wallet.jpg

Tiens, j’ai oublié un des dossiers du dernier GamesTM. C’est un entretien avec les mecs de DICE qui ont fait Mirror’s Edge, à propos de l’innovation dans les jeux.
Enfin… Surtout de l’innovation dans leur jeu de parkour balisé. Et bla bla qu”on s’est remis en question, bla bla immersion, bla bla style. Le dossier finit sur une expression que l’on croise de plus en plus dans le milieu :
les joueurs votent avec leur portefeuille.

“I’ll vote with my wallet, thanks.” commentaire de Wolfers sur Kotaku.

Au pays de la Révolution et des Lumières, et sur fond de lutte des classes, entendre que donner son avis dépend de son compte en banque peut choquer. Mais dans un monde de libéralisme et de capitalisme, c’est de la démocratie : des millions de consommateurs ne peuvent pas se tromper. Ils décident ainsi par leurs achats de l’orientation de la production culturelle à venir.
Il semble désormais normal que la qualité, ou du moins la pertinence, d’un jeu se juge à ses chiffres de vente.

”- Tel jeu a un intérêt discutable (Wii Fit, Léa Passion Machin) ?
- Oui, mais il est justifié par les chiffres.” et la discussion s’arrête là; bien avant de parler ergonomie, système de jeu, ou intérêt culturel.

Vingt euros la pipe, soixante-dix euros l’amour

Soixante-dix euros, c’est le prix d’un Gears of War 2 comme d’un Mirror’s Edge à leur sortie. Comparer l’enthousiasme des joueurs pour ces deux jeux uniquement sur les chiffres de ventes, c’est réduire leurs différences à l’image manichéenne d’une lutte de la courageuse innovation contre une insensible séquelle de blockbuster. Pourtant la différence est aussi dans le contenu et la finition : GoW2 offre une campagne solo à deux joueurs trois fois plus longue, un mode horde en équipe de cinq contre l’IA, et un des plus populaires mode multijoueur du Xbox Live.
Mais, malgré sa courte durée de vie et sa linéarité solitaire, Mirror’s Edge a gagné le statut de jeu incompris. Et pour l’amour de l’innovation, le joueur militant devrait sacrifier son temps et son plaisir de jeu; ou alors se sentir coupable d’avoir nourri un succès facile. Et un consommateur aimant un jeu mais préférant n’y investir qu’une somme réduite -qu’il juge plus adéquate au contenu- en occasion ou en promotion, n’aura pas son vote pris en compte.
Cette logique est reprise par certains bloggeurs et journalistes qui demandent, en ces temps de grippe casual, de soutenir un jeu “gamer” (Madworld par exemple ) en l’achetant dès sa sortie, quel que soit son prix et ses défauts. Le consommateur devient alors le mécène de la création. Il doit financer et militer pour l’innovation et la qualité dans les jeux. Ne laissant plus aucune responsabilité morale ou culturelle à l’éditeur, qui ne fait que vendre ce que lui demandent ses clients, en se concentrant sur la bataille marketing.

Mais le rôle de la publicité n’est-il pas, de son côté, de nous convaincre de ce que nous désirons, pour motiver notre achat ? Alors mauvais plan promotionnel, ou mauvais jeu ? C’est qui le premier, l’oeuf ou la poule ?

La Bonne Parole

Heureusement, pour nous sortir du dilemme et de la tentation, si le “succès public” ne vient pas, il y a la notion de “succès critique”. Ainsi, dernier rempart de la culture, le pigiste spécialisé en LE jeu vidéo trouve ici tout le sens de son existence. Son rôle sera d’expliquer, a posteriori, les mauvais chiffres d’un jeu par ses partis-pris couillus, ou encore parce que c’est “deu l’Art”.
La preuve, des fois il n’y a pas de musique. Ou des fois, c’est de la musique classique, alors qu’on se bat ! Ou alors c’est les couleurs qui ne ressemblent pas à celle de la vraie vie, voir peintes avec des gros pinceaux qui tâchent ! C’est le rôle de la profession d’expliquer tout cela dans de longs articles ampoulés, pour sauver les masses de l’ignorance, et leur montrer le droit chemin.

Nos vies de consommateurs ont enfin un sens. Grâce à notre argent, et en gardant la foi pour faire les bons choix, nous construirons un monde meilleur de jeux vidéo. Nous voilà sauvés, mes frères.