xenoblade.jpg

On pouvait s’attendre, en attaquant l’ascension d’un dieu grand comme un continent, à des paysages grandioses, quelques scènes épiques et un long voyage. Ce que propose effectivement Xenoblade Chronicles.

Mais le monument de Monolith Software a bien d’autres choses tout aussi intéressantes à offrir : ses commérages.

xenoblade_03.jpg

Les rues de la neuvième colonie, à la botte du dieu éteint, bruissent en effet de bavardages et d’indiscrétions, et discuter avec chaque PNJ n’a sans doute jamais été aussi passionnant, pour peu qu’on aime les potins.

On ne fait d’ailleurs pas que surprendre les rumeurs (Monica et Erik qui se retrouvent le soir au lieu d’être à leur poste, untel qui rentre tard, ou qui est très sévère avec son enfant…), on participe très vite à leur développement en effectuant un nombre assez incroyable de corvées pour un peu tout le monde, prétextes à explorer la vaste carte ou à combattre des ennemis.

Un sociogramme s’enrichit ainsi progressivement, traçant les triangles amoureux et les relations entre les habitants. Tout est scripté évidemment, hormis quelques occasions moralement gênantes (aider un soldat à tricher dans un combat ou choisir à qui administrer un philtre d’amour, à la jeune femme amoureuse d’un homme dédaigneux, ou à son rival éperdu), mais la ville reste un théâtre fascinant d’affinités et de répulsions.


xenoblade_01.jpg

Xenoblade Chronicles devait au départ se nommer Monado : Beginning of the World (du nom de l’épée surpuissante que le héros manie) : si mes souvenirs de terminale ne me trahissent pas, les monades (chez Leibniz en tout cas) sont ces sphères parfaites, autonomes, « sans portes ni fenêtres », qui composent l’univers et ne communiquent entre elles que par la grâce de Dieu. Pour un jeu qui prend tellement de soin à inscrire chaque personnage dans un subtil tissu de dépendances sociales (les relations sont aussi prises en compte au sein de l’équipe du joueur), le paradoxe est amusant.

Tetsuya Takahashi, le réalisateur du jeu, voulait en effet « que les joueurs aient le sentiment de se battre pour un monde peuplé de gens très différents », et c’est tout à fait réussi. Le résultat a étonné jusqu’au scénariste du jeu, Yuichiro Takeda :

Quand je travaillais sur le scénario, je pensais au genre de village que l’on voit dans les jeux de rôle habituels. Cependant, en jouant effectivement au jeu, je me suis rendu compte qu’il y avait tant d’idées dans ce seul village qu’il aurait pu servir de décor au jeu entier.

Takeda est en-dessous de la réalité : la richesse de ces microfictions fait regretter le tsunami d’un scénario, qui fracasse et emporte ce qu’il y avait de plus délicat, de plus soluble dans le drame : j’aurais préféré me consacrer uniquement à l’histoire d’amour naissante entre Sonia et Dean (ou espionner les faits et gestes de tout le monde), plutôt que partir en quête de revanche.

xenoblade
Chaque PNJ important a sa maison. En connaissant leur routine (« time active »), on peut les suivre jusqu’à leur porte. Juste comme ça hein (Peppino par exemple, il habite dans la première maison à droite en entrant dans le quartier résidentiel).

Le jeu a malheureusement tendance à écarteler le joueur entre la poursuite du fil de l’histoire principale, le combat des « homz » contre les envahisseurs venus du dieu d’en face, et le développement du sociogramme, d’autant plus que certaines mini-quêtes sont limitées dans le temps.

La frustration dans un RPG, ce n’est pas nouveau : le mécanisme même du levelling en génère (pour continuer l’histoire, il faut vaincre tel monstre, mais pour le battre, il faut s’entraîner longtemps sur des ennemis plus faibles). Ici, c’est un peu différent, on craint de manquer une liaison importante du sociogramme à aller trop vite (pas juste une arme ou une statistique à 100%), mais à être trop serviable, on se désintéresse du scénario général (d’autant qu’à discuter avec les PNJ, on évente rapidement le premier twist du jeu).

Arrivé à 50 heures de jeu, je suis parvenu à un point d’équilibre qui ne présage rien de bon pour la suite. A passer tant d’heures à faire le bon samaritain, je me suis détaché de la quête du héros, tout en me dégoûtant aussi du métier de factotum : mon goût pour les gossips atteint ses limites, surtout vu le temps que l’on met à gagner en popularité, dans la colonie 9 comme dans les autres (moins intéressantes) villes du jeu.

En fait, je crois que je suis mûr pour abandonner Xenoblade et aller jouer à Animal Crossing



Xenoblade Chronicles, le jeu que les Américains nous envient, est sorti le 19 août sur Wii. Tout y est très bien, très carré, très beau. Les images proviennent de jeuxvideo.com.