Surtout, arrêtez-moi si je me répète
Par Game A le 16 février 2008 - WebTouring.6 minutes
Oui, parce que je veux encore causer jeux occasionnels (casual games), hardcore gamers et casual gaming…
Au détour d’un article de Playtime, Laurent Checola, journaliste du Monde, rappelle ces résultats d’une étude américaine :
L’institut, qui a sondé près de 4000 personnes représentatives, a analysé les goûts culturels des citoyens américains, en fonction de leurs affinités politiques. Que le sujet soit conservateur, modéré ou libéral, le plombier italien arrive toujours en tête des suffrages.
D’après le sondage, les “Rouges” conservateurs représentent 37 % de la population. Ce public conservateur ne “joue pas beaucoup aux jeux, mais quand il le fait, Madden NFL et Mario sont ses jeux favoris”, précise Zogby. Les “Bleus” libéraux, qui “jouent beaucoup plus que les autres”, ont pour leur part une majorité relative de 39 %. Mario et les Sims sont parmi leurs favoris.
Quant aux “violets”, modérés (24% de la population), ils choisissent également volontiers Mario, mais aussi Donkey Kong et le jeu de football américain.
Il se demande notamment comment expliquer le succès de Mario, qui semble dépasser les clivages politiques (vous savez que j’ai ma théorie : Mario, en bon nain de jardin, est kitsch, et en cela peut plaire à tout prix et au plus grand nombre [parce qu’il est] la traduction de la bêtise des idées reçues dans le langage de la beauté et de l’émotion
, selon Kundera).
Ce qui parait assez intéressant dans cette étude, c’est qu’elle montre aussi, biais mis à part*, que la pratique occasionnelle du jeu vidéo passe en majorité par des jeux qui ne le sont pas, si l’on définit, très rapidement, le jeu occasionnel comme un jeu qui a un budget très limité.
Mario, les Sims et Madden NFL, quoi qu’on en pense, sont des jeux d’une richesse aussi gigantesque que leur budget. Bref, la pratique du joueur peut détourner un jeu.
Ce qui n’est pas pour autant dire que le jeu occasionnel n’existe pas.
Le jeu occasionnel
Autre article, et là je commence à reprocher à l’auteur son manque de distance vis-à-vis du terme de “jeu occasionnel”.
Le jeu occasionnel existe. La preuve, il s’est même organisé un petit lobby pour le promouvoir : la Casual Games Association. Je vous laisse parcourir la liste étonnante de ses membres sur la page de leur site : Nintendo n’en fait pas partie, Adobe et Real si. La CGA regroupe des entreprises qui développent majoritairement en java et visant les téléphones portables, voire les sites de jeux flash.
On devrait donc limiter le terme de casual games proprement dit aux jeux développés sur des plateformes qui ne sont pas des consoles, ou pas destinées prioritairement au jeu.
Vous saviez qu’Occasion était une déesse ? Et pas une sympa il parait. Source : utpictura18
Il faudrait aussi réfléchir sur le terme même de “jeu occasionnel”. C’est quoi, une occasion ?
Le dictionnaire parle de “moment favorable”, de “premier moment favorable”, mais aussi de moment quelconque. Le jeu occasionnel s’oppose donc d’une certaine façon au jeu “planifié”, prévu.
De plus, dire qu’il est occasionnel ne veut pas dire qu’il est fréquent ; il est seulement opportuniste. Dépendant du moment favorable, il peut donc aussi
s’avérer très court.
On imagine dès lors quelques caractéristiques du jeu à usage occasionnel : le scénario est quasi inutile, la progression de la difficulté doit être assez forte pour créer rapidement un challenge et il doit offrir une replay value conséquente. Son prix et son accessibilité devraient enfin être adaptés pour transformer l’occasion en acte d’achat compulsif.
C’est exactement ce que proposent les entreprises de la CGA. C’est sans doute le cas de tous les jeux d’arcade et, assurément, c’est celui des Game & Watch et de tous les jeux électroniques qui proposaient en plus du jeu une ou plusieurs autres fonctions (heure, réveil, chronomètre, calculatrice…).
Et de la même façon que les joueurs peuvent occasionnellement détourner des jeux exigeants en temps et en implication, des jeux occasionnels peuvent devenir l’objet de pratiques assidues : par exemple Bakudan Man, un des premiers jeux LCD de Bandai (1981), n’est pas forcément prévu pour atteindre le score maximal de 19 990 points : la difficulté n’est rapidement plus croissante et rien ne vous en félicitera ; seule la passion d’un joueur transforme un jeu occasionnel en un jeu auquel on se consacre des heures durant.
Photo de gauche tirée du très riche site japonais Jun Amano’s Homepage.
Le jeu habituel
Dans le Programme d’entrainement cérébral du Dr Kawashima, un tampon crédite chaque jour d’exercice.
Rendre sa nature occasionnelle au casual gaming permet de donner ses lettres de noblesse à des jeux longtemps dénigrés ici : Kawashima, Wii Fit ou encore English Training.
Ces jeux peuvent partager avec les premiers un budget de développement relativement raisonnable (“peuvent” parce que j’ai bien envie d’inclure Animal Crossing dans cette catégorie). Ils partagent aussi avec les casual games un temps de jeu très court (dans Kawashima, il suffit de 3 exercices pour que le tampon du jour soit plus gros. Comme si lui consacrer 5 minutes plutôt que 2 paraissait suffisant aux développeurs).
Cette catégorie de jeux possède toutefois cette caractéristique d’être conçu pour le jeu au moins quotidien : dans Animal Crossing, il s’agissait de cueillir les fruits et d’acheter les objets du jour ; dans Wii Fit, c’est encore plus symbolique : on se pèse..
Dans sa dernière interview avec Miyamoto, Iwata récapitule ainsi le début du développement de Wii Fit : Donc au début, il n’y avait que trois personnes impliquées dans le projet, et le développement ne s’engageait pas au mieux. La seule consigne qu’avait reçue votre équipe était de mesurer son poids et de noter ce qu’elle mangeait.
Au début, Wii Fit n’était pas pensé comme un ensemble de jeux et avait une fonction hygiénique. Les mini-jeux ont été rajoutés à mesure du développement et de l’évolution de la balance.
Pour autant le plaisir reste, et c’est assez fascinant : la dictée, la pesée, le calcul deviennent des sources de satisfaction. Ce plaisir s’éloigne toutefois diamétralement de celui que l’on peut ressentir dans disons, un FPS. Il ne s’agit pas vraiment de maitriser le jeu, mais plutôt de se maitriser soi-même (pour Miyamoto, Wii Fit doit aider à prendre conscience de son corps
).
Hardcore gaming ?
Reste donc à définir le hardcore gaming. Je différencierai encore le jeu (un jeu conçu pour être pratiqué longtemps et assidument) du joueur (le fait de jouer assidument, ce que l’on peut faire sur n’importe quel jeu donc) à cette remarque près : ce terme de hardcore, “noyau dur”, me pose problème, parce qu’il voile la réalité : le terme “hardcore” témoigne d’une vision “ethnocentrique” du jeu vidéo.
Le hardcore gamer n’a peut-être jamais été au “centre” de ce business ; qu’il le veuille ou non, il a toujours été à la marge d’un média qui, niches mises à part, s’adresse toujours au plus grand nombre.
Les auto-proclamés hardcore confondent leur date d’entrée dans le monde du jeu vidéo (qui peut être récente d’ailleurs, en gros avant la vogue des jeux occasionnels et habituels) et leur place réelle dans cet échiquier : pas grand chose.
On retombe ainsi sur les résultats de l’étude citée par Checola : la majorité du public ne joue pas, mais quand elle le fait, elle cite des jeux qu’on pourrait penser hardcore : parce qu’ils sont exigeants (Madden, une étude française aurait fait ressortir FIFA ou PES) ou anciens (Mario et cette étonnante percée de Donkey Kong).
* Les résultats précis étant payants, on reste avec des titres assez flous : on peut ainsi se demander à quel Mario les personnes interrogées jouent, s’il s’agit toujours du même. Plus gênant à mon sens, à quel jeu pensent-ils lorsqu’ils répondent “Donkey Kong” ? Le jeu musical ? J’ignorais qu’il avait rencontré un tel succès. Celui de 1981 ? J’en doute aussi. Voulaient-ils dire Mario encore ?
Commentaires
Je pense qu'ils parlent de Donkey Kong Country, sur superNES, qui fut un succès retentissant à l'époque, notamment aux USA. Bon papier, à part ça, notamment le passage sur les hardcore gamers (que je ne qualifierai pas d'auto-proclamés afin d'éviter le pléonasme) qui ne sont effectivement que goutte de ketchup dans un océan de béchamel. Enfin bon, l'étude me semble surtout montrer que l'appelation "casual" n'est qu'un cache-misère derrière lequel les éditeurs tentent de fourguer des jeux faits en 2 semaines par 3 stagiaires manchots, dans une cave de Montreuil.
...et non pas une vraie partie du public.
Pas facile, parce que l'écriture de l'article original prête à confusion. Dans un premier cas, on nous dit que quand les républicains jouent, c'est à Madden ou Mario...
... mais quand il s'agit des neutres, on apprend que leurs jeux vidéo favoris sont Mario, Donkey Kong ou Madden, ce qui n'est pas la même chose.
J'imagine que Mario ou Donkey Kong sont cités uniquement en tant qu'icônes et parce qu'ils sont les premiers (ou même les seuls) jeux qui passent par la tête de la plupart des gens quand on leur demande de citer leur jeu vidéo préféré (un vague souvenir d'enfance). Dans le même ordre d'idée, on aurait pu retrouver Pac-Man ou Tetris. Je ne sais pas s'il faut en déduire quelque chose à propos des habitudes de jeu des gens ou si cela témoigne simplement de la capacité de Nintendo à créer des personnages qui infiltrent la pop culture.
En tout cas merci pour cet article agréable.
Oups, j'ai mal interprété la première phrase :
Il ne faut pas lire "Ils jouent rarement, mais quand il leur arrive de jouer, ils préfèrent jouer à Mario et à Madden" mais bien "La plupart d'entre eux ne sont pas des joueurs, mais les rares républicains qui jouent citent Mario et Madden parmi leurs jeux favoris." Dans tous les cas, il s'agit donc de citer son jeu préféré. Désolé pour le doublon.
Je suis d'accord avec toi, l'étude me semble assez floue. Au crédit de l'étude, il faut dire que le jeu vidéo n'était pas au centre de la recherche, mais seulement comme un aspect de pratiques culturelles.
Manifestement en tout cas, l'étude s'est faite sur du déclaratif et des réponses sans relance à des questions ouvertes, d'où le manque de précision. Un indice du peu de sérieux général de l'étude ?
(Merci à tous les deux pour le compliment, ce post a été pénible à accoucher.)
Sur un sujet aussi rebattu, en ce moment, que le casual gaming, c'est sans doute l'article le plus intelligent que j'ai lu.
Ceci étant dit, sur le hardcore gaming, je dirais que c'est avant tout une question de vouloir maîtriser un jeu à fond (la quête des achievements sur le XBOX Live, les épiques à WoW, etc.), plus que de temps passé à jouer ou de type de jeu - une bonne partie des casuals revendiqués peuvent passer quatre plombes d'affilée sur la dame de pique, et comme tu le fais remarquer, on peut faire un usage hardcore d'un jeu casual (Bakudan man) ou l'inverse (les gens qui annoncent jouer à Madden de temps en temps).
Peut-être qu'au fond, les casuals, ce sont ceux qui n'attendent rien du jeu, qui ne s'y intéressent pas, qui ne voient pas ce qu'il y a à comprendre.
mmmh pas d'accord avec ta définition du Casual, mon général. Parce que j'ai été un hardcore gamer (au point d'essayer d'en développer un, et que, entre autre à cause de ça, je travaille dans la 3D), et maintenant je pense que je suis un casual. Sauf que je m'intéresse aux jeux (preuve je traine sur un blog qui s'appelle la faute à la manette, c'est bien que quelque part je suis sacrément atteint), je prend beaucoup de plaisir à y jouer, voir même juste à me renseigner sur les prochaines sorties, et je vendrais ma mère pour avoir GTA IV, là, par exemple (d'un autre côté, je la vendrais pour franchement rien ma mère, si quelqu'un à un porte clé sympa à m'échanger, contre mère, très peu servie, état général correct.. ça peux faire un bon deal. Frais de port offerts)
Seulement voilà, maintenant je joue aux JV que quand je n'ai rien d'autre à faire, je n'ai aps envie de rentrer chez moi pour finir mon level, je recommence rarement le même jeu plusieurs fois, et globalement, je dois jouer.. quoi.. deux heures par semaines ? Et encore, la plupart du temps c'est sur du singstar ou guitar hero... J'ai deux ou trois rechute ou je fini un jeu d'une traite, mais je n'ai plus du tout la même approche du jeu que quand je me sentais un peu hardcore gamer. Amha, quand tu es hardcore, le jeu prend une place un peu démesurée dans ta vie et ta console passe avant beaucoup d'autres choses. Alors qu'en casual, c'est "juste" un amusement de plus, et rien d'autre.
En totu cas c'est ma vision du truc :)
Enfoirés de Nintendo, c'est à cause d'eux qu'on se prend la tête la dessus aujourd'hui ! Partie 1 du plan : perturber le public, Partie 2 du plan : prendre contrôle de la planète.
J'hésite à chaque fois à laisser des coms sur les articles de Game A paxe si c'est juste pour faire ouhaou ou supeeeer bon bé ça fait un peu groupie quoi.
Menstruel > C'est pas la peine de lutter, c'est les hormones, personne ne t'en voudra.
C'est toi qui dit alors ça que t'as toutes les raisons d'en vouloir aux tiennes ? T'as plus de poils sur le torse que sur l'cailloux, j'te fais dire, M'sieur Soyeux. :D
Profite bien de tes dernières 24h, ordure.
Non mais les hormones, c'est cool. Et Game A aussi.
Ces histoires de différenciation casual/hardcore comme dit l'autre c'est tempête dans un verre d'eau. J'suis sûr qu'il y a moyen de jouer hardcore à Kawashima (genre descendre en dessous d'une poignée de secondes pour faire 20 calculs mentaux) alors que je suis moi-même un parfait exemple de casual joueur de WoW (2 ans et demi pour arriver niveau 70, pas un seul objet violet et jamais un seul RAID à plus de 10, pour environ 1 heure de BG sur tout ce temps de jeu).
Bon par contre j'avoue être en train de lentement sombrer core (et âme - ça c'est du calembour de qualitay) sur Team Fortress 2, ce qui m'empêche d'écrire des articles pour 198X. Halp !
D'abord, merci pour cet article long et intéressant. Si je peux me permettre de donner mon point de vue, je pense que l'apparition de l'opposition casual/hardcore n'est qu'une étape marquant l'évolution du média jeux vidéo. Pourquoi ? Revenons 5 ans en arrière ( ou 10 ans, peu importe, avant l'apparition du hardcore gamer). Il n'existe à l'époque que des joueurs et des non-joueurs, en tout cas dans les études scientifiques qui sont menées et dans la définition des cibles marketing. Bien sûr, certains jeux sont plus orienté vers tel ou tel public (les garçons, les filles, les moins de 8 ans...) mais il n'y a pas vraiment de différenciation. Regardons maintenant un autre média, proche du jeu vidéo, mais plus âgé (et plus mature) : le cinéma. Que voyons nous parmi ses amateurs ? Une très grande variété de profils, selon le genre de film et le nombre de films vus par les différents spectateurs chaque année. Non seulement certain ne vont au cinéma qu'une fois par an et d'autre plusieurs fois par semaine, mais il existe en sus une grande variété de genres. On va de l'amateur exclusif de films gores au cinéphile boulimique, en passant par l'amateur qui ira voir trois comédies dans l'année en tout et pour tout. Les personnes qui analysent le cinéma et son public possèdent donc une grille bien plus large que 2 catégories de spectateurs. C'est ce qui arrivera au jeu vidéo dans quelques années.
Jeu pour fille = Bullshit
La définition de "hardcore gamer" m'échappe quelque peu, surtout quand je lis que ce phénomène date de 5 à 10 ans : comment définissait-on alors les différents types de joueurs dans les années 80 ou 90 ? Joueurs et non-joueurs, ça me semble un peu court comme typologie.