Des mois que cela ne m'était pas arrivé ; j'ai acheté un magazine de jeux vidéo français. Et donc Joypad. Pas de quoi être fier ; mais ils ont changé, qu'ils disent. Voyons ça.

Déjà, une chose n'a pas changé, c'est le supplément, déjà là depuis pas mal de mois il me semble, et qui propose "le meilleur du magazine" Edge, fleuron anglo-saxon de Future Press.
C'est par celui-là que je commence, un peu ému : je vais enfin comprendre les articles de ce magazine à l'anglais trop pointu pour moi.

J'ouvre page 5, je lis, à propos des jeux de tir à la troisième personne : "Il s'agit pourtant d'un genre aussi contrarié qu'il est populaire : une mise en équation de l'action souhaitée (tirer pour tuer) avec la perspective désirée (le joueur en train de tirer pour tuer) qui, neux fois sur dix, peine terriblement à compenser les inconvénients de son mode de vue par une authentique singularité de style : la perte de l'absolue évidence qui caractérise son cousin à la première personne."
Je crois bien que je comprends, mais je comprends aussi que je n'ai pas du tout envie d'en comprendre plus.
Je saute des pages. P.19, un article "flash-back" sur Nomad Soul. J'allais leur proposer. Je saute aussi.

Ah, page 28, un article sur Advance Wars, ça semble intéressant. Il y a même une problématique, incroyable : "comment un titre apparu sur NES parvint-il à définir une nouvelle génération de jeux sur portable ?"
"Parvint", passé simple, y'a du niveau ; en même temps, s'ils arrivent à répondre à une telle question, je leur fais un bisou parce que oui, en effet, ça m'interroge grandement. Pas tant la réponse elle-même que la manière dont ils vont se dépêtrer d'une question aussi bancale.
"Jouer à Advance Wars est une affaire délicate. Il ne s'agit pas tant du paradigme essai/erreur que d'un processus d'essai et d'apprentissage, chaque erreur apportant son lot de découvertes sur l'impeccable mécanique, éblouissante de simplicité, qui anime le jeu." Je vous JURE que je recopie soigneusement. Ce sont vraiment les premières lignes de l'article, par ailleurs intéressant et précis (4 pages, tout de même).
Ah oui, la réponse à la problématique. Elle est donnée juste après : c'est parce "chaque version crée et détruit, selon un principe d'expérimentation très pointu, au sein d'un ensemble de règles produisant un parfait équilibre entre complexité et accessibilité ." En gros, donc, un bon jeu NES peut définir de bonnes suites sorties sur GBA à condition de tout changer. Oui c'est du foutage de gueule.

Après le "meilleur" de Edge, voyons le nouveau Joypad lui-même. J'irai très vite. D'abord parce que le magazine n'est pas bien épais. Ensuite parce qu'il est affligeant.
J'ai l'impression tenace de retrouver le Edge du mois dernier ; Game A B vérifiera pour moi, il a le courage et le bon goût d'être abonné à l'original, mais je suis affirmatif pour les banques d'images, que j'ai déjà vues dans l'autre, et j'ai quelques doutes pour certaines interviews (Jason Rubin, bon dieu qui est ce type).
Si le Joypad nouveau est bien une traduction des moins bons textes de Edge (puisque le meilleur est regroupé dans le supplément), on se demande à quoi sert encore ce supplément à part. Faire passer la pillule, en mimant une sorte de liberté éditoriale quelconque ? (De toute façon impossible, vu le nombre minimal de rédacteurs déclarés dans l'Ours).
Si c'est bien le cas, Joypad propose le pire de Edge, gardant le meilleur et le plus illisible pour le supplément gratuit. Le monde est mal fait, on préférerait payer le meilleur, et avoir le mauvais gratuitement que l'inverse.

Les textes courts ne sont pas signés (comme dans Edge), et le tout semble souvent bien conciliant avec certains acteurs du marché. Quelques exemples :

  • Dans une double page qui ne sert à rien, "les dates importantes du mois de juin", le magazine nous rappelle gentiment la fête des mères en nous proposant de leur acheter une DS. Bon, pour être précis, ils nous disent seulement que Nintendo fait une campagne à leur destination, mais en reprenant finalement tout l'argumentaire du gros sans aucune distance critique (notamment que 44% des joueurs seraient des femmes ; sur les biais méthodologiques de ce genre d'affirmations, voir cet article de Laurent Tremel). Pour la paix des ménages, ils proposent également d'en prendre une pour la fête des pères.
  • Une page entière est consacrée à Mortal Kombat : Armageddon sur Wii, avec de jolies illustrations sur la maniabilité au wiimote. Peut-on sérieusement consacrer une page à ce genre de jeux sans perdre toute crédibilité ? Non, sans doute pas.
  • Pourtant, il y a pire, dans le bullshit. Savourez (p.90, dossier "Jeux vidéo : ce qui va changer") : "aux côtés de Katamari Damacy et LocoRoco se trouvent des choix esthétiques encore plus radicaux comme le style du dernier Rayman". Je sais, c'est impressionnant, il faut oser.

Pour autant, ce n'est pas non plus une simple traduction du magazine anglais ; il conserve ainsi quelques vieux tics de la presse vidéo-ludique française ("gageons que etc." dans les conclusions non inspirées). Ouf. Mais je me permets de leur donner un conseil. Le passé simple. Faut oublier.