Satoru Iwata a profité de la conférence du 29 septembre pour écarter, une fois de plus, l’idée que seuls les jeux Nintendo se vendaient sur consoles Nintendo. Un peu plus tard dans la journée, il relativisait l’influence du piratage sur les ventes de logiciels, reportant la faute sur la qualité des jeux des éditeurs tiers, précisément parce que les jeux Nintendo se vendaient énormément (Warning, argumentation breach).

Ces éclaircissements n’ont pas seulement envenimé les relations entre Mario et les développeurs tiers (lire ce ras-le-bol pour s’en convaincre), ils témoignent aussi d’un aveuglement crispant : comme si l’image de marque, la force de ses franchises (Mario, Pokémon) et la puissance commerciale de Nintendo ne changaient pas considérablement la donne (un exemple : il ne fait aucun doute que les jeux Nintendo sont encore plus piratés que les autres mais, justement parce qu’ils sont connus et qu’ils ont la confiance du consommateur, ils sont aussi les plus offerts : les flashcarts n’empêchent pas Noël, les anniversaires et les cadeaux, et il faut bien offrir quelque chose à ses enfants).

Or, malgré ce qu’Iwata raconte, Nintendo a une part de responsabilité immense dans l’ampleur du piratage de ses consoles. Et ce n’est pas parti pour s’arranger.

Bien sûr Mario fait ce qu’il doit sur le plan juridique. De ce point de vue l’entreprise est irréprochable et ne peut être tenue responsable des décisions de justice qui ne vont pas dans son sens (Iwata évoque notamment le cas de l’Espagne). Pour autant, ce serait une erreur de considérer que son devoir envers les éditeurs tiers s’arrête là. Il est en effet de sa responsabilité de 1/ multiplier les mises à jour de sécurité pour combler les failles exploitées par les pirates et 2/ de motiver l’utilisateur pour qu’il les applique. Or dans ces deux cas, Mario est plus que défaillant.

Ainsi, sur DSi comme sur Wii, le seul avantage qualitatif d’une mise à jour du firmware se résume essentiellement à pouvoir utiliser la boutique Nintendo (le machin avec des applications qui n’intéressent presque personne et des jeux Neo Geo en 50hz).
Si l’an dernier une mise à jour du firmware DSi (le 1.4) ajoutait une fonctionnalité d’envoi des photos sur facebook, celle qui a été proposée au mois de septembre (1.41) ne fait rien d’autre que bloquer les flashcarts (des “améliorations” internes, non précisées et insensibles du navigateur, ça ne compte pas). Que ce soit donc clair : soit on utilise une flashcart pour pirater et il n’y a aucun intérêt à mettre la console à jour, soit on reste honnête et il n’y a aucun avantage à perdre 3 minutes pour s’aventurer dans les paramètres de la console.

Il y avait pourtant de quoi faire pour motiver les utilisateurs : rien qu’une mise à jour qui permette à l’application musique de ranger dans l’ordre alphabétique correct les chansons commençant par un caractère accentué (au lieu de les rejeter après “z”) suffirait. On ne demande pas la lune, et la moindre des choses devrait être de récompenser la loyauté. Mais plutôt que ça, Nintendo préfère mettre en place un système de mise à jour automatique et transparent pour sa prochaine 3DS.


Connexions préconfigurées dans les McDo, magasins de jeux, certaines gares, avec NTT …

Outre qu’il ne fonctionnera en l’état qu’au Japon (où de nombreux accords ont été passés pour fournir un service wifi gratuit un peu partout) et qu’il restera toujours la possibilité de désactiver la connexion automatique, ce système ne fera rien d’autre que révéler l’autre gros problème de l’entreprise : les mises à jour sont rarissimes.

Depuis la sortie de la DSi en Europe (avril 2009), il n’y a eu en effet que 3 M.A.J. ! La première (firmware 1.3E) ne bloquait d’ailleurs même pas les principales flascarts (pas plus que les précédentes d’ailleurs - qui ne concernaient que le Japon où la console est sortie avant). Si la 1.4E est proposée dès fin juillet 2009, Mario a attendu septembre 2010 pour proposer la suivante. 13 mois sans rien, un boulevard pour les pirates !

La fréquence des mises à jour augmentera-t-elle sur 3DS ? Pour cela il faudrait des équipes solides qui s’y consacrent à plein temps, ce qui n’a jamais été le cas jusqu’ici. La piteuse argumentation d’Iwata pendant la conférence de septembre ne révèle en tout cas aucune prise de conscience réelle.



On peut trouver le verbatim de la conférence sur le site de Nintendo Japon, ainsi que celui des réponses aux investisseurs. J’ai omis de parler des obstacles logiciels au piratage, des astuces involontaires (le passage au 60 images par seconde pour Nervous Brickdown d’Arkedo) au changement de la taille de la sauvegarde (Jam with the Band). Il est incompréhensible que Nintendo n’ait pas collecté ces recettes pour les imposer à chaque nouveau jeu : ça n’aurait sans doute pas tout réglé mais la tâche des pirates aurait été au moins rendu plus difficile.