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Il y a des informations comme ça qu’on pense perdues à tout jamais. L’auteur des huit pages de bande dessinée du manuel de F-Zero sur Super Nintendo (1990 au Japon, 1992 en Europe) semblait en faire partie : vingt ans d’anonymat total et de gloire silencieuse.

Et puis internet est là, et au détour d’un article d’abord anodin, tout est dévoilé : il s’agissait d’un travail de commande à Valiant Comics.

Valiant Comics est un éditeur américain peu connu en France. Créé au début des années 90 par Jim Shooter* et Bob Layton, c’était pourtant une maison d’édition qui a taillé durant quelques années des croupières à Marvel et DC et ne rougissait pas devant la toute jeune Image Comics.

Si leurs comics ont peu traversé l’Atlantique, on connaît pourtant quelques-uns de leurs personnages : Turok, qui a fait les belles heures de la N64, ou X-O Manowar (dans le jeu Iron Man and X-O Manowar in Heavy Metal en 1996) étaient en effet des licences de Valiant.

Pour Joe Quesada, qui y a fait ses premières armes, « les personnages de Valiant faisaient partie des meilleurs jamais créés, et auraient pu s’élever au rang d’icônes comme Spiderman, ou d’autres de cette trempe. Tout ce qu’il leur fallait, c’était du temps » (source). Le temps leur a malheureusement manqué : rachetée par Acclaim en 1994 et entraînée par la chute de l’éditeur de jeux en 2004, la maison d’édition n’a jamais retrouvé son élan.

Valiant n’a pas seulement développé un univers neuf et brillant, l’appel de l’argent les a également poussés à publier un certain nombre de publications honteuses sous licence, notamment Nintendo pour ce qui nous concerne.


Source des images : Matthew Green, Pressthebuttons.

D’après Jim Shooter, ce travail sous licence est la raison pour laquelle Nintendo Japon les a choisis pour réaliser la bande-dessinée du manuel ainsi que l’illustration de couverture de la version japonaise du jeu (quand le jeu sort huit mois plus tard en Amérique du Nord - et 18 chez nous, l’illustration de la boîte a été changée).

La bande dessinée est ainsi l’oeuvre de Jim Shooter pour le scénario et les dialogues, Arthur Nichols pour les dessins, Bob Layton pour l’encrage.


Illustration de la boîte japonaise

L’illustration pour la version japonaise a été dessinée par Arthur Nichols et Paris Cullins, encrée par Nichols, mise en couleur par JayJay Jackson tandis que Jade Moede s’est chargé du « Booooom ».

Dans les commentaires de l’article, Arthur Nichols précise que son premier design de Samourai Goroh a été retoqué par Nintendo Japon car le personnage faisait trop chinois.
Cette anecdote soulève d’ailleurs quelques questions : l’apparence des personnages a-t-elle été entièrement imaginée par Nichols ? Et quel rôle a joué alors Takaya Imamura, le jeune employé de Nintendo que l’on crédite d’habitude de l’univers de F-Zero (et de Starfox) ?

Nichols révèle également que Nintendo a payé 35 000$ pour ce comics de commande et que c’est lui qui en a fixé le prix (Jim Shooter comptait en demander sept fois moins). Vu le succès et la qualité de cette bande dessinée qui traverse les années, ça n’était finalement pas cher payé.

Reste maintenant à connaître celui qui a commis l’illustration (moins réussie) des boîtes occidentales.

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On espère ne pas avoir à patienter encore vingt ans pour avoir la réponse.



* Jim Shooter est une figure du comics américain aussi célèbre que controversée pour son tempérament. Artiste complet, il a commencé chez DC en 1965 (à 14 ans !) et a présidé la destinée de l’univers Marvel comme éditeur en chef entre 1978 et 1987. On lui doit en particulier les scénarios des deux cross-overs Guerres Secrètes (paye tes souvenirs).

L’illustration de la jaquette japonaise provient de Pair-O-Dice Salvage & Repo.