Vous avez échappé pendant un an à un billet sur David Douillet Judo. Vous serez donc d’accord qu’on ne peut pas tout avoir, et que deux, trois billets sur la Game Boy Camera sont finalement un bien moindre mal.

Le premier coup d’oeil au “jeu” donne mal à la tête et aux yeux. Mal à la tête parce qu’il est incroyablement compliqué, avec des menus de partout, des choix contextuels dans tous les sens, des confirmations pour chaque étape de manipulation d’une photo. (Une tentative d’organigramme, incomplète, est proposée sur gamefaq.)


Les 5 choix proposés après l’écran start : shoot, view, play, et deux pages d’options diverses.


Choix avant (avec un exemple), et après la prise de la photo.

Ensuite, on a mal aux yeux, parce qu’à cet organisation foutraque s’ajoutent des écrans successifs sans cohérence graphique entre eux, allant du marrant au franchement moche.


Bref, au premier coup d’oeil, la mauvaise impression est tenace, et on croit comprendre pourquoi la cartouche coûtait 4€ d’occasion. Et pourtant… Pourtant le bidule a été produit par Nintendo, qu’on peut difficilement accuser de bâcler ses productions ; il faut donc se convaincre que tout y est voulu. 

Et là vous savez que je vais dire “Gunpei Yokoi”. Ha ha, ce que vous êtes perspicaces et ce que je suis prévisible.
Car oui, Gunpei Yokoi ! Enfin pas tout à fait, j’allais dire “Hirokazu Tanaka”. Tanaka bossait pour lui depuis les années 80 (il s’occupait principalement de musique, et a notamment signé celles de Metroid, Balloon Fight, Super Mario Land…) et c’est lui qui a designé la Camera et le Printer.
L’ombre de Gunpei Yokoi est cependant partout dans ce logiciel : les références à ses productions sont omniprésentes (il est également cité dans les remerciements), et forment un bel hommage à cet ingénieur qui a inventé 80% de ce qui est bien chez Nintendo (estimation personnelle).



Game & Watch dans l’interface, Mario Brothers et anciens jouets tous inventés ou développés par Yokoi dans l’album bonus.

En fait, en dehors même de l’objet, la Camera est géniale parce qu’elle fait office de chaînon manquant entre le passé de Nintendo et de la R&D1 (le studio interne de Yokoi), et son futur, qui viendra d’ailleurs aussi de la R&D1 : elle annonce rien de moins que Wario Ware. Et ben ouais.

source : nintendo.co.jp
Du passé (Sky skipper à gauche, Sherrif au centre) au futur (Wario) dans l’album bonus.

En effet, ce que propose la Camera en 1998, c’est une esthétique de la discontinuité que Wario Ware, 5 ans après, allait consacrer (Wario Ware qui lui aussi se pose là en matière de clins d’oeil à Yokoi). Bien sûr, en 1998, cette rupture est avant tout graphique[*], alors qu’elle sera également ludique dans Wario ware, mais l’essentiel est là : l’idée d’un zapping incessant, d’un salad bowl vidéoludique.

Notes

[*] Mais pas que : la Camera propose également des mini-jeux, dont une reprise de Ball (avec votre tête), Space Fever II, suite d’un vieux shoot arcade, un jeu de course (Run run run) ; enfin un “jeu” de création de boucles musicales, très très chiant, bien plus que celui que Mario paint proposait ;

source : nintendo.co.jp source :nintendo.co.jp 

Mario Paint qui incorporait lui-aussi un mini-jeu, repris dans les Wario Ware et dans Picross DS (celui où il faut écraser les mouches) ; Mario paint dont j’aurais pu parler avant, puisque lui-même annonçant 6 ans avant cette rupture, mais bon, vous savez ce que c’est…