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Si on veut survivre aux foudres de l’intégrisme des fanboys de Mario, il faut obligatoirement acheter le produit Niintendo dont on veut parler. Donnez un avis de principe sur l’exploitation de la nostalgie au détriment de l’innovation du gameplay, et vous ne tarderez pas à vous retrouver avec une Wiimote entre les omoplates au détour d’une ruelle sombre.
Il m’aura fallu revendre nombre de jeux PS2 pour faire baisser la facture et la culpabilité qu’entrainait l’acquisition du Punch Out!! de la Wii, et pouvoir enfin vous en parler.

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Rise and Wiimake

Punch Out!! naquit en arcade dès 1984, et fut amélioré l’année suivante avec la borne Super Punch Out!! qui introduisait les mouvements d’esquive.

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Contemporain de la sortie du jeu sur NES, j’avais eu l’honneur d’affronter de me faire péter la rondelle par Mike Tyson dans l’épisode de 1987; qui s’appelait carrément “Mike Tyson’s Punch Out!!”.
Pour la petite histoire, avant l’arrivée de Mike la star de la boxe, le boss ultime de la première version NES était Super Macho Man. Après le départ de Mike le violeur de madames mangeur d’oreilles, c’est Mr Dream qui pris la relève.

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Vint ensuite la version Super NES, où un Little Mec ayant grandi pour se rapprocher de la version arcade d’origine, combattait dans un jeu introduisant quelques subtilités de gameplay; complètement ignorées pour la version Wii.

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La Super Nintendo n’a jamais existé

Je pose l’hypothèse que Nintendo table avec la Wii sur la nostalgie de la Nes, évitant de rappeler l’arrogance et la violence des années Super NES et son cachet “hardcore gamer”. Il y a d’autres exemples que Punch Out!!, tel la série des New Super Mario Bros ignorant les ajouts de Super Mario World (la cape, Yoshi) pour rappeler le premier épisode, son champignon et sa fleur. Ca se discute, mais j’y crois.
Toujours est-il que dans l’épisode Super de 1994 des aventures du petit Mac (48 kg pour 1m70, Wii Fit dit “anorexique”) les étoiles autorisant le super coup avaient laissé place à une jauge peu différente de celle d’un Street Fighter. Une fois remplie, on pouvait choisir entre le Super Uppercut et le nouveau Rapid Punch, qui envoyait une série de coups rapides à l’abdomen.
En 2009 sur Wii, les étoiles sont de retour et dites aurevoir au Rapid Punch. Même le décompte des points disparaît, parce que “le score, c’est trop hardcore”.

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Autre disparition plus subtile : l’évolution de la vitesse des poings. Dans les deux versions console antérieures, on pouvait apprécier l’augmentation de la cadence des bourre-pif en fonction de la domination du joueur sur les montagnes de muscles. Un effet défoulatoire au centre du gameplay, tant il permettait de se décharger de toute la frustration des humiliantes et inévitables défaites préalables. Fini le bon temps.
De nos jours, en plus d’une vitesse constante pour l’accessibilité, on sent un temps de latence entre la pression du bouton et l’action. Et si vous branchez le nunchuck pour jouer en vous agiitant, l’effet de retard devient manifeste et complétement injouable pour qui a un jour apprécié la responsivité des versions précédentes.

Par des fans, pour des gens

Cet épisode n’a pas été développé par Nintendo (ne croyez pas Game Blog, jamais) mais par le studio canadien NEXT LEVEL GAMES. Si au début, ça peut faire peur que le projet n’implique pas Miyamogod et sa touche divine dans sa grande compréhension du Fun de la Vie, c’est finalement le meilleur côté du jeu.
Je peux dire que jamais aucun jeu ne m’a autant énervé que le premier Punch Out!!. Il a vu mourir ma première manette NES et voler en éclat le capot de la console. Le jeu est très demandeur. Il faut lire dans les mouvements de l’adversaire son prochain coup, et y réagir vite et avec le bon mouvement. Deux ou trois erreurs vous mettent au tapis, et votre manque de réflexes en est le seul responsable. Mais l’insupportable prenait forme quand l’adversaire venait faire sa danse de la victoire sur votre cul, sans que vous n’ayez le moindre moyen d’écourter la cruelle séquence vous séparant de votre revanche. Pour les derniers combats et leur torride difficulté, on pouvait ainsi passer plus de temps à regarder notre bourreau virtuel faire le malin qu’à lutter contre ses poings assassins. Temps employé à faire monter notre pression sanguine, et à prendre l’élan nécessaire à la destruction du matériel de jeu.
Mais pour cette troisième version console, c’est comme si d’anciens joueurs avaient souffert les mêmes atrocités avant de se mettre à programmer. Grâce à la sainte possibilité de sauter ces séquences, et celle de pouvoir s’entrainer avant le match contre d’inoffensifs hologrammes, la tension reste stable et le joueur dans le canapé (et la manette dans ses mains).
Toutes les autres améliorations sont ainsi orientées joueur, des clins d’oeil (à la version NES) aux petits détails de coin de menus (Mac esquivant le pointeur). Il n’y a que les intermèdes dessinés que l’on peut regretter, tant ils sont plombés par des tics graphiques très manga-à-l’américaine, rompants avec la qualité des animations 3D. Autant de détails qui nous changent de la froideur codée des produits Nintendo actuels, dont les programmeurs ne doivent plus avoir d’émotions une manette en main depuis bien des années.

Mettre les poings sur la Wii

Coté maniabilité, les joueurs oublieront vite le mode nunchuck pour son imprécision déjà évoquée. Les coups partent après avoir effectué le mouvement, et non dans le même temps. Dans un jeu basé à ce point sur le timing, avancer dans les circuits avec un tel lag est une torture sans nom. Ajoutez-y le Balance Board, et vous le pousserez vite d’un coup de talon après vous être pendu au lustre.
Il reste donc à pivoter la Wiimote pour une utilisation “à la NES”. Si c’est déjà beaucoup mieux, on est loin de la perfection que demande la faible marge d’erreur du jeu. La petite taille de la croix de direction confondra souvent un coup au visage et une esquive sur le coté; méprise fatale contre un adversaire comme Mr Sandman.
Heureusement Nintendo a inventé la manette Classique pour la Wii, équipée d’un croix plus généreuse. Malheureusement tous les produits Nintendo ne sont pas forcément compatibles entre eux, et celle-ci n’est pas reconnue par Punch Out!!… Voir ce que je disais sur une production moins orientée joueur que corporate.

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Dans le coin bleu : Pantoufle Man

Voilà donc un bon jeu qui, comme une suite de Star Wars, rappellera au moins le goût de l’original si on en cherche pas la qualité intrinsèque. La mise-à-jour de la licence est une réussite, en grande partie grâce à l’absence d’un Nintendo qui n’a plus assez de recul pour la faire lui-même. On y perd cependant la rigueur qui donnait son âme “hardcore” à la série. La difficulté a été abaissée pour rejoindre la moindre réactivité de l’interface joueur-avatar. On perd en plaisir ce que le jeu a perdu en précision. Et on se retrouve comme à l’hospice : on ne pourrait plus avoir les réflexes d’antan, alors on joue à une adaptation flatteuse et gériatrique des souvenirs de notre jeunesse.

Les jeunes joueurs, les fanboys, et les journalistes plein d’émotions vous diront que c’est bien. Moi, devant ma Wii intacte, je vous dis que c’est un jeu qui se fantasme entre nostalgie et technologie sans vous autoriser la rigueur d’un vrai joueur de l’époque pré-Wii.
Supprimer des parties essentielles d’un gameplay historique, pour le rendre compatible avec des manettes gadget, donne un jeu bien pour tout le monde mais génial pour personne.