Lundi, je m’étonnais que les possesseurs de Wii semblent si joyeux de leurs accidents. J’en concluais que j’étais devenu réactionnaire, et un lecteur que leur sourire anticipait sur leurs prochains dommages et intérêts (ou sur leurs 4 nouvelles dragonnes). C’était bien : on avait trouvé une solution, le monde semblait simple.
Et puis je feuillette le Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois (note pour Game B et mes amis lecteurs : c’est votre prochain cadeau) et, subitement, tout s’éclaire, et devient laid.

Le bouquin relate quelques expériences de psychologie sociale, à chaque fois introduites par (et ramenées à) certaines de nos habitudes quotidiennes. C’est passionnant, drôle, ça se lit facilement, etc., je ne mets pas de lien vers un site en ligne (on ne se vendra ici que pour une soirée Nintendo avec Yoshi et Wii à la clé), mais vous voyez où je veux en venir.
Bref, parmi les nombreux phénomènes présentés, un me semble intéressant pour le problème qui nous occupe : il en ressortirait que les fans de la Wii sont manipulés. Par eux-mêmes en plus, les cons. Je m’explique.

Comment expliquez-vous que, malgré les notes faibles ou les critiques sur ses titres phares (Wario, Zelda), les évidentes limites de Wii sports et Wii Play, l’évidente mauvaise conception de ses dragonnes (Game B me chuchotte du nunchuk avec son fil), les accidents que la console cause, aucune contestation ne se fasse entendre ?
Lisez celui-là, la victime du 9 janvier sur Wiihaveaproblem : “A hospital visit and four stitches later (on a cut that went to the bone) - I’m back on the road of recovery towards playing the Wii again”. Vous ne le trouvez pas vraiment bonne poire ?
Face ces situations, Joule et Beauvois répondraient à coup sûr escalade d’engagement.

D’après eux, l’escalade d’engagement se rencontre lorsque des personnes continuent à “adhérer à leurs décisions même quand elle est clairement remise en cause par les faits”. Les possesseurs de Wii étaient tellement sûrs de s’éclater avec une Wii, que même une rotule explosée devient l’occasion de rigoler : tout est bon pour ne pas avouer (à soi, aux autres) qu’on a eu tort[1].

Ce soir je suis tout triste (et ivre). Je sais désormais pourquoi je continue à considérer Densha de Go ! comme un de mes jeux préférés, alors que je sais maintenant que le creux dans la manette n’est pas là pour poser une canette. Et aussi pourquoi je continue à jouer à Virtua Fighter. Et à écrire sur Manette alors que manifestement, pour aimer Densha de Go !, c’est que niveau jeux vidéo je n’y connais rien : l’escalade d’engagement. Monde de merde.

Notes

[1] Coquin lecteur, je vois ton oeil malicieux. Oui, n’hésite pas à me renvoyer ce texte dans la tête, quand je continuerai à cracher sur la Wii quand des jeux formidables seront sortis.