Persuadé de ne pas avoir les moyens de passer à la Next-gen, cet été, j’ai préféré acheter des jeux Game Boy. Plein. Tellement que j’ai réussi à me ruiner quand même (wiki dit rationalité limitée). Et donc, parmi ce tellement, il y a Revenge of the ‘Gator.
Revenge of the ‘Gator, tout le monde s’en souvient, tout le monde l’apprécie. D’ailleurs, je me demande bien pourquoi : comportement de la boule parfois bizarre (moins que Pokémon Pinball, mais tout de même), pas de tilt, et une seule table (même si elle fait quatre écrans de large).

Depuis plus d’un an que je tire au flanc pour écrire sur la manette, s’il y a une angoisse que je connais souvent, c’est bien l’angoisse de la page blanche. Aussi, finalement, je le comprends John, le responsable marketing de Nintendo US, au moment de trouver un titre occidental à ce petit jeu Game Boy, un des tout premiers.
John, la Game Boy, il n’y croit pas ; ça ne marchera jamais si on veut son avis, mais bon, lui, ce qu’il en dit hein… Mais du coup, John, il est encore moins motivé pour lui trouver un titre, à ce jeu de flipper : il a préféré fantasmer sur une petite stagiaire, Perrin Kaplan, pas si mal roulée après tout ; il a aussi un peu rêvassé sur ses prochaines vacances en Floride - c’est qu’on est déjà en mars. Et le temps a passé, comme ça. Plus que deux minutes avant la pause déjeuner, mais toujours pas de titre.

Des années qu’il n’y est pas retourné en plus, en Floride. En fait depuis que son père…
Il repense à ce jour, dans les Everglades, où John Sr. lui avait tendu sa carabine pour abattre cet énorme alligator, qui se réchauffait sur une berge. John Jr. avait 8 ans. Comme il était fier. Il n’avait presque pas tremblé en tirant. Il n’avait presque pas sursauté quand l’alligator avait jailli vers l’embarcation, peut-être blessé mais comment savoir, avant de passer en-dessous puis de disparaître dans les marécages.
John pense à tout ça, et machinalement il griffonne un truc sur un coin de magazine (il n’a vraiment rien fait ce matin). “Revenge of the Gator”.

Histoire de soigner, il ajoute une apostrophe devant Gator (wiki dit aphérèse), parce que c’est tout de même un pro, même à 15 secondes de la pause repas.
Voilà, c’est fini : Revenge of the ‘Gator. Pas si pénible, finalement. Du travail bien fait, comme toujours.
En plus John se dit c’est bien, “Revenge”, ça fait méchant et les gamins aiment quand ça fait méchant, ça John sait, c’est pour ça qu’il est payé si cher.

Les Japonais eux, Revenge of the ‘Gator, ils l’avaient appelé Pinball La grande parade des 66 crocodiles (Pinball 66 Hiki No Wani Daikoushin d’après wiki qui se trompe sur la date de sortie : RotG est bien sorti en mars 90 aux US ; le 18 octobre 1989, c’est au Japon).
Ce qui n’a rien à voir : ici, pas de “vengeance” ni de connotation méchante, au contraire même. “Grande parade”, c’est très festif (wiki dit horizon d’attente).
D’ailleurs, sur la page d’écran titre, il y a trois reptiles qui dansent gaiement, absolument impayables (et j’en ai bien compté plus d’une soixantaine dans tout le jeu, si ce n’est pas un sacré concept…).


Bien moins sournois que ceux de la version occidentale non ?

Alors je sais, alligator d’un côté, crocodiles de l’autre, il y a un problème.
À la fin, ce sont des alligators ou des crocodiles (wiki dit que c’est différent) ?
Après recherches, malgré leur tête courte et large, à cause de leurs dents qui sortent quand ils ont la gueule fermée, on peut affirmer que ce sont des crocodiles ; mais des crocodiles gentils, et roublards comme des alligators.

Et quand on est gentils, les gens se souviennent plus facilement, c’est souvent comme ça ; ça doit aussi marcher pour les jeux.