Source : wikipedia.

Parmi les douces insultes à l'encontre de Mario, le traiter de "nain de jardin" est assez habituel : ben oui, les deux sont petits, gros, arborent barbe ou moustache, portent des habits de couleur vive dont un bonnet rouge et vivent dans un environnement plutôt champêtre (l'importance des fleurs et des champignons dans les Super Mario).
C'est le principal défaut de cette insulte : les points communs sont tellement nombreux et si évidents qu'elle parait trop facile.

Tenue sous silence parce que trop évidente, cette comparaison n'est du coup jamais remise en cause et continue tranquillement à faire son travail grammatical : rapprocher des choses séparées. Empêchant notamment de saisir que si cette comparaison est peu séduisante, c'est peut-être seulement parce qu'elle rapproche des choses identiques : Mario est peut-être effectivement un nain de jardin.

Vous mourez sans doute d'envie de savoir d'abord d'où viennent ces sympathiques habitants qui ont colonisé nos jardins. Je me permets à ce propos de faire une longue citation d'un bouquin assez intéressant, Des Nains, des jardins, Essai sur le kitsch pavillonnaire, de Jean-Yves Jouannais (éditions Hazan, 1993) :

"D'après Hans[-Werner] Prahl, l'histoire des ces lutins horticoles remonte au Moyen Âge, en Turquie. Là, en Cappadoce, le sous-sol était très riche mais, du fait de la dureté des matériaux, les galeries des mines étaient terriblement étroites. Seuls des hommes de petite taille pouvaient y travailler, des pygmées en l'occurrence. Habillés de couleur vive pour être repérés plus aisément au fond des puits ou après des éboulis, coiffés de bonnets remplis de coussinets d'herbe pour se protéger des chocs, ils passaient leur vie dans les profondeurs. Ils constituaient, en marge de la société, une manière de caste étrange, mystérieuse. On leur supposait des pouvoirs magiques. Ainsi prenaient-ils place, à leur insu, dans l'ancestrale mythologie des petits esprits, elfes, lutins et autres gnomes dont le nain des Nibelungen, Alberich, sera la manifestation la plus célèbre. Aussi, pour exorciser les maléfices de ces êtres vivant au contact des puissances infernales du centre de la Terre, pour conjurer ces hypothétiques démons, les exploitants des mines firent confectionner des figurines de terre à la ressemblance de leurs employés. Ces statuettes grandeur nature connurent bientôt un certain succès comme objets décoratifs."

Exportées d'abord en Italie, elles se propagent ensuite dans les jardins allemands, anglais, etc, leur échelle se réduisant avec le temps. Le faux puits dans les jardins serait une autre trace de leur passé de mineur et de leurs rapports mythologiques avec les puissances telluriques.

On peut d'ailleurs remarquer que si Mario n'a jamais travaillé à la mine (un des rares métiers qu'il n'a pas exercés), son boulot de plombier se limite dans le jeu à emprunter des tuyaux qui l'amènent à explorer les sous-sols.
Là de suite, si vous me demandiez comment un personnage japonais contemporain pourrait être une resucée d'un phénomène culturel moyenâgeux et européen, je vous dirais qu'avec Miyamoto on ne sait jamais (on vient d'apprendre, pour autant que cela nous intéresse qu'avant de nager, il jouait au pachinko et qu'il fumait, mais aussi qu'il adorait s'occuper de son jardin - cf. Pikmin).


D'après Wiki, les textures du jardin dans Pikmin proviendraient de photos de celui de Miyamoto.

Par ailleurs, si Mario est bien un avatar des nains de jardin, on peut logiquement lui attribuer la même symbolique. Et là vous allez adorer.
Toujours sur l'origine des nains de jardin, Jouannais évoque ainsi une autre hérédité mythologique, celle de Priape, divinité grecque des jardins et des troupeaux.

Le principal "attribut" de ce dieu est son pénis gigantesque, toujours en érection.
Rien de tout ça apparemment chez les nains de jardin ou chez Mario, même si lui aussi est capable de multiplier sa taille dans des proportions toutes phalliques. Et justement :en fait n'existe aucune différence entre le symbole ithyphallique du dieu et notre nain dont le bonnet rouge n'est rien d'autre qu'un gland.

Pourtant la virilité de Priape, dit Jouannais, contrairement aux apparences, demeure discutable. [La] jouissance à tout moment échappe à Priape. Et ce plaisir, toujours différé, cet assouvissement à jamais virtuel se mue en une sempiternelle douleur (d'où la maladie du priapisme). Priape est un handicapé sexuel et de ce fait un obsédé du même type. Aussi se caractérise-t-il par son ambivalence : il représente la fertilité alors qu'il ne peut pas jouir.

Or ce plaisir toujours différé, cette jouissance qui se refuse, on la retrouve explicitement dans Super Mario Bros.
A chaque fin de niveau en fait : le château a été pris d'assaut, le boss est vaincu, la princesse semble promise sauf que :

Thank you Mario! But our princess is in another castle!

Le champignon magique qui rend tout grand et tout dur n'a servi à rien, le plaisir sexuel s'évapore.
Post erectum, animal triste.