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*Jolie rousse non inclue (snif)

Après des années à me remettre le dos d’aplomb, mon ostéopathe a eu la révélation que mes blocages étaient moins d’ordre articulaires que musculaires. A peine me conseillait-t-il des cours de stretching ou de yoga que j’abordais le sujet Wii Fit, lui demandant son avis :
“ouiii, les gens de nos jours sont tellement assistés qu’il leur faut une console, une télé HD, et une planche électronique pour toucher leurs doigts de pieds.”
Ouais, c’est pas faux.
Néanmoins l’excuse était née, j’allais emprunter le Wii Fit qui accumule la poussière sous le canapé d’une amie pour prendre soin de mon dos.
Pas d’achat, pas d’impulsion. Je suis un sportif de balance plein d’innocence.

Chez Nintendo, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se récupère

En vrai, j’ai déjà fait du Wii Fit quand j’étais jeune. A l’époque de la NES, ça s’appellait le Family Fun Fitness. C’était distribué assez discrètement en Europe, mais ma soif d’expérience et la poste l’avaient fait rentrer dans ma vie.

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A ce propos, arrêtez tout et écoutez mon anecdote :
le jour de sa livraison j’avais joué la maladie pour éviter l’école et tester l’engin. Imaginez la tronche de ma mère quand elle rentre à midi pour me voir courir comme un dératé devant la télé… Ha ha, qu’est-ce qu’on a ri en me mangeant des grosses baffes !
/mode JulienChièze off

Et les années 80 chez Nintendo, c’était autre chose ! Le produit avait un nom pour chaque continent (Power Pad/Family Fun and Fitness/Family Trainer), et tout était bien vivant et coloré avant que l’on passe aux actuels avatars-bidibules dans une esthétique Star Strek de l’an deux mille aseptisé.

La gamme de jeux, dont l’inénarrable Takeshi’s Castle
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A notre époque, l’interface de Wii Fit est marquante par l’absence de tout : couleurs, personnalité, ergonomie, diversité. Les codes couleurs Nintendo actuels y sont respectés : blanc sur fond blanc, avec un peu de pastel gris. Il faut croire qu’une couleur saturée serait un parti-pris trop segmentant pour réunir la famille.

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En fait, Wii Fit c’est bien

Ou plutôt, le Balance Board c’est bien. Alors que le marketing Nintendo en vend des containers en se basant sur une promesse d’exercice et de perte de poids (en famille en plus, c’est dégueulasse), c’est pourtant l’aspect Sport Elec et le logiciel fourni qui sont les moins convaincants.
On sait bien que dans le monde de Mario, tout est débilitant. Même si cette fois la firme est censée s’adresser à des adultes, l’impératif des textes couplé à des voix sous hélium nous plonge encore dans ce qui se rapproche le plus d’une tyrannie contrôlée par les Télétubbies.

- Veuillez descendre de la balance
- Veuillez monter sur la balance
- Analyse en cours
- Analyse en cours
- Analyse en cours (trois fois donc)
- Je suis prête !


Que Nintendo ratisse extra-large pour ramener du fric en se basant sur les moins lotis d’entre nous, c’est de bonne guerre capitaliste. Mais, une nouvelle fois, niveau options c’est le désert. Il est ainsi impossible de se passer des voix irritantes, des “conseils” (au nombre fantastique de quatre passant en boucle), ou des commentaires sur l’effet peau d’orange et les manières de le combattre. Intellect, amour propre, et bon goût seront une nouvelle fois mis à l’épreuve.

Les partis-pris non, mais les idées reçues Wii

Un monsieur et une madame tout lisses comme des mannequins de vitrine sont nos entraîneurs. Le choix de l’embarras nous est donné entre deux représentations impersonnelles aux textes identiques. Même si, humour potache, certains jours c’est le sexe opposé qui viendra pour un remplacement exceptionnel.

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Malgré cela, dans les menus, le yoga est associé au sexe féminin et la gym au gros sexe du mâle viril.
A travers un nombre de répliques bien trop peu variées pour un usage quotidien, les encouragements des insupportables virtuels seront axés sur l’affermissement et la tonification. Une manière comme une autre de ne pas nommer le régime et le sport, avec leurs connotations si douloureuses, et de ne rien promettre comme effet visible sur notre physique.

Je touche mes pieds pour la première fois

Pour revenir à ma vieille personne, malgré le scepticisme devant certains exercices - genre : toucher son pied gauche avec la main droite tout en regardant la jauge d’équilibre sur l’écran crac c’était ma cervicale - force est d’avouer que je me suis assoupli les lombaires. Grâce au “grand étirement” je touche même mes doigts de pieds sans plier les genoux ! J’enchaine dix minutes de petits mouvements souples et lents “sinon vous risquez de vous faire mal au dos (mention légale 75b)” avant la douche, et hop je suis prêt à poser mon cul sur une chaise toute la journée.
Le principe de la balance est axé sur le centre de gravité de la personne y mettant les pieds. Un point rouge le représente, et sa rémanence permet de comprendre son déplacement. En suivant les conseils du coach, on rentre les fesses et corrige la position du bassin pour placer la pastille au centre de notre équilibre. Ca fonctionne rudement bien. Au point de corriger sa position de soi-même lors des réunions autour de la machine à café. A ce niveau, ça dépasse de loin les séances de kiné peu convaincantes que j’ai pues suivre.

Endurance de l’effort

Et pourtant, y a des matins où je n’ai pas envie de voir leur sale pomme avec leur petit air supérieur; me disant “où t’étais hier ?” et autres “t’as pas grossi toi ?”. J’ai la flemme d’aller et venir six fois dans les menus pour faire ma série d’exercices. Si au moins on pouvait créer une liste personnelle et s’y mettre. Mais non. Il y a une manière, et une seule, d’utiliser un produit Nintendo, sinon c’est du vol.
Oh, à la fin d’une activité on nous conseille bien un exercice complémentaire. Mais il est impossible de s’y rendre directement. Il va falloir en retenir le nom et le chercher dans une des listes. Car Gym ou Yoga, il faudra le deviner à la virilité de ce qui le dénomme.

It’s a-me the #1, why try harder ?

Le problème est qu’on ne peut pas s’approprier Wii Fit pour en faire le compagnon d’exercice idéal. Encore une fois, c’est l’utilisateur qui doit se plier à une certaine utilisation du programme. Le sérieux, mais sans promesses de résultats, est omniprésent. Le fun se réduit encore aux éternels Mii, présents dans les mini-jeux.
Les publicités vantent la réunion familiale, pourtant aucun menu de jeu en groupe n’existe. Il faudra soit créer un profil à chacun, soit se foutre des avertissements de la console à chaque changement de personne.
Il faut quand même avouer que chacun son tour, et bourrés comme des coins, c’est très drôle; à défaut d’être familial.

un autre monde est possib’

Pourtant des variantes beaucoup plus aguichantes ont vu le jour depuis. Il y a d’abord le Minutes Gym Digital Video Trainer. Un module fonctionnant sur piles et se connectant facilement à un écran, qui promet plus de 100 000 000 (cent miyons !) d’exercices différents présentés par des personnages variés et hauts en couleurs; pour un prix de 75 euros. Même si l’engin propose de mesurer notre masse corporelle, l’absence de contrôle de l’équilibre réduit son utilisation à la gym.

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Une autre alternative engageante se nomme Training with Hinako et se présente sous forme de DVD. La plupart des exercices usent d’angles de vues coquins comme motivation principale. Il y a peu à espérer niveau interactivité, mais ça a le mérite de faire sourire.

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Et un peu d’humour et de couleur ne ferait pas de mal à un Nintendo toujours enfermé dans son édu-loisir immaculé, cantonnant l’humour et les couleurs au vieillissant et discret Wario.