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La sortie japonaise de Contes en boîte : Chasse aux images en perspective ! avait été auréolée d’un certain retentissement, l’an dernier. Ce semblant de publicité, exceptionnel pour un DSiWare, était d’autant plus remarquable que le jeu était clairement destiné aux plus jeunes utilisateurs du service de téléchargement de Nintendo (pour autant qu’ils existent). Dans un univers de contes essentiellement occidentaux, il fallait en effet retrouver des lettres ou des formes camouflées dans un paysage façon papier découpé et modélisé en 3D.

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On reconnaît la crinière d’un lion dans les plis de la nappe. Il faudra trouver le bon angle et placer le viseur avec la croix directionnelle sur l’animal pour valider la découverte.

Du jeu lui-même on ne garde aucun souvenir une fois les 13 tableaux bouclés (deux heures de jeu au plus), mais son intérêt réside de toute façon ailleurs.

Outre l’affichage simultané de 3D sur les deux écrans de la DS (rarissime sur la console), Contes en boîtes innovait en utilisant l’appareil-photo de la DSi comme un gyroscope rudimentaire. L’angle de vue du paysage changeait ainsi selon l’inclinaison de la console.


Nintendo a forcé son talent pour réprimer tout désir d’achat : seulement 3 images médiocres fournies à la presse mondiale et, sur son site européen, une vidéo muette.

Il en résultait une sorte d’head tracking aussi astucieux que bancal dès que la luminosité ou l’inclinaison de la console n’étaient plus optimales. N’empêche, cette démo technique était impressionnante et, quelques mois avant l’annonce de la 3DS, on a pu penser qu’elle préfigurait le futur du jeu vidéo chez Mario.

On sait maintenant que ce n’est pas le cas, et c’est peut-être dommage : si elle ne produit aucun effet de relief comme l’écran de la 3DS, cette technologie crée toutefois une véritable impression de profondeur en distinguant les différents plans de l’image. Elle avait en plus l’avantage de ne pas exiger d’écran particulier, ni de dépendre de l’angle de vision (au contraire même puisqu’il faut précisément bouger la console, même légèrement, pour ressentir la profondeur).

Au lieu d’une fonction tape-à-l’œil qu’on désactive après 15 minutes, il aurait peut-être donc mieux valu cet effet de profondeur discret et inoffensif qui aurait pu s’appliquer à n’importe quel jeu, tout le temps.

Pour en revenir au DSiWare, il est amusant de remarquer que ce qui a paru le futur potentiel du jeu vidéo s’inspirait en fait de types de représentation très anciens : Contes en boîte s’inscrit en effet directement dans la tradition japonaise des tatebankos.

les tatebankos auraient été extrêmement populaires du XVIIe au début du XXème siècle, de l’époque d’Edo à celle de Meiji. Il s’agissait de dioramas en papier disposés sur plusieurs plans et où les éléments sont tantôt en volume et tantôt seulement plats.

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Reproduction d’un tatebanko attribué à Hokusai, source : à l’ombre du pommier.

Contes en boîte mélange de même volumes et simples silhouettes. Il puise par ailleurs dans le même type de récits, les tatebankos illustrant souvent des épisodes mythologiques.

Les tatebankos n’étaient pas cependant à l’origine enfermés dans une boite ouverte sur un pan, comme dans le DSiWare. Les quelques modèles dans ce cas, plus récents, ont sans doute été influencés par la vogue des shadow boxes occidentales.

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Un diorama français de 1905 entre le tatebanko et la shadow box déniché par le webmestre du site précédent (source).

Les tatebankos ont beau avoir trois siècles, ils ne sont pas complètement oubliés dans l’oubli : une entreprise japonaise essaie d’ailleurs de remettre au goût du jour ces beaux objets surannés, notamment avec une première série d’estampes et de peintures célèbres (sont mis en boîte Dali, Van Gogh, Hokusai et Hiroshige) et une autre de productions Tezuka.

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On voit que chaque diorama est contenu dans une boîte, comme dans le jeu, et ce n’est sans doute pas un hasard : leurs premiers modèles sont sortis en juillet 2009, soit huit mois avant la sortie japonaise du DSiWare développé pour le compte de Nintendo par Good-Feel (Wario Land: the shake dimensionKirby au fil de l’aventure). La coïncidence des dates est sans doute un peu grosse pour être totalement fortuite.




Contes en boîte est disponible en France depuis le 11 juin 2010, à 500 points Nintendo (5€). Comme pour Face Pilot développé par Hal, Nintendo a donc laissé à un studio de second party la tâche de faire du R&D.

Pour information, l’éditeur des deux tatebankos ci-dessus vient de sortir un nouveau modèle qui regroupe cinq œuvres différentes, dont les magnifiques Pelerins à la cascade de Kirifuri par Hokusai et Les tourbillons de Naruto à Awa de Hiroshige :
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