ball_03.jpgÉcran de BALL, après avoir appuyé sur le bouton ACL (pour All CLear ? Je me suis toujours demandé). Tous les cristaux liquides ne s’activent pas, bizarrement.

Je me doute que vous en avez un peu assez des Game & Watch, d’autant que j’ai déjà abordé l’entretien entre Satoru Iwata, CEO de Nintendo, et trois illustres développeurs de ces jeux électroniques…

Promis juré je range définitivement BALL dans sa boite, juste après un dernier coup d’oeil sur son écran.

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Pour la réédition du jeu, Nintendo a repris l’écran « à embosses » caractéristique des Game & Watch. Comme l’indique Florent Gorges dans L’Histoire de Nintendo vol. 2, cette technique brevetée maintenait un espace constant entre les deux plaques d’électrodes (grâce à ces centaines de points imprimés en relief directement sur une des couches) afin d’éviter des interférences visuelles. D’autres méthodes existent (billes transparentes par exemple) mais celle-ci a son authenticité pour elle.

Évidemment, cette authenticité n’est qu’apparente, l’électronique ayant fait quelques progrès depuis 30 ans. Outre le maillage d’embosses qui parait beaucoup plus fin que sur les anciens modèles, Makoto Kano se rappelle que

des pistes débordaient des deux côtés de l’écran du BALL original. Il était impératif de les cacher. Nous avons donc décidé d’ajouter un filtre imprimé par dessus. Sur les écrans LCD actuels, ce câblage est invisible, il n’y a donc rien à camoufler. Cependant, pour que cette réédition soit aussi fidèle que possible, nous avons laissé le filtre.

Ce n’était pas la seule limitation avec laquelle les développeurs devaient jongler à l’époque. « La puce électronique utilisée dans les premiers Game & Watch étant la même que celle des calculatrices » de l’époque, elle en avait les mêmes limitations : Takehiro Izushi précise que « le microprocesseur utilisé pour BALL pouvait gérer l’affichage de 72 segments ».

ball_04.jpgAfficher un “0” sur ce compteur exige 6 segments différents, 5 pour un “2”, etc.

Sachant que le compteur de quatre chiffres, qui affiche le score ou l’heure, en utilise déjà 28 (4 colonnes de 7 segments), on comprend les difficultés qu’ont dû surmonter les développeurs pour faire un jeu avec les 44 éléments restants.

D’après Kano, l’absence des “:” pour séparer heures et minutes en mode horloge est sans doute due à cette nécessité d’économiser le moindre segment. Pour en avoir le cœur net, on peut s’amuser à les compter, en prenant garde à une petite subtilité.

Il semble en effet qu’un « segment » ne soit pas forcément un élément contigu. Makoto Kano précise que dès le deuxième modèle, FLAGMAN, la colonne des milliers ne pouvait plus afficher que “1”**. Dans le cas de MANHOLE (1981) qui précisait en plus “AM” ou “PM” en mode horloge, ils avaient ainsi économisé 4 segments réinvestis dans le jeu lui-même (sur 7, s’ils avaient voulu afficher jusqu’à “9” milliers).

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Détail amusant : la majorité des G&W dans les illustrations officielles affichent des scores de 328, 368 ou 398 (ou 6328 pour les jeux à 9999 de score maximal).

Cela implique donc que “AM”, par exemple, bien que composé de deux lettres séparées, ne compte que pour un segment, de même “1” si les deux parties qui le composent sont toujours affichées ensemble - ce qui n’était pas le cas dans BALL. Nous voilà armés pour compter correctement les segments.

hypothèse de nombre de segmentsNombre de segments par zone -croquis de départ : L’Histoire de Nintendo vol.2*.

Outre les 28 segments utilisés pour afficher l’heure ou le score, 30 segments sont utilisés pour les boules, 1 (c’est une hypothèse) pour chacun des deux ensembles “boule brisée et « CRUSH ! »”. Restent donc 12 segments pour le personnage, et c’est là que ça se corse :

4 segments pour les jambes, 6 pour les avant-bras, 2 pour les bras et 1 pour le tronc et la tête ? Un de trop donc par rapport à la limite de 72. Ou bien, le tronc et la tête et les deux bras ne font qu’un segment (ils sont toujours affichés ensemble), auquel cas il reste un segment de libre et bravo les feignasses pour n’avoir pas rajouté le “:” entre les heures et les minutes ! è__é
Je ne suis pas sûr de l’explication que je préfère (un léger overclocking du processeur de calculatrice aurait déréglé l’horloge non ?), si vous avez d’autres hypothèses de comptage je suis preneur.

 

 

* On peut commander ce bouquin édité par Pix’n love à cet endroit. Une deuxième édition était prévue avec quelques corrections, je ne sais pas où elle en est.
** Dans les Game&Watch, l’heure est toujours affichée sur 12 heures, pas sur 24, d’où ce “1” pour les milliers. JUDGE excepté (il précisait en toutes lettres « hours » et « minutes » sous les chiffres correspondants), cette astuce a été utilisée au moins jusqu’à TURTLE BRIDGE (1982). Pour tous ces jeux, le score maximal était de fait limité à 1999.

Enfin, une traduction (plus sûre que celles proposées par les divers outils de traduction en ligne) de cet entretien entre Iwata et les trois anciens développeurs vient d’être réalisée par Zoc. Allez-y, il est encore riche d’enseignements - mais promis je n’en parlerai plus - d’ailleurs je range BALL dans sa boite, ça y est c’est fait, fini.