Là, de suite, si vous me demandiez comment je me sens, je vous dirais pas bien. Un peu mélancolique.
C’est bien simple, devant cette nouvelle publicité Nintendo, reçue dans ma boite aux lettres (perversité sans limite de Mario), je suis aussi chafouin que devant une nature morte morbide. D’ailleurs tiens puisqu’on en parle, regardez au fond, les belles fleurs épanouies : bientôt elles seront à terre, fanées, décomposées.
Dans ce bas monde, rien ne dure, tout s’inverse, tout meurt, finalement. Et le bonheur, s’il est possible, n’est que passager ; et puis tellement fragile.

Pourquoi cette tristesse devant une famille apparemment si joyeuse ? Mais regardez mieux. Vous voyez ? Oui, vous le ressentez aussi maintenant. Ces quatre-là n’ont que l’apparence du bonheur.

Vous avez comme une sorte de déjà-vu devant cette famille j’en suis sûr. Comme vous avez raison, vous en connaissez déjà certains !
Regardez mieux les deux enfants. Le blondinet, par exemple. Oui, il s’agit bien de celui qui s’amusait tant sur Wii Fit en juillet. Et la jeune fille au regard un peu éteint, la même qui regardait, mi-envieuse, mi-admirative, son frère faire des têtes. Comme tout a changé…

source : gonintendo.com
Source : Go Nintendo

Qu’est-il arrivé à ce dynamique buteur, à ce polisson beau comme nous dans les années 80, si à l’aise dans son corps ? Maintenant son sourire semble feint, son poignet droit est cassé, mou, sans vigueur ; sa main gauche est presque resserrée en poing, presque, comme une colère rentrée que l’on ose pas exprimer autrement que par une pose incommode (regardez encore, sa façon de coller son bras à sa cuisse, sa colonne tordue vers sa soeur). Oui, indéniablement, quelque chose cloche ici.

Ce qui nous fait le plus mal, souvent, se tient juste devant votre nez. Ou à vos côtés, en l’occurrence.
Rappelez-vous, juillet, le père formidable de ces beaux enfants. Comparez avec celui qui sourit à pleine dent à sa gauche. Vous avez remarqué ? Oui, il ne s’agit pas du même !

Dire que je l’aimais tellement, leur père. Vous aussi hein ? Vous vous souvenez, les efforts qu’il faisait pour rester séduisant ? Il se donnait du mal.

Sans doute on ne saura jamais ce qui a amené sa femme à le quitter et à se remarier en moins de 4 mois. Sans doute a-t-elle des raisons qui nous échappent, qu’il nous faut respecter.
Peut-être la procédure de divorce était-elle engagée depuis longtemps. Peut-être son mari était assez formidable pour accepter le choix de sa femme sans discuter, garder le sourire et continuer une vie de famille la plus équilibrée possible, le plus longtemps possible, pour les enfants. Peut-être.
Par contre, ce que je ne crois pas, c’est que le type à sa gauche ait été son amant. Ou seulement dans les dernières semaines, au moment où chacun préparait ses bagages et sa prochaine vie. Regardez-le bien, sa bonne santé agressive, la manière dont son visage agrippe la lumière : ce n’est pas un homme de l’ombre. Il est jeune, arrogant, assez crâneur pour ne pas se sentir ridicule à tenir une wiimote sans regarder l’écran.
Non, je ne crois pas qu’elle ait eu un amant. À la voir, à droite du canapé, légèrement voûtée, j’ai de la peine. Et puis ce sourire un peu bêta, cette façon éperdue de s’adosser à son nouveau mari, soulagée… Elle ressemble à une adolescente en fugue, sauvée de justesse.

Son précédent mari était tellement présent, tellement sans faille. Elle ne supportait plus sa perfection, tout bonnement. Elle ne s’en sentait pas digne, même si elle ne l’avouera jamais. Le problème, finalement, c’était ça : il était trop bien pour elle.
Pour autant elle ne pensait pas que se défaire de lui serait si difficile.
Elle n’y avait pas pensé, ne s’y était pas préparée. Et n’a pas supporté pas le célibat.
Dès les premiers jours, elle a dû connaître la dépression, la profonde solitude. Dès la sortie du tribunal même, elle a dû s’inquiéter de son pouvoir de séduction, même avec une nouvelle coupe de cheveux. Alors bien sûr, quand l’autre est arrivé, enjôleur, sûr de lui, ressemblant physiquement tellement à son ex, elle s’est laissée marier, sans réfléchir. Sans voir qu’en s’abandonnant à lui, en lui laissant la place du milieu, elle abandonnait un peu ses enfants.
Voilà sans doute la signification du sourire du type. Il ne sourit pas à cause du jeu sur la télé. La Wii, très peu pour lui. Les jeux vidéo c’est pour les débiles. Pour l’instant, il accepte de jouer histoire de faire bonne figure devant les mioches - suffit que des mômes vous aient dans le nez pour faire de votre vie un enfer, ça il le sait, c’est son deuxième mariage avec une mère de famille. Alors aujourd’hui il a accepté. Demain, il fera tomber la console en branchant sa platine cédé, c’est prévu déjà.
Non, voilà la signification de sa joie : il a le sourire carnassier de celui qui a fait une bonne affaire en exploitant les faiblesses de l’autre, presque du vol hein, mais il sait y faire. Et là, il a toutes les raisons d’être content de lui, il a choppé un beau petit lot.

Il n’y a qu’une seule chose qui me soulage dans cette affaire. C’est que le père, s’il n’a pas gardé la Wii lors de la séparation des biens a au moins conservé le canapé.

C’est déjà ça.