Prévoyant notre fatigue du ridicule devant ses nouveaux jeux moches, Nintendo propose une alternative sur sa Wii : la virtual console, qui permettra de rejouer à pas mal de vieux jeux pour un prix trop cher. A quoi ressemblera ce truc, comment ça marche, Mario oblige, on en sait rien. Espérons tout de même que ce sera mieux que le rétrogaming sur PS2.

Qu’attend un “rétrogameur” de la sortie d’un vieux jeu sur une plateforme récente ? Retrouver au moins aussi bien, voire mieux. C’est vraiment bête comme chou, et la vogue du rétrogaming, à première vue, c’est un moyen facile pour l’éditeur de se remplir les poches : tout est déjà fait.
Pourtant, c’est diablement périlleux pour lui : c’est très révélateur de sa culture, et de son honnêteté du moment. En deux exemples, Sega prouve qu’il est, ces temps-ci, amnésique et mesquin ; et con, mais con…

La galette de Sega Classics Collection sur PS2 est sortie en France il y a 6 mois, perdant incompréhensiblement, dans la traversée de l’atlantique, Alien Syndrome. Restent 8 jeux : Virtua Racing, Fantasy Zone, Tant-R et Bonanza Bros, Columns, Monaco GP, OutRun, Golden Axe.
Sega Classics Collection n’a de classique que le nom, puisqu’il propose, à la place des originaux, des remakes en 3D (vous espériez la version originale, cachée dans un recoin du cédé ? Moi aussi…). En soi, c’est après tout louable : sur GBA, Metroid Zero Mission, qui reprend le jeu NES avec des graphismes et une jouabilité améliorés, est formidable.
Sauf que dans Sega Classics Collection, les remakes sont catastrophiques : non seulement les jeux sont plus laids que les originaux, mais en plus ils trahissent leur modèle…



Vous vous rappelez, ce niveau formidable de Golden Axe sur le dos d’une tortue géante ? Quand on saute de sa carapace pour rejoindre le sol ? Oui, forcément, n’importe qui s’en rappellerait, tellement le niveau entier était incroyable. Tout le monde… mais pas Sega, qui a découpé ce niveau en deux sous-niveaux terminant juste avant et juste après.
Le reste est du même genre, et les quelques améliorations (dans Space Harrier, les cheveux longs du héros et le système de lock à la Panzer Dragoon) sont noyées dans une bêtise et une laideur crasses qui enlèvent tout plaisir de jeu.
Avec Virtua Racing pourtant, ils semblaient avoir compris : mêmes graphismes, avec des courses en plus (mais pas des voitures, contrairement à la version 32x). Super, d’autant que c’est le seul jeu en 60 hz et qu’une 3D polygonée sera toujours plus esthétique qu’une 3D cheap. Mais ça clippe, et vu le nombre minimal de polygones, c’est impardonnable[1].

Virtua Fighter 10th Anniversary (PS2) était une autre occasion pour Sega de réchauffer du tout cuit. Ce jeu, offert en France lors de concours, mais vendu au Japon, célébrait l’anniversaire de la franchise en reprenant les personnages de VF4 Evolution en low 3D (bonus déjà présent mais à débloquer dans VF4 Evolution), dans les décors et les musiques de VF1.
Le problème n’est même pas la suppression discutable de plusieurs éléments de VF4 E pour coller à l’esprit du premier (pas de déplacement latéral, sauts de deux mètres et abandon des prises à base de 360°, suppression des prises contre un adversaire agenouillé, alors que Wolf et Jeffry possédaient ce genre de projections dès VF1). Le pire, qui n’est pourtant qu’un détail : les développeurs n’ont pas été foutus d’implémenter l’animation de la bouche. Fini, Akira et Lau qui gueulent en fin de match, comme là :

Virtua Fighter version arcade, et bouche ouverte

Le retrogameur, c’est un petit organisme très sensible, un rien lui reste en travers : il connaît le jeu de référence et s’attend à le retrouver. En même temps, ses attentes sont très réduites : une fidélité maximale mais améliorable au jeu d’origine, c’est pas bien compliqué, et il faut être con comme un industriel pour ne pas le saisir.
Ça ne serait pas bien compliqué si les éditeurs avaient un minimum de considération envers leur patrimoine (sans parler de respect pour leurs clients), mais non, ils font leurs jeux comme ils feraient des Pringles : trop de graisse, trop de sel. Tant pis pour la digestion.

Notes

[1] Dans le même genre, les NES Classics clignotent comme les vrais… Je suis sûr que dans leur esprit malade, les cadres du service marketing ont pensé une seconde utiliser cette imbécile fidélité aux limites de la NES comme un argument de vente.