Dans le décor et dans le mur
Par Game A le 23 mars 2011 - La Vie vs les jeux vidéo(s).4 minutes
Les pontes de Nintendo ont récemment déployé les éléments de langage contre le marché du jeu sur les smartphones/tablettes. Tout y est passé, du trop grand nombre de logiciels disponibles à leur prix trop bas, de leur faible qualité aux risques qu’ils font courir à l’industrie tout entière et à « l’emploi de ceux qui en font leur carrière ».
On ne s’étendra pas sur leurs arguments, personne n’y a cru ; la position de Nintendo était de toute façon délicate : ici ils ne veulent pas de jeux à 100 yens mais en développent pour deux cents points (200 yens donc), là ils refusent les développeurs dans leur garage tout en voulant attirer les studios indépendants, notamment avec « une barrière d’entrée minimale » (qu’il dit Reggie).
Il ne faudrait pas balayer leurs avertissements pour autant : il est possible que le grand public refuse à terme de dépenser 50€ pour un jeu, qu’importe sa qualité et « le cœur » qu’y a mis Hideki Konno, et préfère des jeux peut-être moins riches en contenu mais beaucoup moins onéreux.
Le seul problème de leur joli discours est finalement que Nintendo a sa part de responsabilité dans le déclin de qualité (du moins d’ambition) des jeux vidéo, et la réalité augmentée, qu’il va populariser à coup sûr, en sera la prochaine étape.
Faute de pouvoir s’amuser avec des jeux plus conventionnels peut-être, les cartes RA (pour Réalité Augmentée) semblent d’ores-et-déjà la principale activité des possesseurs enthousiastes de la 3DS.
Mii à l’échelle Iwata et grandeur Tetsujin 28-gō.
La Guerre des têtes comme les « jeux en RA », pré-installés sur la console, ont également fait leur effet lors des présentations. Il est vrai que la 3DS ne fait pas qu’incruster des objets (ce que proposaient déjà tous les logiciels exploitant une caméra - de la gamme EyeToy à l’application photo de la DSi), elle est capable de les restituer en relief et de suivre les mouvements du joueur grâce à son gyroscope. Bref, on va en manger à toutes les sauces.
Mais au delà de l’exploit technologique, qu’est-ce un jeu de réalité augmentée ? Pas grand-chose d’intéressant d’un point de vue narratif : rien qu’un jeu qui décline toutes les formes de l’invasion, des plus sympathiques (partie de pêche virtuelle) aux plus angoissantes, comme dans ce DSiWare annoncé depuis deux ans, Ghostwire :
Cette courte vidéo de présentation du jeu (toujours sans éditeur à l’heure actuelle) est intéressante car elle illustre la grande faiblesse de ce genre tout jeune : ne maîtrisant pas son environnement, le jeu est incapable de créer une atmosphère sans l’assentiment du joueur. La réalité augmentée exige donc bien davantage qu’une suspension de l’incrédulité : pour que le jeu « fonctionne », le joueur doit carrément participer à la mise en scène. Dans l’exemple caricatural de la publicité de Ghostwire, cela implique de jouer dans un immeuble abandonné éclairé à la bougie ; en plein jour dans un McDonald’s, le jeu n’aura pas le même impact.
C’est donc faire porter une lourde responsabilité à l’utilisateur, ce que les développeurs éviteront à coup sûr ; il est ainsi probable que les jeux en RA se limiteront au jeu d’adresse, sans autre prétention qu’amuser le court temps qu’on voudra bien lui consacrer.
Pour prendre un exemple chez Nintendo, c’est le retour à l’ambition des tout premiers Game & Watch, qui proposaient une situation de jeu sans contexte ni justification.
De ce point de vue, réel et virtuel fonctionnent comme des vases communicants : la réalité augmentée, c’est du virtuel appauvri. Oubliez l’immersion dans un autre univers, les paysages envoutants ou les batailles épiques : l’Aventure s’accommode mal d’un décor de cuisine.
L’idée de supprimer le décor ne pouvait évidemment pas effrayer Nintendo, dont les compilations d’épreuves sans scénario ni personnages ont été couronnées de succès (les deux Wii Sports, Wii Play…). Que la 3DS soit si bien équipée pour la réalité augmentée était donc l’étape suivante, logique : il ne restait plus grand-chose d’autre à sabrer. Reste qu’à force de retrancher des éléments fictionnels de leurs jeux, on peut se demander à quoi va tenir la qualité « jusque dans les moindres détails » dont Satoru Iwata se prévaut et qui distinguerait leurs productions des logiciels sur mobiles.
On peut lire les récentes déclarations de Satoru Iwata lors de la GDC ici. Hideki Konno a (étonnamment) exprimé les mêmes conclusions que son patron récemment. Sur les développeurs indépendants et les amateurs, on peut consulter l’interview de Reggie Fils-Aime par Gamasutra. Enfin, préparant le terrain à la GDC, Reggie développait déjà la thèse de jeux iPhone à la fois vendus à un prix trop bas et trop pauvres en contenu.
Commentaires
Intéressant, si ce n’est une grossière erreur ! je cite : “en plein jour dans un McDonald’s, le jeu n’aura pas le même impact.”
Remettons nous dans le contexte de la réalité augmentée et imaginons que tu n’évites pas assez de “transfat”, “sucres”, “conservateurs”, “graisses partiellement hydrogenées”, à ton avis quel sera le résultat d’un échec ?
L’attaque cardiaque ! et là d’un coup Mc Do devient le must du “Survival” ^^
Dead rising en réalité augmentée dans un macdo, pardon mais on peut pas faire mieux comme décor :)
Et en plus tu as le wifi :p
Heureusement que je n’ai pas pris un lycée comme exemple…
Vous m’avez convaincu pour le Mcdo et l’intérêt de la RA pour le FPS/TPS en tout cas, même si on en revient à l’idée qu’il faudra adapter le lieu dans lequel on se trouve et le jeu auquel on joue.
En la testant, j’ai trouvé l’effet 3D cool.
La réalité augmentée est très limitée par la taille de l’écran et sa résolution : on a du mal à distinguer les éléments pixelisés en tenant le petit écran à bout de bras (parce que pour jouer, on ne tient pas la console de la même manière en AR). La NGP pourra faire bien mieux à ce niveau. Et en mode 3D+AR il faut bouger autour de l’objet sans changer la position de la tête et des bras. Genre steady-cam. Enfin l’écran du bas non tactile des doigts de la première DS, ça fait un peu has-been maintenant.
Bref, c’est plus une nouvelle version de la DS qu’une nouvelle console. Comme pour la DSi, Nintendo y rajoute des petits gadgets pour proposer et vendre encore les mêmes univers à la narration et à l’imaginaire limités.
Quant au discours critique de la boîte sur les différentes productions de jeu, ça a effectivement plus l’air d’être une posture anti-Apple qu’un raisonnement logique. Quid de l’absence d’un Super Meat Boy sur Wii à cause de la rigidité des règles commerciales de Nintendo ?
@Game B : pour Meat Boy il me semble que c’était d’abord des raisons techniques de capacité disque maximum allouée aux Wiiwares, mais on reste en effet dans la rigidité.
Zut, la caméra de la NGP m’avait échappé ; j’aurais écrit un machin moins centré sur Nintendo, tant pis. Les applications semblent techniquement plus développées en effet. Ce ne change quand même pas mon impression : au delà de la performance technologique, les applications ludiques seront franchement décevantes.
J’aime bien l’idée de la réalité augmenté sur un iphone (je déteste ces machins,vous savez pas quel point, a mort les ipod et les iphone)
Genre en ville pour te repérer ou pour des infos pratique (genre dans un musée)
Pour le jeu a part du gadget genre un game and watch, en se basant sur le principe que ce qui apparait a l’écran sert de fond et que la console simule des cristaux liquide.
Au final ça peut être intéressant quand tu te fais chier et que tu a plus de jeu sous la main. (ça a une replay value fantastique etant donné que tu a un nouveau décors des que tu bouge)
Après ça a la même idée de base que le game and watch.
Parce que c’est vrai, la réalité augmenté pour les jeux est assez chiante parce que comme pour la vidéo posté, le contexte a trop d’importance.
Sur PSP ya une seul jeu de réalité augmenté. (enfin a ma connaissance) c’est invisimalz, j’ai essayé c’est rigolo, mais tu peut quasiment y jouer que en pleins jour limite en extérieur.
En plus pour que les bestioles sortent de leurs trous faut passer la camera sur des couleurs particulière. C’est relou, pas impossible, mais relou.
La réalité augmenté je la voie plus comme une aide dans la vie de tous les jours que comme moyen de divertissement. (encore que avec les moyens actuel d’aide au quotidien, la réalité augmenté au final serait plus une nouvelle excuse pour réfléchir le moins possible)
Sinon je suis sur que si on attend 6 mois, nintendo annonce unenouvelle version avec des camera de plus performante et plus de memoire et une version plus large.
Enfin la je suis mauvaise langue.
Mais moi ayant une psp et etant tres content de mon investissement (d’occaz) je pencherais plutot pour la NGP, les double ecran et la 3D pour moi c’est de la poudre aux yeux pour te vendre des jeux a peine digne d’un game and watch a 50€
Et puis le lineup de la 3DS me fout les boules, ya que des remake presque.
Bon apres la NGP ya que des suite, c’est pas vraiment mieux, mais a la limite les suite ça se vaut mieux que les remake.
Mais que voulez vous, moi j’aime bien la bataille de kikala plus grosse (config)
D’ailleurs j’ai acheté une PS3 juste pour ça. Enfin non. Tous mes potes en on une en fait.
Mais bon, pour me faire une vraie idée de la console, j’attend de la tester, pour la realité augmenté j’ai deja tester et je reste sur ma position.
Bel article sur les jeux AR, et je partage entièrement ton point de vue.
Par contre, je ne pense pas que les FPS puissent avoir un meilleur intéret en AR que les autres types de jeux. Dans un mac do ou en plein lycée, qui va sentir le stress de la guerre ou l’horreur d’un survival ?
Quoique des enfants au MacDo, ça fait peur. On croirais que les parents leur injectent de la cocaïne dans la gorge tellement ils sont surexités.
Quoiqu’il en soit, je ne joue pas aux jeux vidéos pour retrouver un univers que j’arpente tout les jours.
Si c’étais le cas, j’irais me faire un Paintball.
Ça pourrait être drôle, après tout. Je me vois bien arpenter les couloirs pour dézinguer les collègues ou, mieux encore, trouver la clé du boss pour lui casser les dents.
On en revient finalement toujours à la même chose avec ces “nouvelles façons de jouer” que sont Kinect, AR, etc : le concept en lui-même est intriguant/impressionnant technologiquement mais dénué de tout intérêt dès qu’on jette un œil à la ludothèque, en plus d’être scandaleusement cher.
Et le coup du “attendez un peu, les bons jeux vont arriver” qu’on peut lire ici et là, j’y crois moyen. Vu ce qui est annoncé, ce sera surtout l’occasion de sortir une quantité industrielle de remakes, auréolés de l’étiquette “3D inside”. Joie.
@Kage no Otaku :
Je ne crois pas que le problème soit simplement lié à la ludothèque.
Comme le dit Game A, à force de retirer tout élément de mise en scène, on finit par anéantir la possibilité d’un enjeu dramatique.
Or, sans enjeu dramatique, il est difficile de faire naître, et surtout de conserver, l’intérêt de quelqu’un.
Nintendo veut de plus en plus d’implication directe du joueur dans ses productions. Soit. Mais essayons d’appliquer les évolutions qu’il nous propose à une œuvre comme l’Odyssée, par exemple.
1- on résume le scénario à sa plus simple expression.
C’est Ulysse qui affronte Zeus dans le monde antique.
2- on réduit l’action à quelque chose que tu peux faire en live dans ta vraie vie
C’est Ulysse qui s’engueule avec Zeus dans le monde antique.
3- on enlève les personnages.
C’est toi qui t’engueules avec ton concierge dans le monde antique.
4- on enlève le décor.
C’est toi qui t’engueules avec ton concierge devant les poubelles de ton immeuble.
Waouh, l’épopée de folie.
C’est mathématique : plus tu enlèves de champs où l’imaginaire peut s’exprimer, plus les gens qui vont travailler la matière que tu leur donnes ont besoin d’être géniaux pour en faire quelque chose d’intéressant.
À mon avis, c’est un pari risqué que celui de supposer qu’il y ait une majorité de génies chez les créateurs de jeux.
D’autant plus qu’un génie normal ne suffit pas : il en faut un qui ait le super pouvoir de convaincre un département marketing de la validité de ses idées.
D’où la navrante réalité : la plupart des jeux qui exploitent ces “nouvelles façons de jouer” se résument aux trois premières idées marrantes-mais-cinq-minutes que n’importe qui a en entendant parler du concept pour la première fois.
@↑↑↓↓←→←→BA : Excellente analyse. Tu fais bien de rappeler la réalité du processus de création. J’ajouterais pour la pique que l’imaginaire développé autour des créateurs comme Shigeru ou Kojima, avec des légendes et des petites histoires de fesses, est devenu bien plus riche que celui de leur jeux :/
Par contre, si tu donnes à certains joueurs un Love Plus en réalitée augmentée, compte sur eux pour inventer les histoires qui font avec. Un DokiDoki Mahjo avec ce système, où il faudrait chercher les petites sorcières dans le salon avant de les inspecter sous toutes les coutures sur la table basse, me coûterait mon âme par exemple v__v
Mais je n’en vois aucune autre application intéressante, en effet…
On pourrait alors imaginer, d’un côté les “vrais” jeux, sous-entendus dramatiques, qui seraient pour l’essentiel des repompés et, de l’autre, les “expériences” marrantes cinq minutes.
C’est intéressant.
Dans le premier cas, l’argument de la 3D ne serait finalement plus recevable puisqu’il s’agirait seulement d’une “amélioration” graphique (encore que les contraintes semblent nombreuses) et non pas d’une véritable nouvelle dimension.
Dans le deuxième cas, hormis de rares jeux, probablement développés par Nintendo du reste, il y aurait des rayons entiers de jeux superficiels, à la limite servant de vitrine technologique, vendus 40 croûtons… précisément comme sur iPod pour dix fois moins cher. Ah, on me signale qu’on se trouve déjà dans cette situation.
Je me demande quel power-up caché dans sa salopette Mario va utiliser pour se sortir de là.
NB : j’ai carrément dévié du sujet d’origine, désolé, mais l’occasion était trop belle de répondre le nez dans le guidon.
NB 2 : @↑↑↓↓←→←→BA : cosmique et explicite, la parabole.
Carrément ! Plus clair, plus simple et plus convaincant que mon pavé. La prochaine fois je te demanderai.^^
Tes pavés ont quand même leurs charmes A :D
Perso, je ne pense pas que Nintendo nous enlève les décors/univers qu’on est en droit d’attendre. On aura jamais un Zelda, Mario, Metroid ou autre uniquement en réalité augmentée. C’est juste pas possible. Les créateurs chez Nintendo ont bien assez d’idées pour nous pondre des univers comme on les aime.
Par contre, je pense que Nintendo va y aller à fond sur la RA, pour contrer les SmartPhone. Je n’ai pas, et ne suis pas, impressionné par la RA de la 3DS, tout simplement parce que ce genre de chose existe déjà depuis longtemps sur les smartphones. Genre les jeux avec lesquels il faut imprimer une image sur une feuille, filmer celle-ci, et jouer ensuite en RA (ya un machin sur iPhone, Defend The Tower, ou un truc du genre). Ca oui, on va en avoir pleins sur 3DS, avec des trucs de socialisation (les Mii, jeux online, etc…) histoire d’avoir un truc en plus que sur smartphone, et donc, justifier un prix plus élevé.
Après, je ne serai pas non plus contre un Pikmin 3DS, utilisant la RA… Maintenant, encore faut-il que cette RA soit vraiment bien développé. Là par exemple, j’ai fait des photos avec les Mii. Bah c’est bien, sauf que la console ne gère pas les obstacles.
Si les obstacles sont gérées, ça peut vraiment être super intéressant.
Contrairement à ce que tu penses, pas de problème avec ton article GameA, on comprend bien à sa lecture que Nintendo n’est pas que le seul “responsable” possible. Il se trouve que ton analyse part de Nintendo, mais que (et c’est ça qui est bien) elle ne se limite pas. Ta théorie dit plus que le simple fait :” nintendo nous en*^$ù.” Ce qui est valable pour Nintendo est valable pour les autres, le lecteur peut bien faire ce boulot :)
Ce qui est intéressant c’est bien le relativisme par rapport à l’enthousiasme que déclenche ce genre de gadget en général. Parce que si je te suis bien, dans le contexte actuel - course au CA, etc. - ce succès technique, parce que s’en est un, est voué au mieux à la claudication (marrant 5 minutes).
Ce qui est plus problématique en revanche, c’est la fin de l’article. L’implication du joueur n’est pas le propre de la réalité augmentée. Je prendrais l’exemple de projet zéro que j’ai fait dans ma piaule d’étudiant à Chambéry dans une grande baraque vide un week end (la référence à Chambéry n’est pas gratuite, chambé c’est flippant), bref, dans des conditions ultimes de trouille pour un occidental (le mieux je pense étant de jouer dans une baraque japonaise isolée… mais bon, là, la pompe lâche je pense)… et bien je n’ai pas pu le terminer le jeu à la cù¨$ù ! J’ai attendu le lundi que les colocs reviennent pour le finir entre 12h et 14h30 en plein soleil avec en fond sonore le Ska Punk d’un coloc peu soucieux de son voisinage, mais qui, ce jour-là, m’a permis d’en venir à bout du jeu à la c*$m !
Tout ça pour quoi ? Pour dire simplement que ton premier argument me semble pertinent : nouvelle techno + concurrence généralisée = conformisme et prise de risque minimale (ie : jeux pourris) alors que la suite : technologie bidon l’est beaucoup moins.
…Me ferait bien un projet zéro moi… y’en a un de prévu ?