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Avec Rock Band 3, Electronic Arts a réussi le lancement le plus pourri de la licence (pas d’occurence pour le troisième épisode sur le site français de l’éditeur), et Harmonix a réussi à décevoir une partie de ses fans en enlevant des ingrédients essentiels à une sauce dont ils se régalaient jusque là.

Comment donner aux fans d’une série vidéoludique le sentiment d’une indifférence totale à leur égard ?
Harmonix a du apprendre à bonne école, grâce à un stage chez Nintendo ou chez Capcom, pour maîtriser la recette simple de la trahison :
Profiter du dernier épisode pour enlever des possibilités, des bonus, et des modes de jeu présents dans les précédents opus, tout en obligeant les clients à passer à la dernière version du produit.
Ce qui est possible avec Mario Kart (championnat contre IA à quatre disparu pour l’édition Wii), Punch Out!! (voir article), ou Street Fighter 4 (Tournoi local, salut entre personnages, stages personnels) est aussi possible pour Rock Band. Ce doit être le prix d’entrée dans la cour des Grands.

Partis en fumée

Au compteur des disparitions, on trouve :

  • Adieu Rock Band 2. Le format de codage des prochaines chansons à télécharger ne sera compatible qu’avec la dernière version du jeu. Sous le prétexte des ajouts du mode pro et du clavier, Harmonix et Electronic Arts imposent aux joueurs réguliers des précédents jeux d’en payer la nouvelle version s’ils veulent profiter de nouveaux morceaux en DLC.
  • Adieu Rock Band Stage Kit. La trousse de scène, qui n’était vendue qu’aux USA et uniquement pour le jeu sur console Xbox, est victime de son manque de popularité. Pourtant le soutien du périphérique n’imposait pas au développeur d’en coder les chorégraphies, qui sont lues d’après le codage des lumières du jeu.
  • Adieu les modes de compétition. Que ce soit en ligne ou sur la même console, fini les joutes de guitares, de micro, ou de batterie. Ce qui était le principal progrès entre Guitar Hero 1 et Guitar Hero 2 est donc maintenant jugé inutile par les mêmes concepteurs.

Mais la liste des mauvaises nouvelles et des duperies ne s’arrête pas là malheureusement.

L’export payant et les habituelles chansons mortes au combat sont de retour. Pour jouer au morceaux de RB2 dans RB3, il va falloir payer une nouvelle licence de dix euros, et télécharger deux gigas de contenu. Les artistes perdus dans le transfert sont évidement les plus courus, comme Oasis, les Red Hot Chili Peppers, Metallicaca, ou encore Soundgarden dont Black Hole Sun avait bien aidé les ventes de Rock Band 1.

The Con

Les promesses pour cet épisode n’étaient pas légion. Outre l’ajout du clavier, du mode Pro, et du jeu à sept, toutes les nouveautés devaient concerner l’ergonomie et l’accessibilité du logiciel. En effet, les soirées Rock Band étaient souvent l’occasion d’une navigation chaotique avec des instruments pas vraiment aisés à échanger entre les joueur et leurs avatars du jeu. L’écran de sélection des morceaux était aussi bien trop simpliste pour avoir une vue d’ensemble de sa DLCthèque et des chansons préférées.

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Le jeu bénéficie donc d’une nouvelle interface avec quatre onglets présents en permanence. Ils correspondent aux joueurs et contiennent leurs menus personnels pour changer de personnage et régler leurs options de jeu. Pour favoriser l’utilisation d’un profil de joueur (Gamertag ou PSNid) chacun ne peut plus créer qu’un seul groupe de rock et une dizaine d’avatars. Forcer les joueurs à avoir chacun un compte permet d’intégrer des progressions de carrière séparées, chacun profitant personnellement des modes de jeu à plusieurs. Cela permet d’avoir des carrières parallèles, d’amener son musicien chez des amis en prenant son profil, et de ne plus joueur “pour rien”.
Cette situation oblige donc à créer des comptes Xbox ou PSN à ses amis, mais chacun est content de progresser. Donc bon, pourquoi pas. Mais ce système ne règle en rien la confusion dans le salon au moment de changer d’instrument, au contraire. Celui qui était à la batterie doit déconnecter son profil et attendre que le bassiste fasse de même pour prendre la guitare, reconnecter son profil et l’associer à l’instrument. Il faut connaître la pénibilité d’un changement de profil sur les consoles de dernière génération pour comprendre que la solution est surtout un nouveau problème.

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Le jeu à sept est lui aussi en-dessous de ce qu’on pouvait en attendre. Les consoles n’autorisant que quatre profils à se connecter, trois joueurs n’auront ni scores ni profil. Les consoles n’autorisant que quatre contrôleurs, les trois joueurs pour du beurre seront donc les micros. Ce mode s’appelle le “mode tous instruments” ou AIM (all instruments mode). Une fois activé on peut quand même progresser dans sa carrière et dans les tournées, mais c’est le rendu de la scène et des avatars dans le jeu qui en souffre. Chaque morceau sera joué en vidéo clip, c’est à dire sans public et avec les effets lassant du visualiseur de musique de Windows Media Player (des néons flashys qui tournent et des effets de rémanence risibles).
A noter aussi que même en jouant à quatre sans chanteur, la ligne de karaoké reste présente à l’écran. C’est donc cela le jeu à sept joueurs : un mode limité et statique dans tous les cas, et un mode de jeu obligatoire pour ceux qui ne veulent pourtant jouer qu’à quatre instruments (batterie, clavier, guitare, guitare basse).

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Le fameux Mode Pro promettant d’être le pont entre le jeu et un réel apprentissage est difficile à juger pour l’instant. Seul le clavier est disponible pour tester la révolution du genre. Car dans le grand cafouillage de la sortie, ni l’adaptateur Pro MIDI (fin novembre) pour brancher une batterie électronique, ni la guitare Squier faite de cordes et de senseurs (Mars 2011) ne sont disponibles. Même la guitare hybride Pro Mustang de MadCatz ne sera pas disponible avant décembre 2010.

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Et enfin le Clavier. Soixante-six chansons de Rock Band 3 proposent une piste pour l’instrument. Le jeu normal favorise la prise en Keytar puisqu’il se joue à une main sur le clavier, l’autre servant à déclencher l’Overdrive et varier le son de notes tenues. Si cet effet est plus intéressant qu’à la guitare, grâce à la bande tactile qu’il utilise, les notes de piano et synthé peuvent se faire très rares sur certains morceaux.
L’instrument en mode Pro oblige le jeu à deux mains; bien plus prenant au niveau du gameplay. Surtout parce que tout est à apprendre comme au premier jour de la guitare en plastique.

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On the Go

La dernière amélioration devait concerner les menus. Rock Band promettait de s’inspirer de logiciels comme iTunes pour permettre au joueur d’organiser sa collection et même d’enregistrer des listes de lecture personnelles.

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Malgré tous les défauts du logiciel d’Apple, il contient quelques bonnes idées pratiques. Comme celle de pouvoir modifier une liste pour ajouter ou enlever des morceaux. Ou encore de pouvoir jouer le contenu d’une liste aléatoirement. Dans Rock Band, tu fais ta liste dans un certain ordre, et une fois enregistrée c’est gravé dans le marbre. T’es pas content, tu la refais depuis le début.

Le jeu n’est pas sans qualités et réelles améliorations. L’ergonomie générale, le nouveau découpage du mode carrière et les défis personnels sont des éléments qui se jugent sur un plus long terme.
Mais se prétendre à l’écoute de sa communauté et sortir un jeu avec autant de défauts évidents -qui sautent au visage du joueur dès les premières minutes- j’en savais d’autres capables (des moustachus), mais en bon fanboy, je me disais que les gars d’Harmonix n’étaient pas de cette engeance.
Et bien en fait, si. Leurs développeurs, se vantant d’être tous des musiciens avant d’être des gamers, feraient bien d’allumer une console de temps en temps et de s’inspirer de la concurrence. Alors que Guitar Hero pliait enfin, c’était le moment de l’achever. Mais au lieu de ça, Rock Band lui laisse un boulevard sur les voies du jeu en compétition et sur le multijoueur en ligne avec des suppressions et des contraintes absurdes.

L’avenir

Voici donc la troisième époque de Rock Band.
La première c’était la préhistoire avec Guitar Hero, et les améliorations logique de sa suite. La seconde était celle de Rock Band, dont Rock Band 2 arrondissait les angles. Rock Band 3 vient de sortir, reniant certaines qualités de ses ancêtres et ayant au mieux de sa forme l’air d’une version béta de Rock Band 4.
Harmonix prétendait vouloir faire de son jeu une plateforme dont les instruments et contenus soient inter-compatibles. Avec un dernier épisode niant certains accessoires et des contenus et chansons qui lui seront dorénavant exclusifs, Harmonix s’est fourvoyé. Harmonix a trompé sa propre communauté, comme en témoigne l’apocalypse sévissant sur leurs sites et forums dédiés. Et vu les soutiens déplorables au niveau de la promotion par Electronic Arts ou des instruments par MadCatz, il y a peu de chance d’arriver à gagner dans cette opération un nombre significatif de nouveaux joueurs.

Pour ma part, je finirais par prendre goût à Rock Band 3, j’en suis sûr.
Il y a même des moments de la journée où je ne pleure plus. Il y a de courtes périodes durant lesquelles je peux tenir les baguettes de la batterie sans tenter de m’en servir pour me trancher les veines… Heureusement un garçon doué a commencé à coder un logiciel pour prendre contrôle du Stage Kit, de sa fumée, et de ses lumières. On va peut-être pouvoir ajouter un Light Jockey au groupe et sauver nos soirées. Pour l’instant, je m’accroche à ça.

Le jeu Rock Band 3 est disponible dans certains magasins, seul ou avec le clavier. Les autres instruments et accessoires sont distribués au petit bonheur la chance, ou ne sont pas encore sortis. Les modes d’emploi du jeu comme des instruments sont, comme d’habitude, une vaste blague. Certaines prises ne sont même pas expliquées, et la plupart des pages sont remplies de paragraphes concernant les droits des chansons qui n’ont pas disparues durant un transfert.