J'avais décidé bien avant de le recevoir de faire mes adieux à la manette par un billet sur le Virtual Boy que ↑↑↓↓←→←→BA avait gentiment proposé de m'envoyer du Japon.
En attendant le colis, j'ai imaginé bien des fois ce dernier article. Pourtant, depuis une semaine que la console est arrivée, j'ai toujours autant de mal à l'écrire. Mais bon, on vous a fait avaler pas mal de couleuvres sur l'avenir du site depuis le mois d'août, et il faut bien qu'une porte soit ouverte ou fermée, comme on dit. Alors voilà, un peu à contre-coeur.

Et puis, en installant la console sur la table, je me dis que c'est un beau symbole de fermer cette porte sur une console Nintendo largement huée, quand on aura autant dénigré par ici d'autres consoles de la même firme portées aux nues de manière injustifiée.

Car il y a tant de raisons de défendre le Virtual Boy. Ne serait-ce que par charité : son bipied tout sauf rassurant, l'image qui vacille à l'allumage voire son absence totale, pas même un signal d'erreur, en cas de console vide ou de cartouche mal enclenchée : dans un Virtual Boy, tout inspire la fragilité, tout tient du miracle quand il fonctionne. VB, console baroque.

Cette nuit j'ai décidé de vérifier une bonne fois la réputation de machine à migraines du VB ; pour trouver une raison supplémentaire de le défendre, qui sait.
Sur la table, sous la paume, Galactic Pinball et Red Alarm. Depuis mardi j'alterne, par courtes sessions. Allez, le jeu de flipper d'abord cette fois-ci. J'allume la console.

J'aimais déjà beaucoup ce Galactic Pinball sur émulateur. D'abord parce que c'est un jeu triste. Est-ce la musique ? l'absence totale de présence humaine ? l'idée d'un flipper géant dans l'espace ? J'aurais du mal à l'expliquer mais c'est indéniable. Ensuite à cause du dégradé de rouge et de la relative simplicité de ses graphismes : comme si on regardait un mini-jeu sur l'écran de diodes d'un vrai flipper.


Galactic Pinball n'est pas un grand jeu : les tables sont un peu vides, et la physique de la boule est molle et imprécise. Un peu comme moi, là.

Déjà 20 minutes de jeu et aucun mal de tête perceptible. Si, une gêne au bout des dix premières minutes, les yeux qui piquent un peu, les paupières qui tombent, mais j'ai attribué ça à une mauvaise position. Celle-ci corrigée et le VB basculé vers l'avant, plus rien. Encore 5 minutes sur une autre des cinq tables disponibles, et l'envie me passe.

Au tour de Red Alarm. Ce rail shooter a le bon goût de proposer un menu caché pour sélectionner le niveau de son choix mais j'ai la flemme de l'enclencher (appuyer très rapidement 60 fois sur Select à l'écran-titre...) ; je préfère commencer au niveau 1.


Si la manette avait continué, j'aurais acheté une Vectrex. Red Alarm et le VB resteront un compromis moins couteux (image).

Au bout de dix minutes, ça me prend. D'abord autour des yeux, une légère tension de la peau, comme si elle manquait d'hydratation. L'impression s'évanouit peu à peu, j'entame le 3e niveau. Puis très vite ce sont les yeux, comme si mes globes oculaires s'enfonçaient dans leur orbite, dans une légère torsion. La fatigue me prend aussi, j'ai envie d'arrêter pour me coucher ; mes yeux se remplissent des larmes du sommeil. J'imagine le rouge des diodes s'y reflétant dedans, teintant mon iris, s'enfonçant dans la rétine.
Encore quelques dizaines de secondes. Début du quatrième niveau. La gêne remonte aux sinus, comme si j'avais froncé les sourcils trop longtemps. Le game over tombe, l'autopause de la console s'enclenche.
À ce moment, ça ne va vraiment pas.
Pas à cause d'une quelconque migraine en fait ; mais parce que je sens bien qu'en éteignant la console, je signe aussi mes derniers mots sur la manette.