Shadow of Colossus
On a beaucoup parlé cette année, en particulier à propos de Shadow of Colossus, du jeu vidéo comme forme d'art, de la poésie qui s'en dégageait, de la plastique parfaite du jeu, etc.
"Artistique", "poétique", faute de mieux, je les utilisais aussi ces mots, pour traduire l'atmosphère de certains jeux, avec tout de même une impression d'inadéquation entre les termes et ce qu'ils désignaient : un jour, j'ai bien dû m'avouer que l'art, je n'y connaissais pas grand-chose, et que, lorsque par mégarde je tombais sur de la vraie poésie, j'étais loin de ressentir les mêmes effets qu'avec Panzer Dragoon Zwei.

En jouant à Shadow, j'ai d'ailleurs beaucoup repensé à Panzer Dragoon, surtout à ce passage formidable où le dragon bipède prend son envol au bout d'un long corridor rocheux, et que seul le son des ailes se fait entendre. Même vastitude, mêmes teintes, mêmes impressions "touristiques" d'une balade magnifique et paisible ; bref, même "poésie". Et puis je relis ça:
[Bruno se souvient de] "Lui-même, âgé de 4 ans, pédalant de toutes ses forces sur son tricycle à travers le corridor obscur, jusqu'à l'ouverture lumineuse du balcon. C'est problablement à ces moments qu'il avait connu son maximum de bonheur terrestre."[1]

Que ce soit dans Shadow comme dans les Panzer, il ne s'agissait ni de poésie, ni d'un jeu élevé à l'oeuvre d'art ; juste un moment d'intense et de rare bonheur du joueur. Et dans la vie comme les jeux vidéo, comme on ne rencontre qu'exceptionnellement[2] ces notions, on les confond, c'est bien compréhensible.

Notes

[1] Les Particules élémentaires, Michel Houellebecq, p.51.

[2] En 15 ans, avec les Panzer et Shadow, ça fait deux fois. Ah si, et une troisième fois, sur une borne de Virtual On, allez savoir pourquoi. Et vous ?