sur Wii U, Nintendoland le prouve d’ores-et-déjà.
* Merci à Gueseuch d’avoir bien voulu scanner l’interview. La réponse en anglais de Miyamoto : « I think at the time it was a really big surprise, a new thing, a product that made sense. I don’t see with current hardware how you could create a similar surprise. I don’t see what I woulf need to do to create another F-Zero. But maybe with a future hardware, with Wii U coming up, maybe we could create something that does make sense, either as a smaller gamer, or a fully fledged title. » La photo de Miyamoto a été réalisée durant la même interview.
IGN a mis en ligne une courte vidéo de l’épreuve dans Nintendoland. Les photos de l’épreuve de Nintendoland proviennent de Kotaku, tout comme la remarque de Jason Shreier : « 6:50pm - Here’s something new. We’re seeing Mii racing in a car along tracks, much like Mario Kart (the intro sound effects to Mario Kart even played when it started). The car has to dodge tornados and other random obstacles. Seems like a new mini-game we haven’t seen yet? Unclear. Totilo says it’s F-Zero. It’s F-Zero. »
Enfin, l’arrière plan de Mute-City a été mis en ligne sur ce forum.
Commentaires
Ah la la, quand on sait ce qu’était F-Zéro à l’époque, son côté futuriste, sa rapidité et les grosses différences de comportement entre les véhicules, effectivement, voir ça, c’est triste. Nintendo semble vraiment avoir laissé le public “adulte” de côté depuis la Wii : rappelez-vous F-Zéro, c’était quand même des gros durs qui se lançaient dans une course de folie tout en sachant qu’il y aurait (au mieux) de la casse, voire (au pire) des morts ! Pas dans le jeu en lui-même, mais l’ambiance était là - on n’est pas là pour rigoler !
Et quand je vois ça, bah… Je me dis que les années où j’étais fanboy Nintendo sont bieeeeeen loin !!
Finalement, WipeOut n’est qu’une vague copie de F-Zero! … Sauf que la copie a, elle, mieux réussi ses récents portages sur des consoles modernes.
@alphajet : vraiment très vague alors … Pas de bonus et armements divers dans f-zero, juste la pureté de la conduite. Quintessence du partis pris gameplay/graphisme (enfin f-zero X surtout)
on mélange pas torchon et serviette …
game A, deux articles sur mon jeux de légende en quelques jours !! Tu me gâte !
En revanche je suis moyennement d’accord concernant le changement de ton d’après l’épisode original, pour moi la violence y était déjà présente, on bousculait déja les adversaires dans le premier, sans compter les retardataires kamikaze. c’était loin d’être franchement zen.
Miamoto pour moi est plus un génie.
Il est comme tous les génie qui vieillissent, ils recycle pour vivre tranquillement sur sa réputation.
Depuis la Wii on a eu droit a rien de tres concret.
Tout talent s’épuise.
@GG : oui oui, il y avait une certaine violence dans le jeu, notamment apportée par le manuel d’ailleurs (le présentateur déjanté façon Joker bionique) : les véhicules pouvaient exploser (et d’ailleurs dans ce premier jeu comme tu dis c’est surtout les adversaires qui se jettent sur nous pour exploser) et la course était risquée. Mais cette violence était tempérée, que ce soit par la musique, les décors vides et calmes, l’impression de vitesse finalement pas folle, l’absence de public etc. - je dois faire un papier depuis trois ans sur la course Port Town parce que pour moi elle est emblématique de ce « vif apaisement ».
Nintendo fait du Nintendo : F-Zero c’est un jeu compatible avec les joueurs adultes mais qui ne leur est pas autant adressé que Wipe-out puisqu’on en parlait. J’ai envie d’y voir l’influence peut-être involontaire* des briscards Miyamoto et Kazunobu Shimizu : ils ont voulu faire un jeu orienté adulte mais n’y sont pas parvenus (ou ils n’ont pas osé, ou ils ne savaient pas faire), d’où toujours un quelque chose qui euphémise la noirceur de l’univers du jeu (noirceur qui s’exprimera davantage dans les suites sur consoles de salon ou arcade).
* dans l’article de grospixels, l’auteur le justifie par un effet de l’utilisation du mode 7 ; ça m’a moyennement convaincu. Il cite aussi la musique, et là je suis évidemment d’accord (ce n’est pas un hasard pour moi si l’OST du jeu a connu une adaptation jazzy quand l’OST de F-Zero X était vouée aux guitares électriques). Je me demande d’ailleurs, d’où le « involontaire », si ce côté « paisible » de musiques pourtant très rythmées ne pourrait pas venir du chip sonore de la console (du moins de son exploitation en tout début de vie de la Super Famicom, c’était quand même un jeu de lancement).
Tu parle rarement de F-Zero GX/AX sur game cube et arcade.
Tu les a volontairement mis de coté ou oublier ?
J’ai oublié de dire que pour moi il(s) étai(en)t dans la droite ligne du jeu N64 oui.^^;
C’est vrai que c’est plus proche de l’idée nerveuse du jeu sur 64.
Apres, même si l’ambiance et pas la meme, pour toi, c’est a classer dans les bons jeux ou non ?
Oui clairement, un très bon jeu mais à propos duquel l’idée d’y rejouer ne me viendrait pas, Pas comme le X qui était une telle horreur que l’idée d’y rejouer ne me viendrait pas.
Je te saisi pas trop la x)
Les mecs. Je sais pas où le mettre alors je le met ici. Niko a été cité par Kotaku pour ses gamestrips dans la page Kotaku du numéro special été d’Animeland.
Je pense que vous étiez au courant, mais ne sait on jamais ! ^^ Ca fait plaisir de voir ça.
Voilà. Bravo.
@7ang33k : hé, c’est cool pour lui ! :D
Ça me donnera l’occasion de racheter Animeland. Par contre je savais pas qu’ils avaient une rubrique kotaku… O_o
@Game A : Il n’y a pas de rubrique “Kotaku”, je crois que c’est plutôt dans la rubrique “Catsuka” en fait (presque les mêmes consonnes, d’où peut-être le petit mélange des pinceaux de 7ang33k ).
J’en profite pour commenter un peu ton espoir d’avoir un F-Zero 3DS : vu la faible vitesse de Mario Kart 7 (même en 150cc) et son effet relief très limité, je ne pense pas que pour Nintendo la 3DS soit la console idéale pour ce jeu (sauf si ils décident que l’envie de vomir soit une bonne idée pour renforcer l’immersion^^).
Sur Wii U par contre (avec sa manette gyroscopique qui me semble parfaite pour imiter un volant futuriste)…
Oui pardon ! C’est bien Catsuka ! ^.^’
“Le « Blue » Falcon arbore aussi le même 07 que depuis la version N64 (sur SNES, c’était un 111).”
7 en binaire çà se dit… 111 ;-)
Excellent, merci beaucoup pour l’info ! :D