La suite améliorée du formidable mais antédiluvien jeu DS Daigassō! Band Brothers vient de sortir en Europe.

Commercialisé en 2008 au Japon, son arrivée chez nous était aussi inespérée que révélatrice d’un certain vide des plannings, qui force Nintendo of Europe à fouiller ses fonds de tiroir.

On aurait toutes les raisons de s’en réjouir. Sauf que.

La série n’a pas pris une ride depuis 2004, et pour cause : à l’époque, le jeu était déjà moche. Développé sur presque cinq ans et trois générations de console (commencé sur Game Boy Color, refait pour la GBA et finalisé sur DS), il en avait gardé une certaine austérité, heureusement arrondie par la dissonante Barbara the Bat.

L’ambiance sonore de ce jeu musical est à l’avenant, héritée de l’ancien temps et bien en deçà des capacités de la DS. Et si jouer des ré-orchestrations façon MIDI, ça passe (forcément) très bien quand il s’agit de musiques NES, c’est moins convaincant sur des adaptations instrumentales de chansons connues.

On s’amuse beaucoup malgré tout, surtout à plusieurs : chacun avec un instrument différent, la magie prend, comme au premier jour - et ce d’autant plus facilement que certains titres sont identiques (le “medley F-Zero”, “Smoke on the Water”, etc.). La difficulté, diabolique, est aussi une aide incontestable pour l’ambiance.


Les pistes n’ont pas toutes le même intérêt : la même chanson au même niveau de difficulté pourra exiger plus de 600 notes à un joueur et seulement 50 à un autre.

Le nom japonais de Jam with the Band, Daigassō! Band Brothers Dx (deluxe), a son importance : il n’était pas tant une suite qu’une amélioration du jeu de 2004 (qui avait déjà connu une extension cartouche en 2005). Elle ajoutait pas mal de machins, outre une légère refonte de l’interface : des instruments supplémentaires dont certains qui se jouent au stylet (pas une réussite), une fonction karaoké, une radio amusante (ressortie au Japon sur Dsiware l’an dernier) et, surtout, la possibilité d’envoyer les morceaux que l’on a créés ou d’en télécharger depuis le serveur de Nintendo.


La fonction karaoké a permis un beau concours au sein de la rédaction de 1101.

Le dispositif pour le téléchargement était assez impressionnant. Outre la petite performance technique (Nintendo étrennait pour l’occasion une cartouche de plus grande capacité), la manière dont Mario avait résolu la question des droits d’auteur était aussi ingénieuse que complexe. Grâce à un accord avec la JASRAC, la SACEM japonaise, le joueur pouvait télécharger (définitivement) 100 instrumentaux parmi plus d’une dizaine de milliers de titres. Une base de données listait les chansons qui pouvaient être envoyées sur le serveur (pour validation par Nintendo avant validation).

Les Japonais n’ont pas fui devant ce lourd dispositif puisque le serveur dépasse aujourd’hui les 7000 titres. Comme Flipnote, Wii Music ou Made in Wario, Jam with the band est donc un formidable logiciel ludique qui sous-traite au joueur une bonne partie du développement du jeu. Entre ça et le casual, Nintendo aura tout révolutionné ces dernières années.

L’engouement créatif des joueurs japonais ne trompe pas, l’intérêt de Daigassō! Band Brothers Dx résidait beaucoup dans son énorme catalogue. Hélas, pour commercialiser le jeu en Europe, c’est justement dans celui-ci que Nintendo a opéré des coupes sombres.

À première vue, tout semble aller pour le mieux : au lieu des 31 musiques dans DBBDx (et 38 dans DBB), Jam with the Band embarque 50 chansons dans la cartouche. Évidemment on pourrait pinailler sur le choix des musiques (exit la j-pop), l’intérêt des très courts medleys Nintendo, mais le vrai problème est ailleurs : ce ne sont plus 100 chansons qui sont téléchargeables comme au Japon, mais seulement 50 !
Bien sûr, on peut comprendre que les droits d’auteur soient épineux à gérer dans l’Union, mais quand même, ça pique un peu.

On peut évidemment se convaincre que 50 chansons, c’est déjà beaucoup. À vrai dire, en parcourant la base de données musicales, l’embarras du choix est saisissant.
Pas grand chose en effet sur le serveur actuellement. Bon, 170 titres tout de même, mais une fois triées les chansons étrangères inconnues et la musique classique, restent “Harley Davidson” et “Mademoiselle chante le blues”. Faut aimer.
Une vingtaine de musiques de jeux fan service comme il faut (Brinstar ! K.K. Rider !) permettront quand même de s’occuper en attendant mieux.



204 clics pour parcourir la liste de chansons. Le web et Mario…

Malheureusement, le mieux n’est pas assuré. En jetant un œil à la base de données musicales, on remarque quelques horreurs régressives genre “Zidane y va marquer” (code 1933940) ou “Vacances j’oublie tout” (1209236), mais rien de la richesse offerte aux Japonais. Oubliez les génériques de Lupin III ou la chanson de Segata Sanshiro. Si “Pour le plaisir” et “Pauvres diables” sont autorisés à la soumission, le reste n’est pas folichon.

À propos, “Pour le plaisir”, pourtant promis dans les publicités print, n’est toujours pas disponible sur le serveur et c’est scandaleux.
Cette absence soulève d’ailleurs pas mal de questions : alors que les mises à jour du serveur japonais étaient quotidiennes, toujours rien de neuf depuis la sortie du jeu chez nous, qu’il s’agisse de musiques ayant passé le processus de validation ou de morceaux créés par Nintendo.

Autre problème, la taille de la base de données : à ce jour, elle ne propose “que” 1600 chansons de toutes les nationalités, c’est-à-dire 1600 chansons potentiellement disponibles sur le serveur si quelqu’un se donne la peine de les adapter correctement.
C’est énorme… sauf à repenser aux 7000 chansons disponibles sur le serveur japonais, qui impliquent une base de données encore plus vaste (les Japonais doivent aussi avoir de nombreux équivalents de “Sacré Charlemagne”, ce genre de chansons qui ne vaut pas les 5 ou 6 heures de travail pour les convertir).

En tout cas, si la base de données ne s’élargit pas et si le serveur ne s’étoffe pas rapidement, Jam with the Band est parti pour finir comme Flipnote : un logiciel génial qu’on n’utilisera pas. Ça valait bien le coup d’attendre 6 ans tiens.


Jam with the Band est disponible au prix fort sur DS depuis le 21 mai. Je vous conseille “(Out) in the Fields” si vous ne savez pas quoi télécharger. On pourra trouver beaucoup d’informations sur le jeu en allant sur ce site en forme de wiki. La capture d’écran vient de JeuxActu.