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Il fut un temps où Sega ne rechignait pas à la dépense pour réussir ses titres, manifestant son amour du jeu jusque dans le goût du risque. Traversant l’Europe en quête de sensations et de paysages, Yu Suzuki initiait pour OutRun (1986) ce qui allait devenir une pratique assez courante dans l’entreprise, le voyage d’étude. Ainsi, pour Sport Fishing II (1995), dix personnes étaient partis au Costa Rica chasser le tarpon, le marlin bleu et les images.

Malheureusement, avec le temps et la crise du secteur des bornes d’arcade, l’habitude s’est perdue et de moins en moins de jeux en ont profité. Jambo! Safari n’aura jamais été parmi par ces heureux élus.

Dès 1999 en effet, les difficultés financières de Sega poussaient à la modération : les développeurs du jeu se sont contentés de visiter les zoos de Tokyo.

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La Tokyo Zoological Park Society gère les zoos et les aquariums possédés par le gouvernement métropolitain de Tokyo.

Dix ans plus tard, la compression des coûts est encore plus sévère et l’adaptation du jeu sur Wii et DS a été carrément sous-traitée aux Anglais de Full Fat, un nom plutôt ironique : cette délocalisation avait-elle d’autre objectif que tailler le plus possible dans le gras des coûts de production ?

En se basant sur les crédits de cette nouvelle version, les Britanniques n’ont pas visité un seul zoo. Pas de trace non plus du moindre consultant extérieur ; il est vrai que les Anglais ont développé, par leur histoire coloniale, une solide qualification dans la chasse aux éléphants et aux bêtes sauvages, Full Fat comptait peut-être s’en contenter.

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Les personnes remerciées sont toutes employées de Sega (Ogasawara était le directeur de la version arcade), sauf Brisbourne que je soupçonne être professeur de construction mécanique à Coventry, la même ville que le studio de développement du jeu.

Autant le dire, ça n’a pas suffi, et les comportements animaux manquent franchement de vraisemblance : quand une antilope s’échappe en traversant une barrière pour continuer sa course dans les airs, la circonspection gagne vite.

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Une girafe qui se nourrit aux branches d’un arbre invisible…

Il est pourtant difficile d’en vouloir à Full Fat : on imagine les délais impossibles*, on se doute du faible budget (encore ponctionné à coup sûr par la licence des Land Rover Defender 90 et 110). Sega ne mérite pas la même indulgence : la sous-traitance n’est pas seulement une petite escroquerie sur le dos du consommateur, c’est aussi, bien souvent, un cruel signe de désintérêt et de passion de la part de l’éditeur.

 L’opération était peut-être un bon calcul financier pour Sega, mais pour une firme qui démontrait dès les années 80 que la réussite avait un coût, ce changement de philosophie paraît bien cynique.


À suivre



* Un peu plus d’un an d’après un des graphistes. Il ne cache d’ailleurs pas sa surprise devant l’accueil positif réservé au jeu à sa sortie, « bien que le jeu soit destiné aux enfants et qu’il souffre d’un certain nombre de graves défauts ».
sport_fishing_02.gifUn marlin bleu d’un beau gabarit pêché par l’équipe de Sport Fishing 2. C’est la seule (et bien piètre) image sauvée par la Wayback machine, Sega-Mechatro ayant supprimé la page sur le voyage au Costa Rica (archive ici). Dans le genre complètement fou, deux ans plus tard, les développeurs de Sega Bass Fishing plongeaient cinquante perches truitées dans un aquarium improvisé pour les étudier (archive). « the Power without the Price » était sinon le slogan de l’Atari ST, et Hatari! un film avec John Wayne dont Jambo! Safari est manifestement très inspiré (pardon pour ce triste jeu de mots). Ce post est dédié à xemorej.