Depuis quelques jours, j'ai un boulot monstre, long et pénible. Et qui dit beaucoup de travail, dit beaucoup de temps à consacrer à tout faire plutôt que.
Le problème, c'est que je n'ai pas seulement tout fait, j'ai fait n'importe quoi : j'ai acheté un FPS Electronic Arts.

Alors à la question "Pourquoi un FPS ?", je répondrais "C'est comme pour les chats qui, quand ils ont des problèmes digestifs, se mettent au vert et savent choisir instinctivement les plantes aux vertus adéquates". Moi, instinctivement, il me fallait un FPS. Quelque chose qui énerve, qui stresse, qui alimente une certaine température de chauffe.

"Pourquoi celui-là ?". Hum ; comment dire... Je l'ai confondu avec Killzone (ok ok, je sais, rien à voir ; mais j'étais soûl quand j'y avais joué) : j'étais persuadé que Killzone se déroulait pendant la Seconde Guerre (j'étais ivre gevoudis).
Et donc, devant les étals, j'hésitais entre Medal of Honor 2 d'Electronic Arts (ah oui, le jeu c'est Medal of Honor 2 Rising Sun) et Call of Duty d'Activision.
Vous avez bien compris qu'en FPS, comme en jeux E.A.[1], je n'y connais rien. Et donc j'ai finalement choisi MOH 2 : "Electronic Arts, c'est trop connu pour faire des mauvais jeux".
Quelques jours après, de me savoir encore capable de naïveté, je me serais fait un bisou ; les 2 jours que je lui ai consacrés, j'étais moins bienveillant, et plutôt languissant.

MOH 2 se déroule sur le front pacifique et vous oppose aux Japonais (Là-bas on dit qu'il est de longs combats sanglants). "Oppose" est un grand mot, les ennemis :

  • ne vous voient pas ou font semblant de (Je suis l'Empire à la fin de la décadence, qui regarde passer les grands Barbares blancs),
  • vous tirent dessus puis vous tournent le dos (Seul un esclave un peu coureur qui vous néglige),
  • vous tirent dessus et vous manquent (O n'y vouloir, ô n'y pouvoir mourir un peu).
Remarquez, les Américains rendent la politesse : les headshots sont pris en compte une fois sur 5, et les camarades de bataillon sont immunisés contre les balles perdues.
Le jeu vous fait voyager (Hawai, Singapour, l'Indonésie), participer aux batailles les plus célèbres (Guadalcanal, le pont de la rivière Kwai - si si) mais se fait un plaisir de rater tous les noeuds dramatiques[1]. C'est confondant, et finalement assez épuisant (Seul un ennui d'on ne sait quoi qui vous afflige).


Pourtant, il y a des très bonnes choses. Enfin deux.
Le début du jeu est formidable, in media res comme dit Judith Bernard : lancez le jeu, et il vous embarque, sans les présentations d'usage, lors de l'attaque japonaise à Pearl Harbor[2], dans la cale d'un navire américain. Apprentissage des boutons (un pour tirer, un pour recharger, un pour s'accroupir, un pour afficher "cette porte ne s'ouvre pas"), sortie de la cale à toute vitesse et tirs contre les avions japonais ! (Passons sur la vraisemblance : comme à mon habitude, je mets le jeu, allume la console - imbécile bouton d'alimentation - et, le sentiment du devoir accompli, vais faire autre chose. Revenu 15 minutes après, mon navire avait étonnamment résisté aux attaques japonaises.)

Et puis il y a les passages documentaires qui s'intercalent entre les missions, qui résument la guerre, l'avancée du front, la vie des civils américains (lettres de la soeur du personnage principal). Le boulot réalisé autour du travail de mémoire est incroyable (pour un jeu hein).
Le sérieux de cette préoccupation historique est tel qu'il en devient tristement ironique : qui réalisera le travail de mémoire pour ce pauvre Medal Of Honor 2 ?

Notes

[1] Exemple : je dois saboter une bagnole conduisant un dignitaire nazi. Pour cela, on me donne un truc genre piège à loup et on me précise que la voiture passe de suite au carrefour. Bon ; il est tard, je ne suis plus très frais, et je ne sais pas où se trouve ce carrefour. Je tourne un peu. Trente minutes après (des choses à faire...), je reviens au point de départ, au milieu d'une étroite ruelle. Comme ça, pour voir, j'utilise le piège. Il ne se passe rien. Je refais un tour : une voiture est explosée contre un mur. Me demandez pas pourquoi, ni comment.
[2] Au fait, le jeu a soulevé quelques froideurs japonaises : vous pensez bien, les Japonais ne sont que des victimes des bombes nucléaires (et un point Godwin, un !).