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Je déteste le football. Peut-être à cause de l’instrument de lavage cérébral populaire qu’il est devenu. Pourtant ça n’a pas toujours été le cas. Dans les jeux vidéo non plus.

Chers petits amis de La Manette

Quand j’étais petit, le football c’était tous les jours à la récré et une fois tous les quatre ans à la télé. Dans les jeux vidéo de l’époque c’était très moche et injouable, jusqu’à l’arrivée de Kick Off.

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Dans Kick Off, le plus dingue c’est que la balle ne collait plus au pied. Les joueurs venaient la butiner en essayant de la pousser par de courtes touches jusqu’aux cages. Le tout dans un écran assez serré et vu du dessus. Il fallait beaucoup de pratique pour arriver à faire quelque chose, car la construction du jeu et la maîtrise de la balle en étaient à leur expression la plus brute.
Un peu après, dans le même genre et présenté dans une vue presque identique, arrivèrent les petits bonshommes de Sensible Soccer. La recette est assez similaire (ballon libre et vue de haut), mais les footballeurs de pixels faisait penser aux Lemmings de la même époque. Il faut en voir un faire une tête plongeante et glisser à plat ventre sur plusieurs mètres pour comprendre l’affection qu’on peut éprouver pour le jeu.

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Dans le bar du village arriva ensuite Football Champ. J’en ai déjà longuement parlé d’ailleurs (parce que c’est mon préféré de la vie). Après avoir mis la pièce de cinq francs et appuyé sur 1P, on devait choisir son équipe. Les nations ayant marqué les dernières Coupes du Monde étaient représentées et, une fois l’équipe choisie, il fallait désigner un capitaine. Parmi les caricatures, je reconnaissais vaguement Maradona. Mais les coupes de cheveux et les entraîneurs à cravate rappelaient bien le folklore qui accompagnait le sport à l’époque.

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Dans le même genre, je me consolais des années plus tard avec le Super Sidekicks 3 de la Neo-Geo. Loin d’être aussi coloré, il jouait pourtant lui aussi sur la mise en scène des actions se déroulant hors du terrain.



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Dans l’intervalle, il y eu le Super Soccer de la Super NES. Adapté d’une série de jeu à succès de la PC Engine, le jeu prend le parti d’une caméra parcourant le terrain à la suite du ballon. Un effet “Olive et Tom” de remontée du terrain idéal pour le Mode 7 de la console. Les techniques de jeu pour placer un but étaient toujours les mêmes, et le seul défi était d’arriver à remonter le terrain alors qu’une IA vous piquait abusivement la balle toutes les trois secondes.

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Et ça s’est arrêté là pour moi.

Con comme un ballon, jaune comme un pastis

Depuis la place du foot dans les médias n’a cessé de grandir, au point que les Présidents comptent sur une coupe du Monde pour redresser leur côte de popularité. Les résultats sont assénés sur toutes les chaînes plusieurs fois par jour, tellement qu’on connait l’état d’un championnat dont on se contrefout sans pouvoir se rappeler du nom du prix Nobel mort la semaine dernière. Et Game One annonce les transferts et les résultats dans son émission sur l‘“actualité numérique”.
Le petit journalisme moderne se sent plus proche de son auditoire grâce à ce dénominateur lui permettant de toucher jusqu’aux plus abrutis de la population, et les plus abrutis se sentent inclus dans l’information des choses qui comptent. L’éphéméride du ballon rond est maintenant l’équivalent poilu du temps qu’il fait, très utile pour dialoguer sans réfléchir avec ses contemporains.
Et dans les jeux vidéo, la polémique la plus accessible comme la plus porteuse - du vendeur Micromania au podcasteur pute-à-clics - est celle de : ” Qui le meilleur cette année entre FIFA et PES ?”. Ils peuvent en parler des heures sans boire, avec des expressions comme “le ressenti du ballon” alors qu’ils n’ont jamais mis les pieds sur une pelouse.

Vol de l’imagination

Et cette réalité a vampirisé les deux jeux stars de notre époque, qui mettent en avant leurs licences respectives, remplaçant les caricatures et les noms légèrement modifiés qui faisaient sourire. Les commentateurs connus de la télé, au jeu d’acteur déplorable, enregistrent des phrases toutes faites pour vous donner l’impression de regarder TF1 pour “plus de réalisme”. Et les images couvrant les pochettes de jeu présentent les millionnaires en short, posant de l’air pénétré du poisson qu’on vient de sortir de l’eau.

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Ainsi tout que ce que l’on peut détester dans le spectacle du football moderne fait partie intégrante du jeu. Et même d’un point de vue du système de jeu, l’influence du réel de la compétition fait passer pour normal un choix entre des équipes parfaitement déséquilibrées.
Des centaines de nations représentées pour s’affronter dans l’éternel match Brésil contre Brésil. On imaginerait pas Street Fighter 4 avec un Ken profitant de deux barres de vie, pouvant se téléporter et faire des marteaux pilons pendant que ses adversaires ont droit à un coup de poing et deux coups de pied. Mais dans un jeu de foot c’est une situation normale, parce que calquée sur le réel.

Soccer Babies

Les seuls jeux de ballon modernes tentant de s’affranchir de cela tombent dans l’excès inverse. Quelles que soient les qualités d’un Sega Soccer Slam ou d’un Mario Strikers, les univers sont alors bien trop éloignés du jeu original. Non seulement on s’y tape des tortues et des champignons sur le terrain, mais les règles et le nombre de joueurs varient selon les idées pour changer le gameplay pourtant simple et efficace du jeu original.

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Pour le coup, c’est un excès d’imagination qui vient recouvrir le gameur de honte alors qu’il voulait juste faire un petit foot de canapé avec ses copains.

Pris entre ces deux feux, la seule simulation que je peux encore m’autoriser est aussi la plus ancienne : le bon vieux Baby-Foot Bonzini.
Et boum, gamelle !

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Sensible Soccer est disponible sur le Xbox Live Arcade pour 800 points trop chers. Mais on peut tester la démo pour voir les pixels se jeter sur le gazon.