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Il y a un genre littéraire fait pour les fanboys : “le roman tiré du jeu vidéo”.

Difficile à défendre intellectuellement et ne s’adressant qu’à un public de niche (les joueurs du jeu) dans un secteur déjà spécialisé (les gens qui jouent au jeux), on en entend rarement parler que ce soit dans les colonnes littérature ou dans la presse consacrée au vidéoludisme. Et quand c’est le cas, il est affublé de la mention traditionnelle et désespérante d’inutilité : “à reserver aux fans”.
Tout ça pour vous parler de Gears of War : Aspho Fields, un livre avec rien que des mots dedans que j’ai lu récemment.

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En avant propos, je signale que j’avais découvert et lu le roman de Heinlein “Starship Troopers” juste avant. Et si la prose de l’inventeur de l’exosquelette est beaucoup plus prenante et agréable que celle du bouquin dont on va parler, je n’ai pas eu l’impression de rater une marche de dix mètres dans l’escalier de la littérature. Pas au point de me péter une rotule au cerveau en tout cas.

Grounaaade ! (dixit un locuste décédé)

Une fois cela dit, parlons du livre. Il approfondit les personnalités et le background de l’équipe Delta (c’était pas difficile oké) avec une narration croisée entre deux époques. D’une part celle de l’engagement de Marcus et de sa rencontre avec Carlos Santiago et son frère Dom avant une bataille majeure des guerres pendulaires . D’autre part une période située entre Gears of War 1 et 2 détaillant les retrouvailles de Dom et Marcus et les non-dits entre eux et la vie désespérée et -pérante de l’humanité après l’émergence Locuste.
L’auteure, habituée à écrire des bouquins pour Star Wars, tombe forcément dans la facilité du fanservice en décrivant un peu trop des actions typiques du jeu comme la prise d’otage (nouveauté du deuxième jeu mise en avant par le marketing de l’époque) ou la mise à couvert. Mais ça lui passe vite et, comme cette fois elle est à l’origine de l’univers qu’elle décrit, elle arrive à donner vie à la planète Sera et aux gros tas en armure qui courent à sa surface. Certains détails sont bien utilisés et mettent le lecteur en léger décalage, avec par exemple les journées de vingt-six heures.
De fait, tout est extrêmement en accord avec le jeu. Chaque action et chaque pensée dévoilée se tricotent parfaitement dans la trame mise en place de manière très condensée dans les jeux. Le style de l’auteur est néanmoins assez pénible à comprendre dans les premières pages. Le narrateur et ses pensées en italique variant selon l’action, on peut se retrouver dans l’esprit de plusieurs soldats en quelques pages, ne comprenant plus que la fureur et le sang. Une désorientation qui rappelle involontairement les premières parties sur le jeu.
A noter aussi que le traducteur se plaint à demi-mots de n’avoir pu utiliser la dénomination de Gears pour les soldats. Situation probablement due à un nouveau cafouillage des équipes de localisation, car le jeu l’utilise bel et bien dans sa version françoise.

Niveau profondeur littéraire, la critique de ce genre d’adaptation est facile mais le média livre est pertinent quand il permet d’aborder des aspects inaccessibles à l’action soutenue que s’impose le jeu pour son propre succès. Ainsi, on arrive à un semblant de réflexion quand un Hoffman à la personnalité très réussie s’inquiète de l’influence sur l’humanité de combats contre une race indéfendable comme les locustes.
Car ces adversaires monstrueux permettent aux soldats sous son commandement une cruauté qu’ils s’interdiraient contre d’autres humains. De là à y voir une mise en abîme du joueur rageux qui ne se soucie plus de morale ou d’éthique une fois dans l’anonymat du jeu en ligne, il n’y a qu’une roulade.

“Gears of War : Aspho Fields” disponible en français aux éditions Milady, pour dix fois moins cher que le jeu original avec une durée de vie équivalente.