J’aurais beau jeu de me plaindre d’une publicité pour le DSiWare Photo Dojo, après avoir tellement reproché à Nintendo de ne pas communiquer assez sur sa plateforme de téléchargement.

On est bien d’accord.

La communication de Nintendo a sensiblement évolué ces derniers temps sur la presse papier, Nintendo préfère désormais le publi-rédactionnel : finis les beaux couples qui marchent main dans la main, place à quelques citations de Lætitia Milot vantant Wii Fit Plus. Faut aimer le genre, moi je déteste, notamment parce qu’elles sont souvent aussi plates en informations qu’en visuels intéressants.

Le publi-rédactionnel c’est quoi. Disons qu’il se distingue de la publicité « conventionnelle » en visant une sorte de brouillage entre ce qui est publicitaire et ce qui ne l’est pas : reprenant la police de caractères, la mise en page et le style d’écriture du magazine dans lequel il s’insère, il veut ressembler à un article conventionnel de la revue (et ainsi profiter de la crédibilité que le lecteur accorde a priori aux vrais articles)

La publicité qui nous occupe est pour le coup un assez mauvais exemple du genre : le rédactionnel y est réduit à sa portion congrue et la place laissée à la photographie signale clairement qu’il s’agit de réclame, et ce malgré la mise en page et les couleurs copiées du magazine people en question (la « presse Jeune Femme » est une fois de plus la cible principale).

Je suis toujours aussi sceptique devant des gens qui s’amusent avec l’application photo de la DSi mais passons : la jeune femme est rayonnante, j’ai envie d’y croire. Ce qui me gêne davantage, c’est le champ lexical des accroches : « jeux à deux », « le plaisir […] est décuplé » et la pire, « Plus de CM [sic] pour plus de plaisir » : qu’ils aient voulu rendre leur console sexy c’est compréhensible, en faire un sex toy voire une sex tape (« Amusez-vous sur grands écrans »), c’est un peu excessif. Par ailleurs la formule transparente sur les centimètres est d’une vulgarité rare.

On peut aussi regretter l’absence totale de rapport entre la photographie, les accroches et l’encart rédactionnel : encore un peu on passerait à côté de la première publicité pour un jeu DSiWare à télécharger, en l’occurrence Photo Dojo.
Pour un tel événement, le titre n’est d’ailleurs pas très heureux : « Battez-vous dans votre couple en toute légalité » c’est au minimum tendancieux. Heureusement la capture d’écran de Photo Dojo et la conclusion adoucissent cette promesse de violence conjugale, notamment parce que c’est une femme qui met « son chéri au tapis ».

On appréciera à propos le langage familier (chéri, mettre au tapis) de la locutrice (« son ») pour provoquer la connivence avec le public féminin visé. On en retrouve un autre exemple savoureux dans le chapeau du texte : grâce aux applications téléchargeables de la DSi, 

« redécouvrez d’anciens jeux Mario ! »
 

Les « anciens jeux Mario »… Quelle admirable manière de « traduire le discours marketing de l’annonceur en information utile à chaque cible » comme le dit bien Qualipige, qui s’occupe d’habitude des publi-reportages pour Nintendo*. Quel effet de réel (on croirait entendre parler sa mère) et quelle puissance d’évocation pour quelqu’un dont les jeux vidéo sont un brumeux souvenir d’enfance !

Et tellement commode en plus : qu’est-ce qu’un « ancien jeu Mario », après tout ? Sur près de vingt ans, une bonne quarantaine de jeux doit pouvoir y tenir, entre les jeux de plateforme, les jeux de course… Seul problème : aussi accueillante et bien trouvée soit cette périphrase, elle est à peu de choses près mensongère.

Le DSiWare a beau proposer une bonne centaine d’applications à télécharger, rien ne ressemble franchement à un ancien jeu Mario. Une simple recherche permet de s’en convaincre :

  • Une pause avec… Dr. Mario™ (date de sortie:01/05/2009)
  • Calculatrice Mario™ (03/07/2009)
  • Horloge Mario™ (03/07/2009)
  • Mario vs. Donkey Kong™: le retour des Mini! (21/08/2009)
  • Game & Watch™ Mario’s Cement Factory (26/03/2010)

Sur ces cinq jeux utilisant le personnage, la calculatrice et l’horloge ne peuvent guère remémorer que le goût de Nintendo pour les prix excessifs et les pratiques abusives. Quant à Mario vs. Donkey Kong et Une pause avec… Dr. Mario, ils n’ont rien d’ancien : le premier est la suite quasi conforme d’un jeu DS, l’autre est une refonte du jeu NES sortie elle-aussi d’abord sur DS.

En fait, seul Mario’s Cement Factory pourrait rentrer dans la catégorie « anciens » (et tant pis pour le choix impliqué par le pluriel). Je doute cependant que de nombreuses lectrices aient gardé un souvenir ému d’un jeu consistant à remplir des bétonnières. Il est même fort peu probable que le rédacteur de la publicité y ait pensé aussi : publié il y a un mois, le jeu n’était donc même pas sorti durant la conception du communiqué.

Finalement cette formule mensongère a cependant au moins un intérêt : montrer qu’il parait inconcevable pour tout le monde, jusqu’à un publicitaire, que Nintendo ne propose pas sur sa console portable de rééditions de ses plus grands succès.

 

 

* L’idendité du prestataire n’est pas précisée sur la publicité. Le rédactionnel est d’habitude beaucoup plus présent dans les publi-reportages de Qualipige. En fait, la publicité ressemble davantage à ce que fait Alerte Orange - oui, la boite de com derrière le musée du jeu vidéo, si décrié à l’annonce de son ouverture, puis tellement vanté après la mise en marche de sa fontaine à chocolat pour journalistes.