Un des grands plaisirs de Sega Marine Fishing tient à la variété et à la taille des espèces que l’on peut attraper : au lieu des seules truites de 15 kilos (Sega Bass Fishing), certaines prises dépassent allègrement les 130 kilos !

Malheureusement, cette surenchère continue jusqu’au terrorisme écologique.

Parmi les 18 espèces disponibles (du crabe à l’espadon), deux sont particulières. D’abord parce qu’on ne les trouve que dans le dernier niveau (le port japonais), ensuite parce qu’il s’agit des seules à ne pas posséder d’hameçon dédié : le coelacanthe et le thon rouge (bluefin tuna).


Le coelacanthe est le vrai clou de ce jeu. Pêcher un poisson rarissime des hautes profondeurs de l’Océan Indien à un pas des côtes japonaises avec 10 mètres de longueur de fil est tellement improbable que le plaisir est immense quand l’un d’eux mord à l’hameçon.
Ce qui l’est moins, c’est que l’espèce culmine IRL au troisième niveau de risque d’extinction. 

bluefin tuna
À côté du fossile vivant, la deuxième espèce bonus du jeu est bien moins impressionnante. Quatrième variété de thons du jeu, la surprise est pour le moins éventée, et on comprend mal de quelle manière un thon peut tenir lieu de récompense.
Alors bien sûr sa chair est très appréciée pour les sushis, d’où le quota de pêche copieusement explosé par les pêcheurs japonais malgré les accords internationaux, mais bon, ça ne justifie pas la quasi-clandestinité de la bestiole dans ce jeu.

En fait, après recherche, il y a trois espèces de thons rouges (toutes en situation de surpêche d’ailleurs). Le thon rouge du Nord, du Sud et du Pacifique. Cette dernière migre chaque année vers le Japon et comme le thon rouge du Nord (Atlantique, élevée artificiellement au Japon), elle est très convoitée pour sa chair (sashimis et sushis essentiellement). La troisième espèce, le thon rouge du Sud (Océan Indien), est également très prisée des Japonais ; tellement qu’elle voisine avec le coelacanthe au dernier niveau avant l’extinction…
Alors oui le jeu ne précise pas de quelle variété il s’agit, mais son aspect et son statut identique au coelacanthe font sérieusement pencher pour l’espèce en danger.
Avouez : si c’est le cas et s’il s’agit de préméditation de la part de Sega, proposer en conscience des espèces sur le point de l’extinction est plus que douteux.


Du coup j’ai vérifié l’état du stock des autres espèces du jeu, et je suis tombé sur le cas du poisson napoléon (qui fait partie des poissons annoncés dans le manuel).
Regardez-le, n’est-il pas superbe ? Peut-on le voir sans s’imaginer immédiatement les eaux transparentes, les îles paradisiaques à côté desquelles il a forcément le bon goût de nager ? Alors profitez-en bien, parce que lui aussi est menacé d’extinction.
Et le plus triste, c’est qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle polissonnerie de Sega, mais de la dégradation rapide de l’environnement par la faute de l’homme : le stock de l’espèce est apparu critique quelques années après la sortie du jeu.

Lors de la sortie de la version Dreamcast, Sega Marine Fishing était accompagné d’une fonction online bizarre, le fish mail. En gros, et jusqu’au 20 novembre 2001, date de la mort du serveur dédié, il s’agissait d’écrire des petits mails qui devenaient autant de poissons que vos amis pêchaient aléatoirement.
Les poissons comme autant de bouteilles à la mer, comme un SOS paradoxal : les pêcher, c’est les condamner.