Comme un peu tout le monde sur le site ces dernières semaines, j’ai beaucoup joué à The Legend of Zelda: Phantom Hourglass. Comme un peu moins de monde, je le trouve vraiment décevant (catégorie “Gérard du jeu auquel tu joues et, à un moment, vers la fin tu te dis putain, ça fait combien de temps que je joue à cette daube ?”, si elle existait). Et comme Game B et Rick, je trouve l’histoire vraiment nulle.
Pourtant, il s’agit encore d’une histoire de princesse à sauver, ingrédient principal des jeux parait-il cultes. D’où peut alors bien venir cette déception avec une histoire qui commençait si bien ?

Quinze hommes sur le coffre du mort…


Je ne suis pas un grand fan de Zelda, à vrai dire je n’ai joué qu’à la version Game Boy, mais promis je n’avais pas un mauvais a priori sur celui-là. Au contraire j’adorais ce que j’avais vu de Windwaker. Et puis l’histoire commence bien, les pirates, ce navire fantôme emportant la princesse, ça fleure bon les meilleurs récits d’aventure. Malheureusement l’histoire retombe comme un soufflet.
C’est que paradoxalement, ce qui rend l’histoire de ce Zelda si décevante, c’est d’avoir été d’abord si prometteuse, d’avoir remué chez le joueur un horizon d’attente partant de Stevenson pour arriver à Pirate des Caraïbes, c’est-à-dire tout un ensemble de codes, de clichés, bref, d’attentes, qui ne demandent qu’à être actualisées au le cours de l’histoire. Mais l’aventure, comme le romantisme, manifestement, Nintendo n’y connaît rien de rien.

Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum !

Donc on commence la tête pleine de course-poursuites de bateau fantôme et de sauvetage de princesse, et que propose le jeu comme première péripétie après la discussion obligatoire avec le vieux du jeu ? Contourner un pont détruit.

Très symbolique du mécanisme de ce jeu qui à longueur de temps rallongera la sauce, empile les épreuves intermédiaires pour finalement vous éloigner de l’essentiel, qui n’était pourtant pas bien loin, à portée du regard, juste derrière une porte fermée ou un pont détruit : l’aventure.
Alors qu’on a du pain sur la planche, une princesse à sauver et un marin (Linebeck) à trouver pour poursuivre le vaisseau fantôme, on doit se taper 5,6 aller-retour entre le chemin de traverse et le vieux, compter le nombre de palmiers de la plage (on a que ça à faire), supporter des leçons d’escrime par le vieux, reprendre le chemin, des portes, des clés, résoudre des énigmes idiotes, tirer des leviers dans le bon ordre, pour finalement arriver au port, repartir trouver Linebeck qui n’y était pas dans un temple au nord de l’île, le délivrer et dans la foulée se taper les étages souterrains du temple pour dénicher une carte marine pour rechercher le bateau fantôme. Au bout d’une heure trente, je n’étais toujours pas parti de l’île…

Remarquez le problème n’est pas propre à Zelda. Cet été il m’avait pris l’idée (bête) de collectionner les cartouches Game Boy spéciales, genre avec le rumble ou, comme cette sorte de Pokémon, avec connecteur infrarouge, horloge interne et petite sonnerie sur la cartouche, Robopon. La cartouche est déjà elle-même pénible (elle bipe tous les jours à 8, 12, 15 et 20 heures, même hors de la console), mais alors le jeu… imaginez que la première mission (qui vous prendra deux bonnes heures) c’est d’aller battre dans le lycée du “héros” les robots de sa dizaine de professeurs. Super. La deuxième mission est encore pire : chercher le proviseur dans un dédale souterrain infesté de monstres (1 heure) pour se voir offrir finalement un pauvre formulaire d’inscription à un tournoi (où il faudra aussi se battre des dizaines de fois). Bon dieu mais qui des épreuves pareilles peuvent-elles intéresser ?

Revenons à Phantom Hourglass, dont le principal écueil est finalement la manière dont les scénaristes rallongent la sauce. On s’attendait à de nombreuses et prestigieuses réalisations, on ne réalise finalement que des actions subalternes : chercher un truc, pour faire un autre truc, qui doit permettre un troisième truc ; la moindre action est coupée en quatre, doit faire l’objet d’une action préalable et minuscule.
On voulait de l’aventure, des grands espaces, des marges de manœuvre, on est coincé dans un algorithme rigide.

Évidemment, à force de subdiviser les épreuves au lieu de les multiplier, un gros problème de rythme se pose. Heureusement que le jeu rappelle à chaque allumage que l’on est censé sauver une fille, sans ça, après plus de 15 heures de jeu pour finalement rejoindre ce foutu bateau, j’aurais oublié.

La boisson et le diable ont perdu le reste

Et puis il me pose un problème ce Link : cet épisode suit à peu près immédiatement le jeu précédent, ce qui revient à dire que Link, au début de Phantom Hourglass, est déjà un héros, ce que le scénario du jeu ne prend à aucun moment en compte. Retrouvé sur une plage, Link redevient mystérieusement un bleu sans compétence, sans endurance et sans crédibilité : il passe la première partie du jeu à être rabaissé par les autres personnages.

Alors bien sûr, un petit gamin foireux, c’est pratique pour l’identification du joueur et pour justifier les tutoriels, mais c’est incohérent du point de vue psychologique. Ça n’a l’air de rien, mais ça invalide un des règles de base des récits d’aventure (qui sont souvent aussi des récits d’apprentissage) : qu’une fois les épreuves victorieusement dépassées, le personnage est changé, moralement comme physiquement.

Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum !


Chez Gamekult, on se félicitait de l’abandon du bateau à voile de Windwaker pour le bateau à roue, évitant “d’avoir à changer l’orientation du vent toutes les deux minutes”. Comme le pont cassé, ce changement de technologie me paraît très symbolique : l’aventure, c’est voguer au hasard et au gré du vent, tout l’inverse de la marche forcée d’un bateau à vapeur.
Et en voulant se passer du vent, Zelda Phamtom Hourglass manifeste aussi son manque total de souffle lyrique.