L’intertextualité est une notion assez récente qui désigne les phénomènes d’interférence entre plusieurs textes, du plagiat au pastiche, de la citation à la répétition inconsciente.

Devant ce boss de fin de niveau dans ESWAT: Cyber Police (Sega, 1989), il apparait que la notion pourrait être utile aussi pour aborder les jeux vidéo : comment ne pas y voir une référence directe au Donkey Kong de Nintendo qui huit ans auparavant envoyait les mêmes absurdes tonneaux de bois ?

Autre référence, toujours chez Sega, sur laquelle j’étais tombé il y a un bout de temps : le vaisseau mère de Galaxy Force II

a été repiqué dans Space Fantasy Zone , un jeu sur PC Engine CD annulé au dernier moment (qui reprenait aussi le gameplay et certaines musiques de Space Harrier).

Ça n’a l’air de rien pourtant c’est formidable : Galaxy Force n’avait pas franchement de scénario ni d’univers et là toc, ils l’insèrent rétrospectivement dans la Fantasy Zone ! (Je comprends que vous ne compreniez pas mon enthousiasme.)


Chez Capcom, les références d’un jeu à un autre étaient déjà plus courantes voire systématiques dans les années 90 : du SD du Mobil Suit de Side Arms comme curseur dans les menus de Street Fighter II sur SNES aux “NIN” que l’on retrouvait un peu partout dans les high scores ou dans les décors (pour Akira Nishikani, producteur prolifique à l’époque), il y en avait partout.

Le sens de certains clins d’oeil nous échappaient cependant souvent : l’illustration de Forgotten Worlds (originale à gauche, à droite elle est sur l’écran géant, derrières les Aliens) dans l’introduction de Alien vs. Predator (1994) annonçait-elle une suite au shoot’em up de 1988 finalement abandonnée ?


Nervous Brickdown doit être le jeu DS sur lequel j’ai passé le plus de temps (jusqu’à ce que je grille la sauvegarde de la cartouche en l’expulsant trop vite). Cette compilation à la fois inventive et hyper référentielle proposait dix mondes différents, chacun avec un gameplay propre. Je vous dis pas mon étonnement en découvrant Thunder Ball, un jeu électronique datant de 1983 (Tronica, Game Clock).

Les ressemblances avec le monde Water sont confondantes, jusqu’au principe : il semble que dans le jeu LCD on doive aussi récupérer des bonshommes avec un sous-marin en évitant d’être touché.


VIX était le nom de modèle de l’ordinateur de bord du VIXIV (X, 1992 sur Game Boy). S’il n’est pas étonnant de le retrouver dans sa suite sur DSiWare, 3D Space Tank (X returns au Japon), sa présence dans Starship Patrol l’est davantage. En fait, elle fait partie des « quelques petites connexions sympas » qui relient entre eux les jeux développés par Dylan Cuthbert et Q-Games sur DSi ; un réseau de références croisées se créée ainsi entre plusieurs jeux, les enrichissant en même temps que l’univers dans lequel il se déroule s’étoffe.


CING était un grand spécialiste du genre. Leurs jeux n’oubliaient jamais quelques discrètes références aux précédents. On pouvait ainsi reconnaître sur deux polaroids abandonnés dans une maison d’Another Code R (2009, Wii) cinq personnages d’Hotel Dusk (2005, DS)…


Louis DeNonno, Martin Summers, Rosa Fox et son mari, capitaine dans Another Code: Trace Memory (DS, 2004) (images).

… tandis que Last Window, la suite d’Hotel Dusk, renvoyait la politesse avec une photographie encadrée du lac Juliet, où se déroulait Another Code R. Plus subtiles, on apprend dans le même jeu que Kyle Hide, ancien policier reconverti dans le porte à porte, vendait des Ultra Hands* et même des G&W BALL.

Voilà pour les quelques exemples recueillis ces dernières années. Si vous en avez d’autres, je suis preneur !




* Lu dans les “documents confidentiels” qui accompagnent le roman (accompagnant lui-même les aventures du jeu) écrit par Martin Summers, un personnage d’Hotel Dusk : « Ce jour-là, il était chargé de vendre des bras télescopiques à monsieur ou madame Tout-le-monde. Il s’agissait d’un appareil escamotable qui se dépliait sur simple pression d’un bouton. Le mécanisme installé à l’extrémité permettait d’attraper des objets éloignés ou placés en hauteur. Je me suis du reste laissé dire qu’autrefois, ce type de produits se vendait comme des petits pains. » L’Ultra-Hand est un jouet développé par Gunpei Yokoi en 66. Il ne semble pas avoir connu de commercialisation aux États-Unis cependant, surtout pas en 76.