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Depuis hier, j’ai failli rentrer deux fois avec une Wii sous le bras. Pour quelqu’un qui n’a même plus le courage d’allumer sa PS2 depuis des mois, l’envie d’une nouvelle console de salon est tout de même exceptionnelle.
Mais, à la fin, qu’est-ce qu’elle a de si bien cette console ?

Ce qu’elle a de bien, ce n’est pas son prix, ni les wiimoches. Ce ne sont pas les jeux non plus, évidemment - mais ne trollons pas.
C’est un peu la Balance Board (imaginez à quel point Family Jockey aurait été génial s’il l’avait utilisée) mais pas trop, parce que justement Family Jockey ne l’utilise pas, et que pour l’instant ce n’est pas un périphérique comme les autres, plutôt une de fonction à part, un jeu caméo, voire un TV Game[1]. Non, pour moi et à tout bien considérer, le vrai argument de la console, ce sont les Mii : sans eux, Wii Fit perdrait une part essentielle de son intérêt et, avec eux, Family Jockey deviendrait une véritable killer app.

Depuis que je suis devenu un joueur intermittent, je comprends mieux l’aversion face aux jeux des gens qui ne jouaient pas. Les mêmes qui pourtant, aujourd’hui, achètent une Wii. Enfin, plus exactement, je comprends leur manque d’intérêt jusque là.

Les jeux demandent souvent un investissement psychologique énorme : non seulement il faut considérer que les enjeux en valent la peine et le temps (je pense à ces histoires de princesses) mais, surtout, il faut parvenir à rentrer effectivement dans le jeu. Combien de fois ces temps-ci je me suis vu en train de jouer, incapable de me voir dans l’écran : jeux à la première personne mis à part, la plupart des jeux implique un “décentrage” de l’ego.

On pourrait distinguer deux grands types de jeux : ceux où le joueur est impliqué directement dans l’action (narration à la première personne) et ceux où un personnage fait le relai entre le joueur et l’univers du jeu (narration à la troisième personne). Jusqu’ici il me semble que les jeux qui ont été plébiscités par le grand public venaient le plus souvent de la première catégorie. Pour n’en citer que deux, Tetris et Nintendogs (les FPS font évidemment partie de cette catégorie ; le rejet qu’ils occasionnent plutôt de la part du grand public provient sans doute d’autres raisons, notamment leur violence).
Au contraire, les jeux avec personnage relai demandent une sorte de déplacement psychologique : il faut pouvoir s’incorporer dans le personnage à l’écran (selon le point de vue du jeu, ce processus est sans doute plus ou moins simple : plus facile dans un GOW avec un personnage de dos au premier plan, plus difficile dans les premiers Mario où le personnage est éloigné au second plan et de profil). Je fais de la sociologie spontanée, mais j’ai dans l’idée que ce décentrage était mal vu et moins évident, une fois devenu adulte (“faire comme si” est une activité enfantine, typique d’un moment où la personnalité n’est pas assise). C’est ici que les Mii révolutionnent tout.

Ces caricatures de soi et de ses amis permettent de faciliter l’immersion dans le jeu d’une façon gigantesque : on y est effectivement représenté. Dans les jeux à la troisième personne, où le personnage relai est son Mii, le point de vue adopté accentue encore l’égocentrisme : on regarde une représentation de soi-même en action.
Le plaisir narcissique ne va évidemment pas bien loin : il s’agit de caricature, pas de vision idéalisée ; pourtant cette identité entre le joueur et le personnage, entre ses amis et les autres personnages, change totalement le jeu et son sens : tout prend du sens, tout prend de l’importance. Comme si être soi-même dans le jeu impliquait que le jeu était fait pour soi (et que, donc, il ne peut s’agir d’un loisir exclusivement enfantin).

Au passage, la Wii devient un concept étonnamment cohérent : non seulement la Wii est (théoriquement) mimétique dans la gestuelle, mais elle le devient aussi dans le rapport joueur / personnage.
J’imagine tout de même un risque à ce concept : d’arriver à une sorte de crise du personnage, les Mii les remplaçant peu à peu. Un équivalent de Mario pourra-t-il se développer dans les années qui viennent ?

Notes

[1] Les TV Game sont ces consoles-jouets qui se branchent directement sur la télé (Nintendo en a sorti quelques-uns à la fin des années 70). Les jeux ne sont pas interchangeables et tous les éléments sont ramassés sous forme compacte (comme l’Atari Tv-Game, où ils étaient rassemblés dans une reproduction de joystick d’Atari 2600).
B a des choses intéressantes à dire sur le sujet et en possède un super.