J’étais parti pour causer de Pokémon Pinball sur Game Boy Color, dire que, en gros et contrairement à Pokémon Pinball mini, qui n’avait de pinball que le nom, celui était un vrai flipper, mais sérieusement médiocre.

Et puis je vous ai imaginés, hésitant à oui ou non lire la suite et, dans un grand haussement d’épaule, non, finalement non, autre chose à faire. C’est vrai après tout, quel sens peut avoir le fait de s’intéresser aujourd’hui à un jeu si vieux sur une console si vieille ?

Je me demande après la lecture d’un texte de Judith Bernard, l’effet jogging. Je résume : sous le terme, Régis Debray et “d’autres copains médiologues” désignent une sorte de principe de compensation qui, à chaque progrès technique, opposerait une sorte de réaction. Bon je cite, parce que je ne suis pas clair : “la déstabilisation technologique suscite une restabilisation culturelle. À chaque “bond en avant” dans l’outillage correspond un “bond en arrière” dans les mentalités.” Le rapport avec le jogging qui lui donne son nom, c’est qu’il s’agit d’une pratique récente, extrêmement dépensière en énergie, incroyablement peu rentable, et qui se développe au moment même où les progrès technologiques proposent des moyens jamais vus pour se déplacer vite et sans effort. Voilà pour la paraphrase, l’original est toujours là.
Alors bien sûr, taquine comme on l’aime, elle rapporte cet effet “jogging” à celui que notre prézydent pratique beaucoup, lisant dans cette activité effrénée et stérile les prémices d’une rétro-activité morale plus inquiétante.
Je relis. “Chaque “bond en avant” dans l’outillage correspond un “bond en arrière” dans les mentalités”. Ça ne vous fait pas aussi penser au rétrogaming ?


Car vraiment, c’est tellement fou que des monstres technologiques comme la 360, la PS3, dans une très moindre mesure la Wii, proposent non seulement une rétrocompatibilité avec les consoles précédentes (qui sont tout ce que cette nouvelle génération ne veut plus être), mais aussi des services exclusivement dédiés à ces jeux plus ou moins antiques. Et c’est aussi tellement fou itou que cela puisse rentrer dans les motifs d’un achat ; pas seulement comme un service supplémentaire, mais comme un argument à part entière[1] : dix minutes durant, j’ai ainsi voulu acheter une Wii pour jouer à Balloon Fight… Ben oui.

allez va, je sais ce que vous vous dites : quel type d’inversion correspond mon habitude frénétique à jouer à des jeux genre Pokémon Pinball hein ? Je me demande aussi…

Notes

[1] À ce propos, Gilles Lipovetsky, dans les Temps hypermodernes (2004), constatait déjà que dans la société hypermoderne, l’ancien et la nostalgie sont devenus des arguments de vente, des outils marketing […] Il ne s’agit plus seulement d’accéder au confort matériel mais de vendre et d’acheter des réminiscences, des émotions évoquant le passé, des souvenirs de jours et d’époques jugés plus fastes. À la valeur d’usage et à la valeur d’échange s’ajoute maintenant la valeur émotionnelle-mémorielle associée aux sentiments nostalgiques.”