En deux, trois ans, beaucoup de choses ont changé dans le monde des jeux vidéo. Autant dans la perception de ceux qui ne jouent pas, qui sont de moins en moins nombreux d’ailleurs, que dans les fonctions mêmes des jeux vidéo. Entre la Wii, la DS, Guitar Hero et les jeux genre Singstars et Buzz, tout un usage festif, social, du jeu se développe. Que l’on puisse désormais concilier des amis tout beaux, des jeunes filles idem et une console de jeu allumée, au même endroit et en même temps, cela paraissait tellement invraisemblable il y a quelques années que l’on ne va pas s’en plaindre.
Les jeux vidéo ne seraient plus cette activité marginale et marginalisante d’autrefois, celle qui vous laissait dans votre chambre, seul et volets fermés ?

Depuis quelques jours que je lis l’autre blog de Game B, celui généré automatiquement par sa 360, je suis étonné, au contraire, de ce que ça révèle de comportement inverse.
Comme si, au moment où le jeu vidéo tendait à s’ouvrir au monde, à devenir socialement acceptable, un mouvement opposé de repli sur soi, de renfermement, de crispation sociale de la part de certains joueurs se renforçait.

Le 22 avril, regardez ce qu’a sorti cette foutue trisixti :
Game B must have a life, because he didn’t game yesterday.
Mais elle vous engueule cette conne ! Elle vous fait du chantage au gâchis aussi, quand vous ne jouez pas (3 Processors, 512MB of RAM, custom graphics chip and multichannel surround sound all gone to waste yesterday as Game B decided not to show up.) Bien sûr que c’est un gadget, que ce n’est pas sérieux, peut-être même ironique, avec un sourire en coin “second degré”… mais tout de même. La console prend en charge votre sociabilité pendant que vous jouez ; résultat vous pouvez jouer plus, ce que le système de classement vous incite à faire par ailleurs.

Autre nouveauté, on joue de plus en plus en ligne, contre des vrais humains. Cette connexion au monde depuis chez toi, ce lien social qui dépasse la solitude effective, cela devrait changer la donne également, aller dans le sens d’une ouverture du joueur au monde, d’un saut qualitatif supplémentaire vers le monde.
Sauf que la qualité de ce lien social est très appauvri : elle se réduit essentiellement au combat, à la compétition : on rencontre surtout des types qui ne voient que leur classement et ne veulent que votre mort, si possible pas glorieuse (autrement, c’est plus risqué).
Ce qui aurait pu encore “positiver” cette activité ne fait finalement que la basculer du jeu (qui se désintéresse du résultat et dont la fonction est d’abord de privilégier le lien) vers le sport, où seul le résultat compte, et où le type à vos côtés n’est qu’un adversaire, voire un obstacle.

Judith Bernard reprochait aux joueurs de Second Life de gaspiller leurs “forces vives” dans une vie virtuelle très limitée, au lieu de les investir dans la réussite de leur vraie vie. Toute une nouvelle catégorie de jeu, je crois, n’est conçue que pour améliorer cette vraie vie : après tout, qui jouerait seul à Wii sports, à Buzz Le grand quiz ? Pour ces jeux, la performance est très secondaire ; il ne s’agit que de passer une bonne soirée, bien entouré.
Ce dont témoignent un peu tristement les faux blogs des xbox 360, c’est qu’un rapport aux jeux qui les considère comme une fin en soi reste très vivace, et pas près de s’avouer ce à quoi il se résume effectivement : une relation pathologique à la vraie vie.