Ce petit séjour parisien me permet de retrouver mes amis vendeurs de jeux vidéos du boulevard Voltaire. Le vendeur de jeu vidéal m'a toujours semblé cocasse par son inadéquation à son propre milieu. Il fait partie de la grande famille des employés de boutique (clerks en anglais) qui passent la semaine à se plaindre que personne ne vient dans son magasin, et le samedi à se plaindre du monde qui l'envahit. On le reconnait à sa phrase typique "je peux vous aider ?", ce qui le met immédiatement à l'opposé de son cousin de la FNAC indisponible mais qui, lui, pourrait réellement nous aider.

Car disons le franchement, le seul genre de personne que le vendeur de jeux vidéal peut "aider", c'est la mère de famille perdue et crédule à qui il va tenter de refiler une partie des stocks d'invendus de la dernière production THQ. Parce que le joueur averti cherchant la bonne affaire dans les vitrines d'occases, évitera toute perte de temps avec l'animal.

Force de vente
Car dès l'instant ou l'on informe le vendeur du jeu qu'on cherche depuis 10 minutes dans les rayons, espérant ainsi gagner du temps, c'est l'effet inverse qui se produit. Le vendeur de jeu vidéal n'a soit : a) aucune mémoire b) aucune connaissance de ce que contient ses rayons. Et là, on se retrouve avec un mec de plus les yeux plissés, le nez contre les vitres, a essayer de distinguer le titre du jeu à 20 euros derrière le dernier Sphincter Celles[1]. La situation qui vient juste après, et qui résulte de l'absence du-dit jeu est souvent un grand moment de composition au pipeau. Si le jeu n'est pas dans le magasin, le vendeur vous explique donc sans se démonter que : a) le dernier a été vendu il a 5 minutes b) il est introuvable tellement il est rare et cher c) il n'existe pas. Et tout ça bien sûr avec la suffisance du mec qui s'y connait plus que toi, parce que LUI travaille dans un magasin de je vidéo.
Et le fait que vous trouviez le fameux jeu deux magasins plus loin à 20 euros n'est qu'une anomalie spatio-temporelle des plus improbables...

La Philo VS les jeux vidéos
Tout ça pour vous dire qu'à ma grande surprise, on peut maintenant trouver tous les moyens de pirater éhontément une DS dans la dizaine de magasins du boulevard. A des prix plus que prohibitifs (20 euros le flashage, 70 euros la supercard -trouvable à 25 euros sur le net). Jusque là je me disais que ce genre de piratage était l'ennemi naturel du magasin de jeu. Le possesseur de ce genre de carte ayant, bien logiquement, peu de chance de revenir acheter le moindre jeu.
Ca m'interpelle quand même et, toujours curieux du monde qui m'entoure, je demande à un jeune vendeur si c'est pas un peu se manger la queue tout ça. Et là, alors que je ne m'y attendais pas, grand moment de philosophie : "Non, parce que les gens qui achètent ce produit, n'achèteraient de toutes façon pas de jeux".

Bon.
C'est pas nouveau, on entend ça depuis le début du piratage. C'est vrai qu'il est malhonnête de dire que quelqu'un qui posséde 100 jeux piratés en aurait acheté 100, et que ce chiffre représenterait alors conséquement l'équivalent des pertes économiques dûes au piratage [2]. Mais on ne peut pas non plus affirmer l'inverse, comme quoi quelqu'un qui n'achète aucun jeu n'en aurait de toutes façons jamais acheté.

On est dans ce qu'on appelle un syllogisme à la con, ou sophisme[3]. Un syllogisme c'est genre : "tous les hommes sont mortels, or Socrate est mortel donc Socrate est un homme.". Un sophisme c'est le même mais stupidement faux, genre : "tous les chats sont mortels, or Socrate est mortel, donc Socrate est un chat.". Ce n'est pas parce qu'un possesseur de Supercard n'aurait jamais acheté tous les jeux auxquels il joue, qu'il n'en aurait acheté aucun.
C'est juste une question de possibilités.
Si le seul moyen de jouer est de payer 40 euros un mini-jeu vendu sur un morceau de plastique, et qu'on veut jouer, ben on raque. Alors que si on a le choix, et qu'on manie un tant soit peu l'outil informatique, on serait bien con de payer.

Boulot de merde
Mais ne nous moquons pas trop vite du commercant. Sachant que le pauvre se fait une marge de 2 ou 3 euros par produit officiel vendu, il faut bien qu'il se rattrape ailleurs. Jusqu'ici c'était le marché de l'occasion qui lui permettait cela. Mais c'est devenu moins rentable depuis les chutes de prix intempestives dûes aux collections Platinum et la faible résistance des CD à l'usure. Pendant ce temps, sur les produit peu honnètes leur marge frise les 40 euros unitaire. C'est l'attrait du gain immédiat, et c'est bien compréhensible.
Ca reste choquant de pouvoir trouver dans le même magasin le dernier Naruto en import à 70 euros à côté du moyen de l'avoir illégalement. D'un coté c'est le culte de l'objet rare, de l'autre c'est la dématérialisation du produit et l'abandon de toute valeur associée. Je continue de croire que, pour leur propre bien, les magasins de jeux vidéos ne devrait pas faire ça. Donner pignon sur rue à ces produits est le meilleur moyen d'amener les joueurs occasionnels à une perte de temps et d'argent, et de les éloigner encore plus des boutiques. Des vendeurs plus accueillants , plus serviables, plus cultivés, et de meilleur conseil servirait mieux le marché. Il y aurait moins de jeux pourris vendus et moins de clients déçus.

Notes

[1] c'est dimanche, j'ai le droit de faire des blagues pourrites

[2] vous aurez reconnu la forme de calcul dite du "PascalNégre"...

[3] merci à Game A pour sa précieuse aide dans cette définition.