Vous connaissez les grills George Foreman ? Oui Oui, ceux qui cuisent la viande sans ajout de matière grasse, et qui ont en plus une fonction exclusiveTM qui permet d'en récupérer la graisse, pour des merguez parties plus diététiques. Et bien, en essayant 10 minutes la PS3 ce week-end, j'y ai beaucoup pensé. Manifestement, les designers de la console se sont beaucoup inspirés de la forme et de la taille de l'engin. Dommage qu'ils n'aient pas non plus incorporé la fonction lipo-drainante : les personnages de NBA 2K7, le jeu qui tournait sur la borne, scintillaient de gras.

Pour autant, ma première rencontre avec la PS3 n'a pas été reluisante. Les quatre premières minutes consacrées à sortir du labyrinthe des milliers de menus de jeux et d'options, vingt secondes d'attente à chaque fois pour les charger, le match débute (tout y est beau, luisant), puis s'arrête dans la foulée, un jeune humain empoignant la deuxième manette, c'est bon je joue, c'est moi les Noirs, ah non, c'est l'ordi. Rebelote à la page de titre, 20 secondes de chargement (une traînée lumineuse zigzaguant entre les buildings d'une grande ville la nuit. Très poétique). Cinq minutes et deux fois plus de traversées de la même ville plus tard, le mode deux joueurs introuvable, la deuxième manette recevait un soufflet bien appuyé du jeune impatient.
Elle en a sangloté quelques secondes, heureusement soutenue dans sa plainte par le bras plastique, plein d'empathie, de la borne de test. Je n'allais pas ajouter une couche au désamour ambiant, je laissais ma propre manette à son intimité, la caressant gentiment, comme pour dire à bientôt, comme on s'échappe lâchement des avances d'une fille pas notre genre : sans tromper personne.


Revenons à ces personnages tout glaireux. Enfin non, pas tout de suite.
En 6e, je portais des tshirts Waïkiki verts XL, et entreposais beaucoup de gel dans mes cheveux. Aujourd'hui, confortable dans un polo taille medium, j'excise douloureusement le propre d'une erreur de jeunesse : est erreur de jeunesse toute erreur qui a attendu votre vieillissement pour être débusquée. Ces basketteurs aliasants de graisse de NBA 2K7 sont assurément une erreur de jeunesse des développeurs PS3. Quelques mois de maturation, et ils rougiront, comme moi désormais devant n'importe quelle publicité vivelle. Erreur de jeunesse donc, mais n'est-ce que cela ?

Name dropping

Je suis tombé sur ça, ce week-end, chez Baudrillard (Illusion, désillusion esthétiques, éditions Sens & Tonka). Je me permets une longue citation, parce que pas sûr de comprendre :
" Nous allons de plus en plus vers la haute définition, c'est-à-dire vers la perfection inutile de l'image. Qui du coup n'est plus une image, à force de se produire en temps réel. Plus on s'approche de la définition absolue, de la perfection réaliste de l'image, plus se perd sa puissance d'illusion. Il n'est que de penser à l'Opéra de Pékin, comment avec le simple mouvement duel de deux corps sur une barque on pouvait mimer et rendre vivante toute l'étendue du fleuve[...] Aujourd'hui, on ferait venir des tonnes d'eau sur la scène [...] C'est toujours en ajoutant au réel, en ajoutant le réel au réel en vue d'une illusion parfaite (celle de la ressemblance, celle du stéréotype réaliste) qu'on tue l'illusion en profondeur [...] Une image, c'est justement une abstraction du monde en deux dimensions, c'est ce qui ôte une dimension au monde réel, et par là même, inaugure la puissance de l'illusion. La virtualité au contraire, en nous faisant entrer dans l'image [...] tend à l'illusion parfaite. Elle met fin au jeu de l'illusion par la perfection de la reproduction, de la réédition virtuelle du réel. Elle ne vise qu'à la prostitution, l'extermination du réel par son double.[...] C'est ce que nous avons désappris de la modernité : que c'est la soustraction qui donne la force, que de l'absence naît la puissance. Nous n'avons de cesse d'accumuler, d'additionner, de surenchérir. ".
C'était à propos du cinéma, mais j'ai l'impression que, d'outre-tombe, cela s'applique parfaitement à la débauche d'effets spéciaux de ce jeu (et de la next-gen toute entière) ; que Baudrillard démasque là cette surenchère absolument vaine consistant à faire briller des modèles 3D, simplement parce qu'on peut le faire, "par excès de virtuosité". Ne pouffez pas, ça vous coûtera 7000 francs.