Sayonara Umihara Kawase est le dernier titre en date d’une série débutée en 1994 sur Super Famicom et créée par une huitaine de personnes autour de Kiyoshi Sakai et Toshinobu Kondo, le développeur et le graphiste. On y dirige la dite Umihara Kawase ou ses copines à travers des niveaux labyrinthiques (60 sur Vita/Steam, 50 sur 3DS) à la recherche d’on ne sait vraiment quoi. Équipé d’une simple canne à pêche, on doit progresser jusqu’à la porte de sortie en évitant têtards géants, poissons globes et requins à deux jambes.

Premier épisode à connaître une sortie officielle chez nous, il n’est pourtant pas en odeur de sainteté chez tous les fans de la première heure, essentiellement à cause de la physique souvent contre-intuitive du fil de pêche et du léger flottement dans les déplacements du personnage (comparable à Mario entre les jeux 2D et 3D).

Field 54, un des niveaux exclusifs à la version Vita/Steam. Considéré comme le plus dur des niveaux de la série (162 échecs en ce qui me concerne mais certains ont dû le refaire 675 fois donc ça va), il peut se boucler en 4 secondes…

Pourtant, mal aimé ou pas, les prouesses des joueurs les plus acharnés plaident davantage pour un apprentissage à refaire plutôt que pour les errements d’un jeu mal développé. Kiroshi Sakai se plaignant par ailleurs du « peu d’attention que les gens portent en général à la physique du jeu », on doit faire confiance à sa maniaquerie et admettre que le jeu réagit exactement comme il le souhaitait (un thread sur NeoGaf s’y consacre).

Ce 3e volet a enfin l’avantage d’être le plus agréable à l’œil, quand la palette de couleurs et les choix esthétiques des deux premiers produisaient quelque chose d’un peu triste pour le premier épisode (ce qui était peut-être voulu, Sakai prêtant une enfance « malheureuse et tourmentée » à son personnage) voire de mauvais goût (les fonds pixelisés et les immondes plateformes calligraphiées du deuxième volet, Umihara Kawase Shun). Bref, en ce qui me concerne, difficile de revenir au premier jeu (disponible en bonus dans les versions Vita et Steam), encore moins à l’autre.



Pensé comme un voyage à travers « les souvenirs d’enfance » du personnage, les niveaux s’organisent thématiquement entre le bord de la mer, la petite école, le onsen (jusqu’aux bouteilles de lait qu’on y vend traditionnellement), et la cuisine, évidemment, puisqu’Umihara serait un chef sushi à la recherche des meilleurs ingrédients (à la manière du culte de Poogie, notons qu’il existe chez les fans un scénario alternatif dark à base d’invasion de la Terre par des espèces marines).



Ce télescopage entre les poissons bipèdes à la Brueghel, les objets rappelant les mondes de l’enfance et la structure éclatée des niveaux produit une étrangeté qui n’est pas pour rien pour son statut de série culte.

Le titre même du jeu, qui doit tout au hasard (Sakai a entendu ce proverbe culinaire à la télévision alors qu’il développait des prototypes : « les poissons d’eau de mer sont gras sur le ventre, ceux d’eau douce gras sur le dos »), achève de créer une atmosphère surréaliste, dont la bizarrerie devient vertigineuse avec le mode VR rajouté l’an dernier sur PC.



La principale qualité que je prête à Sayonara Umihara Kawase est cependant l’impression d’authenticité, de réelle japonéité, que le jeu me laisse chaque fois.
Alors oui, c’est un peu ridicule, mon origine française empêchera toujours d’appréhender réellement cette authenticité que je prête au jeu, la bouteille de lait des onsen, la luminosité chaleureuse des lampions de papier et les tétrapodes des bords de mer ont la force des clichés, mais c’est ainsi, je ne peux m’empêcher de trouver quelque chose d’intime et personnel à ces niveaux foutraques, un peu comme dans les jeux de Kaz Ayabe (Boku no Natsuyasumi ou Attack of the Friday Monsters: A Tokyo Tale sur 3DS).

En tout cas, aussi contestable que soit mon ressenti, il doit largement provenir des effets de réel du décor : on retrouve un peu partout des objets du quotidien, des bouteilles de shoyu ou de Ramune (UK Shun) aux crayons Mitsubishi HI-UNI HB (premier jeu).


Dans sa première version sur Playstation, Umihara Kawase Shun insérait même de vraies publicités entre les niveaux pour de vrais produits des marques Mitchell et Gyokuroen.

Sayonara continue de légèrement grimer le noms des marques pour éviter les poursuites judiciaires, à ceci près qu’au lieu de marques de confiserie (MilkSoft au lieu de Milky, Pockiri…) on passe aux brasseurs : on croisera ainsi Popporo, Sasahi et Rinrin (Sapporo, Asahi et Kirin sont les principales entreprises du secteur au Japon avec Suntory).



En soi c’est déjà assez étonnant pour un jeu qui a commencé sa carrière sur une console Nintendo de passer devant des dizaines de bouteilles de Sasahi Dry, de shōchū ou de coupelles de saké renversées, mais ce serait sans compter la version « Plus » sur Vita et Steam qui a permis de mieux distinguer ce qui n’était qu’un amas de pixels sur 3DS.


Un œil aux illustrations sur les parois du décor et il ne vous faudra plus longtemps pour les reconnaître :


les décors regorgent en fait de publicités des années 30 pour Asahi, Sapporo et Kirin (illustration d’ailleurs toujours commercialisée dans un lot de cartes postales sur le site officiel du brasseur).

Contrairement aux marques sur les bouteilles ou sur les bacs plastiques, les affiches n’ont pas été altérées, les développeurs comptant sans doute sur leur petite taille pour s’exonérer d’autres précautions juridiques. On ne s’en plaindra pas, la petite touche vintage qu’elles ajoutent faisant beaucoup pour le charme des décors.




Sayonara Umihara Kawase est un jeu à consommer sans modération - mais peut-être pas quand même à partir de 3 ans comme le signale le PEGI (a priori il n’y a toujours pas de marqueurs spécifiques pour l’alcool dans la classification). Il est sorti en 2014 sur 3DS européenne, et en 2015 dans sa version « Plus » sur Vita puis Steam.

Les images sont soit des images officielles soit des captures réalisées par des joueurs sur Steam - merci pour ceux qui se reconnaîtraient. Les dessins en noir et blanc proviennent du Umihara Kawase Shun Perfect Book mis en ligne par nathan/kawasefan.net.
Au niveau des curiosités, la section croquis du guide mentionne des bouteilles de Duff et une référence aux Simpsons que je n’ai pas retrouvées dans le jeu.

Je n’ai pas reconnu une affiche alors que son format inhabituel aurait pourtant dû faciliter le travail. Parfois j’y distingue une femme à gauche, parfois une anse au milieu, et en général rien. Si vous avez une idée…